Le Cameroun compte déjà 56 décès liés au coronavirus, selon le pointage officiel du 26 avril. Réputés dangereuses, ces dépouilles sont toutes inhumées en urgence par le corps médical, sous le regard impuissant des familles.
Lesquelles auraient sans doute souhaité enterrer elles-mêmes leurs proches. Malheureusement pour elles, « l’enterrement doit avoir lieu dans les 12 heures qui suivent le décès. L’équipe qui prend part à cette opération doit être constituée de 10 personnes au plus, y compris les membres de la famille. En Afrique, les gens tiennent tellement à leurs proches et pour tous les enterrements qui ont eu lieu jusqu’à présent, c’était en présence des familles qui viennent simplement assister ; elles ne font rien d’autre », expliquent Robert Noukegheu, sous-directeur de l’hygiène et de l’assainissement au ministère de la Santé publique.
Afin d’éviter la propagation de la maladie, des dispositions particulières doivent être prises pour cette opération « à haut risque ». Dans ce sens, la protection de tous ceux qui y prennent part est un impératif. L’équipe d’hygiénistes revêt des équipements de protection individuels dont elle se débarrasse à la fin, avant d’être pulvérisée avec une solution de chlore dosée à 0,05%. Ces équipements sont par la suite convoyés vers des incinérateurs pour être détruits.
Autre chose, les transferts de corps sont interdits.
« Lorsque quelqu’un décède du COVID-19, nous faisons tout pour qu’il soit enterré dans le département où il est mort. Dans ce cas, c’est le maire qui est compétent pour diligenter les enterrements », poursuit Robert Noukegheu. Une attitude qui porte atteinte aux us et coutumes en vigueur dans certaines parties du pays.
Les ressortissants de la région de l’Ouest, pratiquants du culte des crânes, se retrouvent ainsi face à dilemme. Une situation qui exaspère des personnes qui n’hésitent pas à fustiger les méthodes employées via les réseaux sociaux. Ces dernières sont appuyées par l’Organisation mondiale de la santé qui estime que « la dignité des défunts, leurs traditions culturelles et religieuses et leurs familles doivent être respectées et protégées tout au long du processus de prise en charge. L’élimination hâtive du corps d’une personne morte de COVID-19 doit être évitée ».
Même si le Cameroun n’enregistre pas jusqu’ici des décès massifs, comme on l’explique au ministère de la Santé publique, « il convient que les autorités gèrent chaque situation au cas par cas, en trouvant un équilibre entre les droits de la famille, la nécessité de rechercher la cause du décès et les risques d’exposition à l’infection », estime l’Oms.
Un avis que partage le Comité international de la Croix-Rouge (Cicr). Le 22 avril dans un communiqué, l’instance a exprimé son inquiétude quant à la manière dont les dépouilles des victimes de COVID-19 sont gérées jusqu’ici. D’après elle, « tout plan de préparation et de gestion des situations de décès massifs doit comporter une estimation du nombre de places d’inhumation requis. C’est un impératif dans le contexte du COVID-19, au cas où le nombre de décès excèderait celui des places disponibles. Même dans l’éventualité où le nombre de morts exigerait de recourir à des tombes collectives communément appelées fosses communes, des protocoles peuvent être élaborés et mis en œuvre pour éviter les erreurs d’identification des corps et garantir leur traçabilité ».
Le Cicr insiste ainsi sur le respect de la dignité des défunts et de la douleur des familles éprouvées. Par ailleurs, les proches endeuillés devraient pouvoir se recueillir sur un lieu de sépulture clairement identifié.