Dans les meandres de la contrebande de Tabac au Cameroun

L&B Cigarette

Mon, 25 May 2015 Source: Le Messager

Chaque année, l’Etat et les entreprises locales font face à des pertes dûes au commerce illicite estimées à près de 30% des recettes douanières selon Mbarga Bekono, Secrétaire Permanent du Comité ad hoc des opérations de lutte contre la fraude, la contrebande et la contrefaction.

Ce chiffre inquiétant représente, selon le Groupement Inter-Patronal du Cameroun (GICAM), une perte mensuelle d’environ quatre milliards de FCFA (4,000, 000,000 de FCFA).

Ce fléau a engendré la fermeture de plusieurs entreprises pendant que d’autres sont allées à la découverte de nouveaux marchés. « Les industries locales sont asphyxiées par ce phénomène», souligne la cellule de lutte contre le commerce illicite du groupement inter patronal, Gicam.

Les études ainsi réalisées révèlent, qu’outre les cigarettes, le textile, les piles, le sucre, la minoterie et le ciment, le secteur le plus touché est celui des produits de consommation courante comme les détergents, les médicaments et les produits pétroliers.

Entre février 2005 et juin 2006, des saisies dans les marchés ont permis de mettre la main sur 35,000 pagnes ainsi que des milliers de cartons de cigarettes, de stylos et de piles électriques. Au Cameroun, la contrebande de tabac a pris de plus en plus d’ampleur ces dernières années.

Les produits du tabac illicite, constituent jusqu'à 12% de parts de marché et 24% dans le Nord.

En effet, de par sa définition, le tabac de contrebande est tout produit ne respectant pas les conditions et dispositions de commercialisation dans un territoire donné. Par cela, nous entendons l’importation, la fabrication, la distribution, le marquage, l’estampillage et le paiement des droits et taxes.

Les droits de douane et d’accise particulièrement élevés poussent plusieurs importateurs peu scrupuleux à user de subterfuges afin de se soustraire au paiement de ces charges. Pour illustrer cela, prenons l’exemple d’une commande de six conteneurs. Deux des conteneurs seront acheminés par voie légale, en s’acquittant des droits de douane tandis que les quatre autres seront transportés par des opérateurs isolés, sous une cargaison de carreaux ou de brocantes.

Les produits du tabac illicite, constituent jusqu'à 12% de parts de marché dans le territoire national et plus de 24% dans le Nord du Cameroun où la situation est encore plus alarmante.

Ceci est aussi favorisé par la configuration géographique du Cameroun qui offre des facilités de passage le long de sa côte maritime et par la porosité de ses frontières terrestres. Il est admis que l’ampleur de la contrebande est difficile à évaluer, mais semble très importante au regard des pertes énormes subies par les unités industrielles locales sur leurs chiffres d’affaires et des revenus dûs au gouvernement. Au niveau du Grand Nord, par exemple, le phénomène de petit contrebandier a un impact assez important sur le marché par les volumes qu’ils distribuent. Certains vont en moto et peuvent porter jusqu’à une dizaine de cartons par voyage et par moto pour inonder les marchés périodiques de la région avec des produits venant du Nigéria. Ils utilisent aussi des camionnettes et camions venant du Nigéria pour desservir les marchés du Nord. Les produits illicites ont atteint des niveaux de disponibilité et de consommation si élevé qu’ils tendent à se normaliser aux yeux du gouvernement, des consommateurs, des détaillants et des grossistes.

« C'est en surveillant les voies connues de la contrebande, en faisant un effort de révision de la fiscalité, en détruisant les produits saisis et en mettant un terme à l'impunité que l'on réduira sérieusement le niveau actuel de la fraude et du commerce illicite », plaide les hommes d’affaires.

Politique de lutte contre le tabac au Cameroun

Le tabagisme a un impact sur la santé publique des pays en développement, dont le Cameroun. Au Cameroun, à moins que des politiques fortes soient mises en place pour dissuader les mineurs à s’initier à la consommation du tabac, celle-ci pourrait devenir l'un des plus importants facteurs de risques de mortalité et d'invalidité.

Le Cameroun a montré sa volonté de lutter contre le tabac à travers plusieurs mesures déjà, en premier plan, en ratifiant en 2004, et adhérant aux objectifs de la Convention-cadre pour la Lutte Anti-Tabac (CCLAT) de l’OMS, visant à réduire la demande et l’offre du tabac.

En deux ans, l’Etat a pris des dispositions législatives pour réglementer le tabagisme sur le territoire national. La Loi N 2006/018 du 29 décembre 2006 régissant la publicité au Cameroun interdisait les publicités en faveur des cigarettes et autres produits du tabac dans différents médias sur le territoire national.

Le texte qualifié de révolutionnaire est l’arrêté conjoint du Ministère de la Santé Publique et du Ministère du Commerce: Arrêté N° 967/MINSANTE/MINCOMMERCE du 25 juin 2007. Une disposition de cet arrêté institue au Cameroun, le marquage obligatoire des paquets, boîtes, coffrets ou tout autre emballage de produits à base de tabac, commercialisés dans le territoire national ayant pour objet de mettre en garde les consommateurs sur les risques graves auxquels ils s’exposent et exposent leur entourage en matière de santé.

Ainsi, toutes les marques de cigarettes et de produits du tabac commercialisées au Cameroun doivent mentionner le taux de nicotine et de goudron, en français et en anglais de manière claire, visible et lisible.

La Loi des Finances 2009

Récemment, le gouvernement a compris que seules les clauses de santé n’étaient plus suffisantes car la majorité de cigarettes qui entrait par contrebande en disposaient. Ainsi la Loi des Finances 2009 a institué les vignettes sur certains produits manufacturés localement ou importés, y compris les cigarettes et autres produits de tabac, et le décret N° 2010/0483/PM du 18 mars 2010 a fixé les modalités de mise en œuvre de celle-ci.

Cette mesure vise à sécuriser l’espace économique national, à donner plus de traçabilité aux consommateurs en veillant à ce que le produit qui entre sur le territoire camerounais soit identifié, de même que sa structure de production et son transfert à travers les frontières.

L’objectif poursuivi par l’instauration de la vignette consiste donc à lutter contre la fraude, la contrefaçon et la contrebande ; à protéger la santé des consommateurs, à travers le contrôle de l’authenticité de ces produits; à améliorer la compétitivité des entreprises locales en renforçant l’équité fiscale et à sécuriser les recettes fiscales et douanières.

Malgré les efforts réalisés, les études économiques disponibles montrent que la contrebande du tabac demeure un grave problème. Le Cameroun doit renforcer certains aspects de sa politique de lutte contre la contrebande. Pour obtenir une importante réduction, il faut envisager des peines plus lourdes, des procédures de contrôle renforcées parmi tant d’autres.

Des paquets de cigarettes sans vignettes.

Il faut noter qu’à ce jour, il est très courant de retrouver des paquets de cigarettes sans vignettes. Loin d’être un fait isolé, cela se vérifie aisément auprès de n’importe quel détaillant, qu’importe la ville ou le quartier. Nous nous interrogeons alors quant aux motivations de ce phénomène. La réponse est de deux ordres : les vendeurs aussi bien que les acheteurs peuvent ignorer cette nouvelle exigence ou décident tout simplement de fermer les yeux dessus.

Il est d’autant plus inquiétant que les autorités ne semblent pas déterminées à éradiquer ce problème et faire respecter la réglementation. Il est aussi important de souligner que ce phénomène engendre des difficultés supplémentaires dans le sens où ces produits, parce que ne payant pas les taxes et droits prévus, coutent bien évidemment moins cher, sont donc plus accessibles et abordables aux jeunes, et soulève la question de la concurrence déloyale.

En effet, Il est déplorable que les acteurs légitimes de l’industrie du tabacs qui font d’énormes sacrifices pour satisfaire aux exigences des autorités publiques en matière de prévention du tabagisme, et de sécurisation des recettes publiques, en se conformant aux dispositions réglementaires, soient ainsi laissé face à la concurrence déloyale de ces fraudeurs qui profitant du laxisme des autorités à sévir, peuvent inonder le marché de cigarettes frauduleuses.

Face à ce bilan, une question pourrait se poser: ces marques de cigarettes indexées, ne cacheraient-elles pas d’autres activités non conformes à la réglementation en vigueur?

Source: Le Messager