Carburant : une légère hausse des prix à la pompe qui questionne

L’augmentation du prix du carburant est effective depuis le 1er février

Mon, 6 Feb 2023 Source: Confidentiel N°163

Au Cameroun, l’augmentation du prix du carburant est effective depuis le 1er février 2023. Le super passe de 630 à 730 Fcfa le litre, le gasoil augmente de 140 Fcfa et sera désormais vendu à 720 Fcfa. Seuls les prix du pétrole lampant sont maintenus à 350 Fcfa par litre à la pompe et celui du gaz domestique à 6500 Fcfa.

Ce qui n’apparaissait que comme étant une rumeur est maintenant une réalité sur le terrain. Le gouvernement camerounais n’a pas attendu longtemps avant de mettre en pratique la promesse Fonds monétaire international.

Il faut dire que ce réajustement des prix des carburants intervient une semaine après la fin d’une mission du Fonds monétaire international (FMI) au Cameroun dans le cadre de la troisième revue du deuxième Programme économique et financier appuyé sur la Facilité élargie de crédit (FEC) et le Mécanisme élargi de crédit (MEDC).

Le FMI qui préconisait jusqu’à l’année dernière la suppression des subventions sur les carburants en ce sens qu’elles constituent « un frein à l’investissement public » a dû revoir sa copie, préconisant finalement aux autorités camerounaises une palette de propositions en cas de maintien des subventions.

Après avoir reconnu lors des échanges qu’il était urgent de réduire les subventions aux produits pétroliers afin de créer un espace budgétaire pour financer les investissements productifs, le gouvernement a procédé le mardi 31 janvier 2023 à un réajustement haussier des prix des carburants à la pompe.

Ainsi, le litre de l’essence super à la pompe passe de 630 Fcfa (1,04 dollars) à 730 Fcfa (1,21 dollars), soit une variation à la hausse de 100 Fcfa (0,16 dollar), ce qui équivaut à une augmentation en valeur absolue de 15,8%. Pour sa part, le litre de gasoil coûte désormais 720 Fcfa (1,19 dollar) contre 575 Fcfa (0,95 dollar), soit une augmentation de 145 Fcfa (0,24 dollar) qui correspond à un accroissement en valeur absolue de 25,6%, tandis que le litre du pétrole industriel revient à 590,19 Fcfa (0,97 dollar), enregistrant une hausse de 36,5%.

Pansements de court terme ?

Redoutant un renchérissement incontrôlé du coût de la vie avec le risque d’une implosion sociale, le gouvernement a opté pour « une note moins salée », puisque les subventions sont maintenues de l’ordre de 80% en comparaison au précédent exercice.

Autrement dit, l’Etat ne peut plus débourser 700 milliards de Fcfa pour subventionner les produits pétroliers comme ce fut le cas en 2022. Car les prévisions de limiter ces subventions à 350 milliards de Fcfa conformément à la Loi de finances 2023 sont largement dépassées. Ceci laisse donc entrevoir que les subventions liées aux produits pétroliers pourraient atteindre 550 milliards de FCFA (912 millions de dollars) cette année 2023.

Ce qui pourrait contribuer autant que possible à limiter une inflation galopante qui se situe à 4,8%, contre 3%, le seuil toléré en zone CEMAC. C’est pourquoi afin d’atténuer l’impact de ces coûts sur le pouvoir d’achat des consommateurs, le gouvernement a mis sur pied des mesures d’accompagnement.

Il s’agit de la revalorisation de la rémunération des agents publics au taux moyen de 5,2%. Par ailleurs, le gouvernement a proposé que le Salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG) soit revalorisé à 41 875 Fcfa contre 36 270 Fcfa actuellement. Mais cette proposition doit faire l’objet d’un examen avec les partenaires sociaux dans le cadre de la Commission nationale consultative du travail.

Notons que la dernière augmentation des salaires des agents publics remonte à 2014. C’était toujours à la suite d’une hausse des prix des carburants à la pompe. Par décret présidentiel du 7 juillet 2014, les personnels civils et militaires avaient vu leur rémunération de base augmenter de 5%.

Avec ces nouveaux prix à la pompe, le Cameroun fait partie des pays africains à avoir le prix du litre de carburant assez élevé. Dès lors, la question qui vient à l’esprit est de savoir comment un pays producteur de pétrole comme le Cameroun pourrait avoir un prix du carburant aussi élevé à la pompe?

Relevons que le Cameroun est un producteur de pétrole. Mais qualifié de fuel lourd, et ne pouvant pas être raffiné localement, son pétrole est vendu à l’étranger. Du coup, tout le carburant consommé dans le pays est importé. Conséquence, le Cameroun n’est pas très différent d’un pays non producteur de pétrole. Et d’ailleurs rien ne garantit que ce n’est pas le même ce fuel lourd vendu à l’étranger qui revient dans le pays en carburant à un prix exorbitant.

Pourtant les près de 775 milliards de Fcfa injectés comme subvention des produits pétroliers et gaz domestique y compris en 2022 par le Cameroun, est le triple du coût estimé (250 milliards de Fcfa) pour la reconstruction de l’unique raffinerie du pays (Sonara), consumée par un incendie en mai 2019.

Cette somme dépasse aussi les 720 milliards de Fcfa d’investissements requis pour la construction du barrage de Nachtigal (420 MW). Et dont la mise en service complète permettra d’augmenter de 30% les capacités de production d’électricité du Cameroun, d’un seul coup. Par contre, l’Afrique du Sud qui est un pays non producteur de pétrole a su mettre sur pied un modèle simple.

Le carburant n’est pas subventionné. Les prix sont fixés par un organe de régulation et en fonction des tendances sur le marché international. Le pays achète du pétrole brut et le raffine pour la consommation interne d’abord, ce qui fait que le litre de carburant à ce jour en Afrique du Sud coûte 746 Fcfa, soit 1,23 dollar.

Peu importe comment le gouvernement cherchera à compenser ces nouveaux prix, l’unique solution qui pourrait sauver les ménages de la vie déjà très chère, serait que le Cameroun se dote d’une raffinerie capable aussi de raffiner son fuel lourd, afin d’approvisionner le marché local à des prix nettement abordables.

Ce qu’il faut relever c’est que cette augmentation du carburant aura inévitablement des répercussions sur les prix des transports en commun. Bien que certains analystes estiment que cette « hausse contenue » des prix des produits pétroliers ne devrait pas entraîner l’augmentation des prix des transports. Et ceci en oubliant que des automobilistes pourraient être tentés de faire de la surenchère au regard des difficultés des moyens de locomotion renforcées par l’insuffisance des infrastructures routières.

Source: Confidentiel N°163