Le chef de l’Etat a signé trois décrets le 19 juin 2019 pour préciser les modalités d’application de certaines dispositions des lois n° 2017/010 et 2017/011 du 12 juillet 2017, portant statut général des établissements publics et des entreprises publiques. Question de mettre fin à une confusion et à des égarements dans les rôles des organes dirigeants. Bien avant cela, l’entrée en vigueur de la loi du 12 juillet 2017 portant statut général des établissements publics avait déjà permis de mieux encadrer le mode de gestion de ces structures. Décryptage.
Il ne se passe plus c|es mois où l’on voit des présidents des conseils d’administration et autres ministres, tutelles, techniques des entreprises établissements publics faire des descentes inopinées sur le terrain le plus souvînt sans la présence des directeurs généraux.
Durant des années, cette état des choses avait été largement décrié par la presse car ils sont nombreux des présidents de conseils d’administrations qui veulent gérer au quotidien l’entreprise air point de donner instructions directement à certains cadres et autres employés sans passer par la direction générale. Cet état des choses longtemps décriés sous cape par des managers s’est élargie même dans le secteur du recrutement du personnels et à la passation des marchés.
À l’occasion, de nombreux ministres de tutelle techniques et Pca sont pointés du doigt. Face à cet imbroglio, le président de la république, soucieux de la performance et du rendement des entreprises avait signé trois décrets le 19 juin 2019 pour préciser les modalités d’application de certaines dispositions des lois n° 2017/010 et 2017/011 du 12 juillet 2017, portant statut général des établissements publics et des entreprises publiques. Question de mettre fin à une confusion et à des égarements dans les rôles des organes dirigeants.
Au cœur des textes de Paul Biya
En réalité, les lois du 12 juillet 2017 répartissent clairement les responsabilités entre les organes de gestion des entités du portefeuille de l’Etat. Objectif : améliorer la performance et limiter les risques de faute de gestion, tout en y apportant des précisions sur le rôle des tutelles technique et financière, les mécanismes de contrôle et les attributions des directeurs généraux (Dg) et du président du conseil d’administration (Pca). Ces pouvoirs sont strictement encadrés par le décret du 19 juin 2019 précisant les modalités d’application de certaines dispositions desdites lois.
Ainsi, l’article 10 de ce décret est sans équivoque : « le président du conseil d’administration ou un quelconque membre du conseil ne doit pas s ‘ingérer dans la gestion quotidienne de l’établissement public ou de l’entreprise publique. » Plus grave, prévient l’alinéa (2) : « Tout acte tendant à enfreindre les dispositions ci-dessus, expose les concernés à des sanctions prévues par la règlementation en vigueur. » A contrario, le Dg est chargé de « l’application de la politique générale et de la gestion de l’établissement public: ».
Garantir la performance des établissements publics, la compétitivité et la rentabilité des entreprises publiques, voilà la substance des décrets présidentiels ci-dessus évoqués, notamment le premier, en son article 2. S’agissant des modalités d’exercice de la tutelle, l’article 3 souligne que « la tutelle n ’a pas vocation à s ‘ingérer dans la gestion quotidienne des entreprises publiques et des établissements publics ». De même, le Dg ne saurait entreprendre des-actions en marge des résolutions prises par le Conseil d’administration.
Les missions de la tutelle et du conseil d’administration
Concrètement, d’après ces textes présidentiels, les missions de la tutelle sont les suivantes : assurer un suivi actif de la performance des entreprises ; veiller au maintien d’un climat de confiance entre les dirigeants des organes locaux; produire et soumettre au président de la République, le rapport annuel sur la situation de l’entreprise publique ou de l’établissement public concerné, au plus tard, un mois après approbation des comptes par des organes délibérants ; et mettre à disposition un rapport annuel consolidé sur les entreprises et les établissements publics.
S’agissant des compétences du conseil d’administration, l’article 19 stipule que « le président du conseil d’administration convoque et préside les sessions du conseil. Il s ’assure que les résolutions du conseil d’administration sont appliquées.» Plus largement, poursuit l’article 24(7j, « le conseil d’administration a les pouvoirs pour définir, orienter la politique générale et, évaluer la gestion de l’établissement public, dans les limites , fixées par son objet social, et conformément à la législation et la règlementation en vigueur (… ) ».
Selon les dispositions de l’article 19 de la loi, le Pca peut saisir le Dg, aux fins d’exiger l’application des résolutions. Cette saisine se fait selon les usages de l’administration, le plus souvent par écrit. Il s’agit alors des rappels au respect des dispositions réglementaires et pas des instructions dans la gestion quotidienne de l’établissement.de même, le Pca ou les 1/3 des membres peuvent aussi convoquer un Ca extraordinaire, en cas de nécessité.
Ainsi, le Conseil transmet au ministre en charge des finances, les informations relatives à l’affectation de résultats et aux indemnités allouées aux administrateurs, dirigeants ou au personnel, le cas échéant. Aussi veille-t-il à la sincérité des informations ‘financières transmises.
Le Ca doit également veiller à la mise en place d’une fonction d’audit interne et de contrôle de gestion ; mettre sur pied et évaluer les comités et commissions spécialisées créés en son sein.
Les recrutements…
Quant au recrutement, l’article 24 du décret présidentiel renseigne qu’il doit répondre « aux besoins spécifiques en personnel (…) exprimé par le directeur général ». D’une manière générale, la nouvelle gouvernance des entités publiques requiert une gestion collégiale. C’est ainsi qu’il est prévu, au sein de l’entité, pour toutes les fonctions de l’entreprise, que le Dg propose (voix consultative) et le Ca valide (voix délibérative), la tutelle assure le suivi actif et permanent de la performance de l’entité (contrôle a priori- à mi-parcours et a posteriori).
Les fonctions de Gestion des ressources humaines, de politique financière, de gestion du patrimoine, des marchés publics, la communication et la transmission des rapports sont le fruit du travail collégial entre le Dg et le Ca. Le Dg propose et la Conseil d’administration valide.
Le Ca « autorise le recrutement de tout le personnel conformément au plan de recrutement proposé par le Dg et validé par le Ca ». Après validation du Ca le Dg est le seul à exécuter. Il autorise le licenciement du personnel, nomme sur proposition du Dg « aux rangs de sous-directeurs et directeurs ». Selon l’article 6 du décret 2019/320 du 19 juin 2019, il «informe les ministres de tutelle des avantages attribués à ses membres ainsi que la politique globale de rémunération des principaux dirigeants »
Pour les Dg et Dga, le décret 2019/322 du 19 juin 2019 fixe les éléments de rémunération. Il convient de rappeler que les Dg et Dga ne sont pas des personnels de l’entreprise. Les dispositions du statut du personnel ne les concernent pas. Ils sont traités selon les dispositions du statut du personnel et des résolutions du Ca. Selon l’article 24 al.3 du décret 2019/320 du 19 juin 2019, « le Ca veille à l’exigence de soutenabilité financière de la masse salariale. Il veille également à l’adéquation entre le profil de poste et la personne recrutée ».
En effet, les attributions du Ca l’autorisent, en marge des sessions, à créer des comités et des commissions et mettre en cause la responsabilité managériale du Dg, selon les formes indiquées aux articles 39 et 40.
Toutefois, la tutelle n’a pas un rôle passif dans la gestion de l’entité publique. Certaines de ces actions sont menées par son représentant. Celui-ci s’assure de la cohérence des décisions avec les orientations des politiques publiques, veille à l’opérationnalisation d’un système du contrôle et de l’audit interne, s’assurer que les opérations à incidence financières sont soutenables financièrement et conformes à la législation et à la réglementation des finances publiques au cours des sessions du Ca et d’autres sont exercées par la personne représentant la tutelle technique (assure le suivi actif de la performance, met en place un cadre de coordination du suivi des performances de l’établissement, examine a postériori des comptes de l’établissement public, apprécie la performance globale de l’entité publique, produit et transmet à la présidence de la République un rapport annuel de la situation de l’entité un mois après la validation des comptes, signe l’ordre de mission du Pca). Par ailleurs, la circulaire n° 002/Pm du 23 février 2018 prévoit que P’ordre de mission d’un administrateur, du Dg et du Dga est envoyé à la tutelle technique pour transmission au Pm (ou Sgpr), pour autorisation préalable
Pas de relation hiérarchique entre le Ca et la tutelle
Le Ca et la tutelle sont deux organes étatiques qui ont le même but : surveiller le Dg. Au bénéfice de la tutelle, il s’agît pour le Ca de valider tous les documents de performance que le Dg transmettra à la tutelle. Le Ca a donc pour mandat implicite d’assurer à la tutelle que les décisions sont prises selon les dispositions convenues dans les textes et tous les documents d’orientations stratégiques de l’entité publique. 11 lui est, par ailleurs, exigé d’informer les ministres de tutelle des avantages attribués à ses membres ainsi que la politique globale de rémunération des principaux dirigeants (art 6 du décret 320/2019 du 19 juin 2019).
Le rôle de la tutelle est donc, entre autres, de s’assurer de l’alignement aux politiques publiques, du respect des lois et règlements dans les résolutions prises (art 3 et 4 décret 320/2019 du 19 juin 2019), d’impliquer le Dg et le Dga aux activités de préparation du budget.
Autrement dit, la relation tutélaire d’une entité publique s’exerce par son représentant, à travers le suivi direct des mandats des dirigeants et mandataires sociaux ; la mise en place d’un comité de coordination de suivi des performance de la structure, à travers les rapports transmis à la présidence de la République (Pre) et la communication des résultats de l’entreprise au public ; la transmission de l’ordre de mission du Dg et Dga au Pm pour autorisation ; la signature de l’ordre de mission du Pca, après autorisation du Pm. Si le Pca est un membre du gouvernement, il lui est appliqué la réglementation de ce statut en matière de déplacement. Sur la même lancée, la tutelle doit veiller à ce que les missions à l’étranger du Pca, Dg et du Dga n’excèdent pas 60 jours.
Au niveau des attentes, les textes prévoient une relation fonctionnelle entre le Pca et la tutelle. Le Pca transmet à la tutelle technique les ordres de mission d’un administrateur, du Dg et du Dga, il informe les ministres de tutelle des avantages attribués à ses membres, ainsi que la politique globale de rémunération des principaux dirigeants, il transmet au Minfi des informations relatives à l’affectation du résultat, aux indemnités des administrateurs, aux dirigeants et au personnel.
Le Pca saisit, 6 mois avant l’expiration du mandat d’un membre du CA (soit au plus 6 ans), l’administration d’appartenance du concerné avec copies aux deux tutelles (art.22, loi 2017/010 du 12 juillet 2017). Il met à la disposition des tutelles technique et financière les rapports annuels d’activité et de gestion y compris l’analyse des résultats opérationnels et financiers, communique sur les activités d’audit et de contrôle interne (décret 2019/320 du 19 juin 2019).
Selon le principe de la relation fonctionnelle, le Pca informe les tutelles des actes de régulation , pris notamment le règlement intérieur du Ca et la charte de l’administrateur ou tout autre élément indispensable à l’appréciation de la performance dé la structure.
Un travail d’équipe…
Le Ca, la Dg et la tutelle cohabitent donc directement en ce qui concerne la gestion et le suivi de. la performance. Le Ca représente la première étape de contrôle de l’Etat, la tutelle étant la deuxième étape, le Pm la troisième et la Pre la quatrième étape. L’on ne saurait oublier le travail d’évaluation des comptes de la Chambre des comptes et le travail d’audit du Contrôle supérieur de l’Etat ou de la Conac et dans une certaine mesure de l’Anif. L’Etat dispose donc de plusieurs leviers pour le contrôle du dirigeant
En effet, il incombe donc à la tutelle technique, en collaboration avec le Ca et la direction générale, de convenir des indicateurs de performance à retenir, pour chaque entité publique. Et non de perpétrer l’ingérence dans la gestion quotidienne de l’entreprise comme si le directeur général n’existait pas. Vivement que chacun reste à sa place.