La pénurie des pièces de monnaie impacte négativement l'activité commerciale au Cameroun : stations-services, boulangeries, pharmacies, marchés de vivres, aucun secteur n'est à l'abri. C'est toute une petite économie qui est ainsi mise à mal.
Un vrai calvaire pour Odette, vendeuse d'ananas : ''Le marché ne passe pas. Maintenant pour que tu vendes il faut d'abord avoir les pièces. Parce que la grande majorité vient avec des billets. Tu vas rendre la monnaie comment ?''
Aujourd'hui, à cause de cette rareté de la petite monnaie regrette la commerçante, son chiffre d'affaires a baissé considérablement.
Pour ce consommateur rencontré au marché, la situation est tout aussi difficile : ''C'est pas facile pour nous les acheteurs parce que quand vous partez par exemple dans un marché, que vous avez un billet par exemple de 1000 francs, vous faites des achats de 600 francs, le vendeur va vous dire qu'il n'a pas 400 francs.''
Dans le secteur des transports c'est aussi une autre galère, il faut rembourser 100 ou 200 frs voire plus à longueur de journée et lorsque la caisse se vide de sa petite monnaie confient ces conducteurs de taxis et de motos, le travail prend aussitôt un coup.
La première, selon lui, est liée au non renouvellement des signes monétaires : "Pour le cas du Cameroun, les signes monétaires sont remplacés tous les 10 ans(…) En 2003 on en a remplacé et depuis 2003 il fallait remplacer 10 ans plus tard en 2013, ça n'a pas été fait donc on utilise les mêmes signes monétaires", précise-t-il.
"N'ayant pas renouvelé ces signes monétaires, on s'est donc retrouvé avec une masse monétaire qui était chargée d'encadrer des transactions menées par 10, 15 millions d'habitants. Entre temps, cette taille de la population est passée à 25 millions donc les millions de personnes supplémentaires qui se sont ajoutées vous avez jusqu'à 10, 20, 40% d'opérateurs du secteur informel et d'autres secteurs qui se sont ajoutés mais la masse monétaire n'a pas changé", ajoute l'économiste.
La deuxième raison évoquée par le Dr Biada est relative à l'élargissement du maillage bancaire qui a crée une forte demande : "Avant nous avions nos banques commerciales qui étaient domiciliées à Douala et à Yaoundé mais l'embellie économique a fait que les guichets se sont démultipliés un peu partout à travers le pays."
Enfin, le Dr Biada indexe comme troisième cause de la pénurie : "L'augmentation croissante des petits métiers fait qu'on a besoin davantage de la petite monnaie malheureusement y 'en a pas assez, d'où donc sa rareté."
Parmi les causes de la pénurie, le journal Ecomatin cite aussi deux problèmes : celui du circuit de distribution et celui de communication sur la possibilité de changer des billets en pièces dans des lieux bien indiqués.
En 2018, la gendarmerie nationale avait démantelé un réseau constitué de Camerounais et de ressortissants chinois ayant à leur possession plusieurs sacs à l'intérieur desquels se trouvaient des pièces de 100 francs estimés à plusieurs millions de francs CFA.
Face à l'ampleur de ce trafic, le gouverneur de la BEAC avait tenté de rassurer à l'occasion d'une réunion de politique monétaire de la banque centrale en 2019 ; promettant ainsi des enquêtes avec les autorités camerounaises et les autres pays de la CEMAC pour déterminer disait-il, l'ampleur de ce phénomène afin de se doter des moyens de le circonscrire.
"La monnaie divisionnaire vient en fait consacrer l'ère de l'économie monétaire. Le principal intérêt de la petite monnaie est que lorsqu'il y en a assez, la vitesse de déroulement des transactions dans l'économie devient très rapide donc son absence crée des lenteurs" affirme le Dr Biada.
"Lorsque les transactions se déroulent très vite, la principale incidence que l'on note c'est quoi ? c'est l'augmentation du chiffre d'affaires. Or quand le chiffre d'affaires augmente, l'Etat est content parce que l'Etat va asseoir son impôt sur le chiffre d'affaires. La rareté de la monnaie divisionnaire a une incidence sur le plan micro- économique mais également macro-économique" conclut-il.
BBC Afrique a contacté les services de communication de la BEAC pour savoir comment la banque compte régler le problème de la pénurie de petite monnaie. Mais nos efforts n'ont pas abouti.