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' Il est temps d’en finir avec le franc cfa'

Le Président du Parti de l’Alliance libérale se confie

Mer., 15 Juin 2022 Source: La Nouvelle Expression du 15-06-2022

Le Président du Parti de l’Alliance libérale, Maire adjoint de la commune de Monatele, tire la sonnette d’alarme, afin que les pays de la zone Cemac ne soit pas à la traine dans les négociations concernant la suppression du Franc Cfa.

A la suite des évolutions observées en Afrique de l’Ouest relativement à une nouvelle monnaie dans l’espace CEDEAO, des rumeurs récentes font état de tractations en coulisses cette fois au niveau de la CEMAC sur la même matière. Quelle est l’appréciation que le politique que vous êtes a de cet état de fait ?

Je ne peux cacher mon trouble car l’importance de ce sujet emporte une obligation d’informer le peuple, car il s’agit bien ici d’une nécessité de conquérir enfin la souveraineté monétaire de notre pays. Tourner la page du FCFA impose une exigence. Celle comme je viens de le dire de tenir le peuple informé car, c’est bien lui qui portera le poids du choc en retour qu’occasionnera la fin de la « servitude monétaire » décriée au début des années 1970 par mon Professeur d’Économie à Ngoa Ekelle, le Pr Tchuindjang Pouemi de regretté mémoire, servitude imposée à notre pays par la France depuis l’époque coloniale.

Le franchissement de cette étape ne devrait donc pas être l’objet de tractations secrètes entre bureaucrates engoncés dans des théories aériennes, tandis que « le peuple gratte en vain une terre qui lui refuse la moisson », pour parodier Clemenceau. Ce processus se doit d’être débattu publiquement par les instances parlementaires de notre pays et donner lieu à une information des citoyens par la voie la plus autorisée du Gouvernement.

En finir ici et maintenant avec le Fcfa constitue autant un défi, certains parieront de risque, qu’une opportunité. Un tel acte requiert une volonté ferme de rupture qui sera la marque d’une émancipation économique qu’embrassent sans crainte les Etats souverains

On observe toutefois comme une différence d’approche entre ce qui s’observe à la CEDEAO et ce qui se dessine ici à la CEMAC.

En effet, et cela est questionnable. L’adoption par la CEDEAO du principe d’une nouvelle devise appelée ECO depuis fin Décembre 2019 semble servir de modèle aux tractations qui, curieusement selon les rumeurs, s’opèrent derrière les portes à la CEMAC. A la fin, tout se passe comme si la CEDEAO, à travers un débat public sur la question, bénéficierait du privilège d’un « sur-mesure”, alors que la CEMAC devra se contenter d’une formule prêt-à- porter”, jusqu’à l’adoption même du nom ECO, en CEMAC.

Il faut éviter cette asymétrie qui ne serait, si elle persistait, que la preuve d’une zone CEMAC encore marquée par une plus grande soumission à l’ancienne puissance coloniale française. Ce constat commande en tout cas une plus grande vigilance à ce qu’une nouvelle monnaie en Afrique Centrale n’obéisse pas à la logique qui a prévalu au moment de l’accession de nos pays à l’indépendance où on a vu la France partir pour mieux rester.

Vous semblez donner à ce processus un fort contenu politique ?

En effet, et c’est le lieu de souligner qu’il ne s’agit pas de la simple adoption d’un nouveau nom de devise. Il s’agit bien d’un changement du paradigme de la nature de notre monnaie et de son rapport aux monnaies des autres pays avec lesquels nous entretenons des relations commerciales et économiques.

Ce projet ne repose-t-il pas aussi sur des aspects économiques ?

Bien sûr que si ! On doit d’ailleurs faire ici un rappel des fondements conceptuels de ce qu’est une monnaie pour saisir l’importance de ce qui va se jouer dans ce processus.

La définition de la monnaie édicte qu’elle désigne ce qui généralement est accepté en paiement des biens et services ou en remboursement de dettes. La fonction de la monnaie est de trois ordres. La première fonction est qu’elle sert d’intermédiaire des échanges. La seconde fonction est qu’elle fournit une unité de compte, c’est-à- dire, une mesure de la valeur économique des objets ou des prestations. La troisième fonction est qu’elle est une réserve de valeur, un pouvoir d’achat transférable dans le temps.

Lorsqu’on combine la définition et de la fonction de la monnaie faites ci-dessus, il s’en déduit la nécessité politique et stratégique absolue de sa maitrise et de son contrôle par l’Etat. La monnaie en constitue un attribut de souveraineté inaliénable.

Dès lors, la monnaie n’est donc pas qu’un outil; elle est un instrument essentiel de politique et de gouvernance économique.

Et d’un point de vue strictement économique, quels seraient les domaines d’un changement nécessaire ?

Il faut prendre le problème à sa base.

Dans le système actuel, le FCFA est régie par une parité fixe avec I » Euro, c’est à dire qu’il s’échange avec ce qui est une valeur ancre par un taux de conversion fixe d’où se déduit ensuite ‘sa valeur par rapport à d’autres monnaies.

On parle de la parité fixe ainsi comprise comme une garantie que les pays de l’Euro en tête desquels est la France donne à la valeur de notre monnaie par rapport aux autres devises. Le prix à payer par nos pays pour cette garantie est une astreinte de déposer dans un «compte d’opération» du Trésor français une proposition substantielle de nos recettes d’exportation, c’est-à-dire de nos réserves de change.

Pour ceux qui défendent ce système, l’arrimage fixe du FCFA à I’ Euro permet de contrôler ou de contenir l’inflation des biens internationaux échangés en la liant à celle qui est observé dans la zone monétaire de la devise ancre qui est ici I’Euro.

L’analyse a toutefois révélé que cet avantage est contrebalancé par plusieurs inconvénients majeurs. Le premier et le plus important inconvénient est la limite que ce système impose à la politique monétaire de notre pays. Le second inconvénient majeur est q. ; les chocs frappant la zone euro sont transmis mécaniquement aux pays de la zone CFA indépendamment de la situation économique de nos pays. Le troisième inconvénient est qu’une parité fixe encourage les banques et les entreprises à spéculer sur la devise ancre au détriment de notre monnaie en gardant en Euros à l’extérieur du pays une part importante de leurs ressources financières.

C’est le coût élevé de ces inconvénients qui fait de la sortie du F CFA une nécessité pressante.

Techniquement, quelles sont les domaines où se jouera cette importante mutation ?

Trois volets doivent être concernés pour une mutation réussie de notre système monétaire vers une nouvelle monnaie propre à notre pays ou nos pays CEMAC.

Le premier volet sera la création d’une banque centrale aux pouvoirs élargis. Sortant du régime de la tutelle monétaire actuelle, il est nécessaire que le Cameroun et les pays de la sous-région qui s’y associeraient se dote d’une Banque centrale qui assure l’émission de notre monnaie, qui soit prêteur en dernier aux Banques par le refinancement, supervise et réglemente l’activité bancaire, facilite le fonctionnement du système de paiement, et surtout, régule la masse monétaire pour atteindre les objectifs macroéconomiques relatifs à la croissance, au soutien de l’activité des entreprises, à la maîtrise de l’inflation, du chômage, du taux de change, de la balance de paiement.

Le second volet de la réforme devra porter sur l’instauration d’un panier de devises comme déterminant d’une parité flexible de notre monnaie, plutôt que le système actuel de parité fixe avec l’euro. Le système qui protégerait le mieux nos intérêts serait que le « FAKO”, nom que nous suggérons de donner à notre monnaie en se référant au plus haut sommet de la façade Atlantique du continent, se verra donc doter d’une parité adossée sur le panier des devises de nos principaux partenaires commerciaux pondéré par rapport au poids relatif de nos échanges avec chacun d’eux.

Il s’agira notamment de l’euro européen, du dollar américain, du yuan chinois, du yen japonais, de la roupie indienne, du rand sud-africain, du rouble indien, du real brésilien. Il sera alors contractuellement établi de recourir à un système de règlement de nos exportations ou de nos importations prévoyant que 50% des paiements soient faits dans la devise du pays partenaire, ce qui nous permettrait de constituer nos réserves de change dans cette devise, nous mettant ainsi en capacité à pouvoir régler nos achats le moment en leur devises. Le solde de 50% du règlement des opérations devra être fait en FAKO, ce qui en soutiendrait la demande et le cours.

Le troisième des volets est la réappropriation de notre souveraineté monétaire pour en faire un instrument de soutien à l’économie. L’exemple de la réaction vigoureuse des USA face à la pandémie du COVID 19, en injectant massivement de l’argent liquide dans I’ économie est une parfaite illustration de la marge de manœuvre d’un gouvernement en cas de choc économique et financier grave.

On peut également rappeler comment les même USA ont fait face à la crise des » sub-primes » en 2008 en injectant massivement de l’argent pour renflouer les entreprises pour qu’elles ne fassent pas banqueroute. Ainsi, notre Banque Centrale émettant souverainement la monnaie pourra s’engager avec le Gouvernement une politique monétaire expansionniste en injectant des liquidités dans l’économie grâce à des opérations d’ “open market” Dans une circonstance comme celle du Covid 19, c’est un accroissement de liquidités favoriserait la relance de l’économie car elle se traduirait par une stimulation de la demande combinée à un soutien de l’offre.

Dans le contexte sociopolitique actuel, pensez-vous que le moment est propice pour cette opération ?

Que si ! Je dirai même que dans la situation actuelle où le Gouvernement semble quelque peu désorienté sur le plan économique après que le DSCE n’a pas produit les effets attendus, le moment est donc propice pour que le Cameroun engage cette transformation structurelle en s’appuyant sur cette nouvelle monnaie et surtout en tirant avantage de marges qu’offre une politique monétaire decorsetée.

Imaginez qu’elle bouffée d’oxygène cela sera si le Gouvernement injectait l’équivalent de 1000 milliards FCFA de notre nouvelle monnaie dans le système productif et l’appui direct aux populations, en exerçant ainsi une impulsion sur l’investissement et la consommation, c’est à un rebond formidable de notre économie qu’on assisterait.

Les États-Unis et les pays du Nord ne font pas autre choses que de faire tourner leur planche à billets de manière intelligente. Pourquoi devons-nous rester timoré en imposant à notre peuple si travailleur la rareté de l’argent? Notre pays doit jouer le rôle de locomotive de la sous- région dans ce qui se révélera être la deuxième indépendance de notre pays.

Source: La Nouvelle Expression du 15-06-2022