Selon les patronats de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (Cemac), l'implémentation du démantèlement dans le cadre des APE plombe l'intégration économique de cette sous-région.
Selon les patronats de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (Cemac), l'implémentation du démantèlement dans le cadre des APE plombe l'intégration économique de cette sous-région. Réunis à Douala du 8 au 10 août 2024, les pontes du secteur privé et des administrations fiscales ou douanières des pays membres de la Cemac ont exploré toutes les difficultés économiques liées à cette sous-région. Les échanges placés sous le thème «définir les approches pour une meilleure coordination des politiques de promotion du secteur privé» font suite à la réunion du 28 juillet 2023 à Douala, organisée à la demande de l’union des patronats d’Afrique centrale (Unipace). Paradis fiscal Malgré les multiples efforts mobilisés au quotidien pour fructifier les échanges commerciaux dans la zone Cemac, la situation n’est toujours pas au beau fixe. Selon Célestin Tawamba, président de l’Union des patronats d’Afrique centrale (Unipace) «la zone de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) est la dernière zone d’intégration dans le monde en termes d’intégration de commerce. On est à peine à 3%... problème de coordination des politiques fiscales et douanières. Il est extrêmement difficile dans nos zones de comprendre que le système fiscal qui régit la zone Cemac a besoin de visibilité sur le plan fiscal, douanier». Et parce que la pression y fiscale est faible, tout porte à croire que la sous-région est un vaste paradis fiscal. Faux, défend le président de l’Union des patronats d’Afrique centrale (Unipace). «On nous dit que le taux de pression fiscale est faible. C’est donc dire que la zone Cemac serait un paradis fiscal. La zone Cemac est loin d’être un paradis fiscal. Pour les entreprises, le taux de pression fiscale est uniquement appliqué à très peu d’entreprises. Le taux réel que les entreprises supportent pour certains va jusqu’à 50, 80, 100%. Il faudrait revenir à un système de fiscalisation normal du bénéfice et pas des chiffres d'affaires», ajoute Célestin Tawamba. En réalité, celui qui est également le président du Groupement des entreprises du Cameroun (Gecam) pense que cette situation est le fait de l’entrée en vigueur des Accords de partenariat économiques (APE) avec l'UE et la Grande-Bretagne. «Il se trouve que les APE sont venues mettre à mal le tarif extérieur commun. Les politiques d’investissement communes en termes d’investissement ne sont pas tout à fait claires», dépeint-il. APE en Zone Cemac À y voir plus clair, la situation de la zone Cemac n’est pas vraiment à plaindre. Peu avant l’entrée en vigueur des APE relatifs, plusieurs acteurs avaient prédit d’énormes difficultés aux communautés qui vont y adhérer. Or, le Cameroun, seul signataire desdits accords, est également la plaque tournante de la Cemac. Le moindre impact sur son secteur privé pourrait donc impacter ceux de la sous-région. Pour y faire face, les patrons de l'Afrique centrale explorent d'autres moyens. Ceux-ci «impliquent que les dispositifs règlementaires et institutionnels de la Cemac soient davantage considérés et adaptés en conséquence. Des chantiers communs sont à ouvrir ou à consolider parmi lesquels la vulgarisation de nombreux règlements communautaires de la mise en conformité des textes communautaires et nationaux aux textes de la zone de libreéchange continentale africaine», fait savoir Baltasar Engonga Edjo’o, président de la Commission de la Cemac. Rappels Alors que l’Union européenne et les blocs régionaux étaient en pourparlers pour conclure les APE, certains observateurs ne se sont pas privés de tirer la sonnette d’alarme sur les conséquences néfastes qu’ils impliquent sur les économies desdits blocs. Parmi eux, Ablasse Ouedraogo. Pour l’ancien directeur général adjoint de l’OMC, ancien conseiller spécial du président de la Commission de la Cedeao sur les négociations commerciales, la libéralisation des échanges avec l’UE n’a pas que des avantages. «S’ils [les APE Ndlr] étaient finalisés dans leur forme actuelle, ils priveraient les pays ACP d’instruments de politique essentiels à leur développement. À l’opposé des objectifs initiaux, ils auraient pour effet de compromettre l’intégration régionale, en aggravant la pauvreté et en empêchant les pays de diversifier leurs productions et de s’affranchir de la dépendance vis-à-vis des produits de base.», avait-il confié dans les colonnes de Jeune Afrique en 2010. Et d'ajouter: «Depuis plus de trente ans, les pays africains, convaincus du fait que seuls des espaces économiques importants sont viables à terme, mettent en place des organisations interétatiques pour promouvoir l’intégration régionale. Ce travail est loin d’être achevé et le commerce intrarégional en Afrique de l’Ouest représente moins de 10% du volume total des échanges, contre plus de 60% en Europe. La libéralisation imposée par les APE pourrait accentuer cette extraversion des économies africaines et annihiler les efforts titanesques entrepris par les organisations sous-régionales¬ (Cedeao, UEMOA, Cemac, SADC…), pour consolider un marché régional en cours de construction. Les pays comme la Côte d’Ivoire, le Ghana ou le Cameroun, qui ont signé individuellement des accords intérimaires avec l’UE, sont régis actuellement par différents régimes commerciaux. Ce qui peut avoir des retombées au niveau régional», expliquait-il dans un texte intitulé «5 raisons de suspendre les négociations sur l’APE».