Comprendre la cherté du ciment au Cameroun

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Sun, 1 Nov 2015 Source: Théodore Tchopa et Mathias Mouendé Ngamo

Malgré l’arrivée de nouveaux opérateurs qui ont mis fin au monopole de Cimencam qui aura trôné seul pendant plus de 50 ans sur le marché, le prix du produit n’a pas connu de baisse.

Le Premier ministre a inauguré à Douala, dans la zone industrielle de Bonabéri, les usines de Ciments d’Afrique (Cimaf), le 2è opérateur local pour le moment. La descente sur le terrain du chef du gouvernement intervient au plus fort de la bataille engagée par les pouvoirs publics camerounais, en vue de clarifier les prix actuellement pratiqués sur le marché du ciment.

En effet, il y a quelques semaines, le ministre du Commerce a instruit les opérateurs de ce secteur d’activité de mentionner les prix du ciment sur les emballages pour éviter de semer la confusion dans l’esprit des consommateurs. Soupçonnant les acteurs d’avoir négocié un consensus autour des prix, qui n’ont pas baissé, en dépit de la forte concurrence effective dans cette filière depuis l’année dernière, le gouvernement veut en savoir un peu plus désormais sur les mécanismes de fixation des prix.

Aussi le Mincommerce a-t-il donné dix jours aux services spécialisés de son ministère, pour lui faire parvenir des propositions dans cette perspective Au lendemain des émeutes qui avaient secoué certaines villes camerounaises en février 2008, le débat sur le prix des produits de grande consommation, dont le ciment, avait déjà ressurgi.

Pour parer au plus urgent, le gouvernement camerounais avait pris un certain nombre de mesures, dont la suppression des droits de douane sur le riz, le sucre, la farine, le ciment etc. à l’importation. Ces mesures incitatives avaient suscité une ruée massive des opérateurs dans les importations massives de ces produits (Quiferou et Fokou ont été autorisés à importer jusqu’à 1,5 tonnes par an). Mais, au même moment, elles représentaient une menace pour le tissu industriel local déjà très faible.

Les plaintes de producteurs locaux relativement à la baisse de leur production, avaient poussé le gouvernement à suspendre dès août 2014, et ce jusqu’à nouvel avis, la délivrance des autorisations d’importation du sucre et du ciment sur le territoire national. C’était la seule planche de salut pour les Cimenteries du Cameroun (Cimencam), seul producteur local à cette époque.

50 ans de monopole

Lorsque cette société du groupe Lafarge voit le jour en 1963, l’entreprise est alors la seule dans la production et la commercialisation de ciment au Cameroun. La convention d’établissement liant l’entreprise au gouvernement camerounais est signée en 1965. En 1970, l’entreprise crée la cimenterie intégrée de Figuil, à 93 kilomètres au nord de Garoua.

En 1971, l’usine de broyage de Bonabéri, dans l’arrondissement de Douala 4ème est mise en service. Puis en 2008, l’inauguration officielle de la 5ème ligne de production (Bk5) rallonge la production de Cimencam de 600 000 tonnes additionnels.

L’Etat camerounais à travers la Société nationale des investissements (Sni) détient 43% des parts contre 55% pour Lafarge et 2% pour les employés, ce qui permet à l’entreprise de se positionner comme le leader national du marché du ciment au Cameroun. Un monopole que la société conserve pendant plus de 50 ans, jusqu’au début de l’année 2011.

Le prix du sac de 50kg de ciment fixé à 1050 F. Cfa à l’époque, à en croire les consommateurs, a atteint aujourd’hui la barre de 4600 F. Cfa dans les grandes métropoles. Les clients des régions reculées déplorent la rareté saisonnière du produit, ainsi que son coût qui passe souvent du simple au double.

Une situation due aux coûts de transport, d’après un responsable de Cimencam lors d’une conférence de presse organisée le 20 octobre dernier à Douala. Il a relevé à l’occasion que leur entreprise produit 1,5 million de tonnes de ciment par an. Pas assez pour satisfaire les 20 millions de Camerounais qui réclament un produit accessible en tout temps et à un coût abordable. Les consommateurs poussent alors un ouf de soulagement lorsqu’ils apprennent l’arrivée de deux autres opérateurs dans le secteur de la cimenterie au Cameroun.

Spéculation

Le 19 septembre 2011, Aliko Dangote et l’Etat du Cameroun signent une convention par laquelle le milliardaire nigérian s’engage pour la création d’une cimenterie à Douala, d’une capacité de 1,5 million tonnes de ciment par an. « La société présente des résultats bien au-delà des attentes avec plus de 300 personnes employées, plus de 90 milliards F. Cfa d’investissements et la saturation de production dès la première année », a relevé Philémon Yang, le Premier ministre, lors de la cérémonie d’inauguration de Dangote Cement Cameroon, le 27 août 2015 à Douala. Le promoteur de Dangote Cement Cameroon annonce quant à lui une deuxième phase du projet qui permettra de porter la capacité de production à trois millions de tonnes.

« Avec cette deuxième phase, Dangote Cement Cameroon deviendra la plus grande cimenterie du Cameroun. Le Cameroun pourra alors exporter du ciment en zone Cemac », a expliqué Aliko Dangote. La mise en route en février 2014 de Ciments d’Afrique (Cimaf), fruit de la coopération économique entre le Cameroun et le Maroc, pour une capacité de production de 500 000 tonnes, a porté la production annuelle de ciment au Cameroun à 3,5 millions de tonnes par an.

Une production qui pourrait être revue, si les promesses de Dangote venaient à se réaliser, à 5 millions de tonnes. Selon Ernest Gbwaboubou, ministre des Mines, de l’Industrie et du Développement technologique, reprenant le Président du conseil d’administration (Pca) du Groupe Cimaf/Addoha, « la nouvelle usine permettra d’endiguer les nombreuses ruptures de fournitures de ciments constatées sur le marché camerounais, de mettre fin à la spéculation autour du prix du ciment et de garantir une constante dans la qualité de ce produit ».

Si l’autorité administrative plaide pour la fin des spéculations, les consommateurs quant à eux ne comprennent toujours pas pourquoi le prix du ciment n’a connu aucune baisse dans les quincailleries, malgré la concurrence.

Source: Théodore Tchopa et Mathias Mouendé Ngamo