Extrême-nord : Vers une réouverture des commerciales

Cameroon Border Photo d'archive utilisée juste à titre d`illustration

Mon, 12 Oct 2015 Source: L'Oeil du Sahel

Au fur et à mesure que l’armée nigériane regagne du terrain sur Boko Haram dans l’Etat du Borno, transparaissent clairement ses objectifs stratégiques. Ceux-ci consistent prioritairement à obtenir l’ouverture des routes commerciales internationales. En effet, la première mission de l’opération «Lafiya Dole» (Pacification par la force en Haoussa), a consisté à ouvrir l’axe Maiduguri-Dikwa, puis Dikwa-Gambarou, ville voisine de Fotokol au Cameroun.

Même s’ils ont été confrontés à une résistance relative de la part des combattants de Boko Haram, les militaires ont été ralentis par l’importante quantité des engins explosifs improvisés (EEI) que le groupe terroriste a disseminé dans la zone de contact. Aussi, à peine ont-ils mis les pieds à Gambarou dans l’après-midi du 1er septembre, que l’état-major a rapidement diffusé un communiqué.

Le colonel Sani Kukasheka Usman, porte-parole de l’armée, annonçait la reprise du noeud «économique et stratégique de Gamboru Ngala au groupe terroriste Boko Haram», selon ses expressions. Le même scénario va se répéter le matin du 25 septembre 2015.

Encore seulement aux portes de Banki, face à une résistance farouche, les médias étaient déjà informés de ce que «les troupes héroïques nigérianes ont repris l’importante ville économique et stratégique de Banki dans l'Etat de Borno, réputée aussi pour la pêche». Pour l’heure, aucune reprise n’est constatée. Cela va prendre encore un certain temps, expliquent des militaires camerounais, confrontés aux attaques regulières de véhicules sur la nationale n°1. «Les convois entre les deux pays seront possibles très bienôt», affirme-t-on à la Force Multinationale Mixte.

ENJEUX GÉOSTRATÉGIQUES

Pour le Nigeria, comme pour ses voisins camerounais et tchadiens, la réouverture annoncée de ces routes commerciales est, on ne peut plus vitale pour l’économie de l’ensemble du bassin du lac Tchad.

«Le Nigeria dispose d’une infrastructure industrielle très importante et diversifiée par rapport à ses voisins, et d’un grand marché intérieur. Les avantages liés à l’économie d’échelle, le développement du réseau routier, la dépréciation continue du Naira sur le marché parallèle de change, sont autant de facteurs qui rendent compétitifs sur le plan régional les produits manufacturés en provenance du Nigeria», explique fort à propos Kegne Fondouop, chercheur camerounais.

Avant de conclure : «De ce fait, les populations des pays voisins se tournent souvent vers la Fédération [Nigériane] pour assurer une bonne partie de leur approvisionnement.» Aussi, le Nigeria a vu une bonne partie de ses recettes chuter, du fait de l’impraticabilité de ces routes vitales et de la fermeture de quelques 10.000 boutiques dans les différents Etats touchés. Rien que dans le célèbre Monday Market de Maiduguri, les affaires tournent au ralenti, menaçant le statut de 1re économie africaine conféré au Nigeria, et sapant le statut de premier partenaire économique du Cameroun.

Pour preuve : le poste des douanes de Limani, qui réalisait des recettes mensuelles d’environ 150 millions de Fcfa, est fermé depuis 2014… La Chambre de commerce locale estime que l'activité commerciale à Kano a chuté de 80% au cours des trois dernières années. Mieux, selon le World Investment Report (WIR) 2013, les flux d'Investissement direct étrangers à destination du Nigeria ont chuté de 21% en un an - de 8,9 milliards $ en 2011 à 7 milliards $ en 2012. Mais c’est le Tchad qui paye le plus lourd tribut. Et c’est peu dire que son économie a pris un coup de grippe qui peut d’ailleurs justifier son engagement militaire.

«Cette situation a bloqué nos échanges commerciaux avec les pays voisins et plus particulièrement avec le Nigeria, asphyxiant du coup notre économie déjà fragilisée par la conjoncture économique mondiale », indiquait Idriss Deby Itno au parlement tchadien. La mission de l’Armée nationale tchadienne était prioritairement de sécuriser les axes commerciaux : Maroua- Kousseri, mais surtout, Fotokol - Maiduguri .

«Aujourd’hui, chaque commerçant qui voit sa marchandise arriver à Kousseri se frotte les mains. Il sait qu’il va se faire un gros bénéfice. Et je ne parle même pas de Ndjamena où il peut faire un bénéfice de 200%», explique Abagana, un commerçant de Kousseri.

Source: L'Oeil du Sahel