La récente épidémie de mpox a révélé de manière criante les lacunes et les défis auxquels l'Afrique est confrontée en matière de production de vaccins. Avec plus de 17 000 cas suspects ou confirmés et environ 500 décès à travers au moins 12 pays africains, l'Organisation mondiale de la Santé a décrété une urgence de santé publique mondiale. Cette crise sanitaire met le continent au cœur d'une problématique cruciale : comment développer une industrie vaccinale autonome et efficace pour répondre aux besoins urgents des populations africaines ?
Depuis des décennies, l'Afrique est dépendante des programmes mondiaux de vaccination, souvent reléguée à l'arrière-plan en termes d'accès rapide et équitable aux vaccins. Les défis logistiques, les coûts prohibitifs et la réticence de certaines communautés ont freiné les progrès. Pourtant, la pandémie de Covid-19 a démontré la capacité du continent à mobiliser des ressources et à innover face à l'adversité.
Jean Kaseya, directeur du Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique), a estimé qu'un montant de 4 milliards de dollars serait nécessaire pour combattre efficacement la mpox en Afrique. Un chiffre qui illustre l'ampleur des investissements requis, mais aussi l'opportunité pour l'industrie pharmaceutique mondiale et les gouvernements africains de renforcer la production locale de vaccins.
Bavarian Nordic, l'un des rares fabricants de vaccins approuvés contre la mpox, a déclaré pouvoir répondre à la demande africaine. Cependant, le coût des doses, fixé à environ 100 dollars chacune, constitue un obstacle insurmontable pour de nombreux pays africains. Cette situation souligne d'autant plus l'urgence de développer des capacités de production locale.
Des initiatives existent déjà pour soutenir cet objectif. Le lancement du programme d'Accélérateur pour la fabrication de vaccins en Afrique (AVMA) en juin 2024 est un pas en avant important. Financé à hauteur d'un milliard d'euros sur 10 ans, avec une contribution majeure de l'Union européenne, ce programme vise à renforcer les fabricants de vaccins africains. Cependant, ce montant reste largement insuffisant comparé aux dizaines de milliards de dollars nécessaires pour atteindre l'ambition de l'Union africaine : produire 60 % des vaccins du continent d'ici 2040, contre seulement 1 % en 2021.
Les défis sont nombreux. Outre les investissements financiers, il faudra développer des infrastructures de santé publique, des chaînes d'approvisionnement robustes et une formation adéquate du personnel. Il est essentiel d'aligner les efforts de toutes les parties prenantes, qu'il s'agisse des gouvernements africains, des organisations régionales, du secteur privé ou des acteurs de la santé mondiale.
Comme le soulignait McKinsey dans un rapport de 2021, cette industrie naissante nécessite une collaboration à grande échelle pour se développer. L'épidémie de mpox, bien qu'une tragédie sanitaire, pourrait être l'impulsion nécessaire pour faire avancer la production de vaccins en Afrique. Si le continent parvient à répondre à cette crise avec des solutions locales, il pourra non seulement endiguer la propagation de la mpox, mais aussi se préparer aux futures menaces sanitaires en renforçant son autonomie vaccinale.