Entre 2010 et 2023, le Cameroun a vu sa facture d'importation de produits pharmaceutiques bondir de 69,5 milliards à 166,6 milliards de FCFA, soit une augmentation de 139,7 %. Cette tendance, révélée par le rapport sur la compétitivité de l’économie camerounaise publié par le Comité de compétitivité, souligne la dépendance marquée du pays envers les médicaments importés. Une situation qui perdure malgré les appels à une production locale accrue.
Les volumes importés et les pays d'origine ne sont pas détaillés dans le rapport du Comité, mais l’Institut national de la statistique (INS) a fourni des données révélatrices pour l’année 2023. Le Cameroun a importé 4,2 tonnes de médicaments, vétérinaires inclus, de l’Union européenne (UE) pour une valeur de 62,9 milliards de FCFA. La France se place en tête des fournisseurs avec 2,017 tonnes de produits pharmaceutiques, évaluées à 28,5 milliards de FCFA.
L’Inde, autre acteur majeur sur ce marché, a représenté 7 % du volume des importations, pour une valeur de 39,5 milliards de FCFA. Toutefois, le marché est également infiltré par des voies moins officielles : la contrebande et la contrefaçon. Ces pratiques illégales nuisent aux opérateurs économiques locaux depuis plusieurs années, aggravant une situation déjà complexe.
En dépit des discours récurrents sur la nécessité de l’import-substitution, le Cameroun continue de dépendre des importations pour couvrir plus de 90 % de ses besoins en médicaments. La production locale reste marginale, avec des ventes d’à peine 8 milliards de FCFA sur un marché total estimé à plus de 125 milliards. Les producteurs locaux, comme l’a souligné Loe Gisèle Etame, présidente de l’Association des industries du médicament, opèrent bien en deçà de leurs capacités. Lors d’une rencontre en octobre 2021 avec le ministre du Commerce, elle avait déploré que les unités de production locales ne fonctionnent qu'à 20 % de leur potentiel.
Pour le Dr Prosper Hiag, président du conseil d’administration d’Africure Pharmaceuticals Cameroon (APC), une usine basée à Douala, la situation a empiré ces dernières années. L’une des principales raisons est la faiblesse de la Centrale nationale d’approvisionnement en médicaments et consommables médicaux essentiels (Cename), un organisme public chargé d'importer des médicaments pour le secteur public. En 2011, la Cename importait pour environ 15 milliards de FCFA, mais en 2020, ce chiffre est tombé à 3 milliards.
Face à cette situation, les industriels locaux plaident pour que le gouvernement facilite l’accès à la commande publique. Ils proposent que certains besoins en médicaments de la Cename soient couverts via des appels d’offres nationaux, réservés aux fabricants locaux, afin de stimuler la production nationale et réduire la dépendance aux importations.