La gestion de l'ex administrateur provisoire était loin d'être orthodoxe.
Cela aurait pu être pire pour Njanga Njoh. Sorti par la petite porte de la Commercial bank of Cameroon (CBC), l'ex administrateur provisoire aurait pu ne jamais en sortir si l'incendie qui s'est déclaré dans l'immeuble-siège de la banque le 1er avril 2016 n'avait pas été vite éteint.
Ce jour de poisson d'avril, cet immeuble de sept étages n'a dû son sauvetage qu'à la vigilance de Jean Robert Ndogmo, agent d'entretien de Ekitagroup, société propriétaire de l'infrastructure.
«J'étais en train de faire mes tâches habituelles. C'est alors que j'entends un bruit bizarre, mais qui ne m'interpelle pas tout de suite. Je me rapproche tout de même et là, j'aperçois les flammes au niveau du coffret qui contient des câbles électriques», raconte ce sauveur de dernière minute. Les sapeurs-pompiers arriveront quelques temps plus tard pour constater que l'incendie était apparemment parti d'un court-circuit.
En effet, le réseau électrique de l'immeuble est défectueux, de même que de nombreux autres compartiments. Le problème, c'est que le propriétaire de ce mastodonte situé en plein coeur du quartier Bonanjo à Douala n'a plus les moyens de l'entretenir. René Roger Bebe, avocat d'Ekitagroup, revèle que depuis trois ans, la CBC ne s'acquitte pas de ses loyers.
En réalité, c'est l'ancien administrateur provisoire qui se refusait à payer la facture d'un bail consommé. La banque cumule, d'après Ekitagroup, «des arriérés d'un montant de plus de 3,6 milliards de Fcfa», écrivait René Roger Bebe au gouverneur du Littoral pour l'informer de la situation.
Selon l'argument de Martin Luther Njanga Njoh, la CBC refuse de payer en vertu d'une «réquisition à banque du TCS datée du 25 septembre 2013 instruisant aux banques de bloquer les comptes bancaires appartenant à Yves Michel Fotso et même appartenant à d'autres personnes mais dans lequel il signe».
ARRIÉRÉS DE LOYER
Me René Roger Bébé démonte ce prétexte du reste faible pour justifier une telle erreur managériale : «Une interdiction qui frappe les comptes bancaires ne saurait s'appliquer aux loyers», fulmine-t-il. Le juge du TPI de Douala-Bonanjo l'a suivi qui a prononcé en février 2016 l'expulsion de la CBC de l'immeuble pour non-paiement des loyers.
La CBC a fait appel. En attendant, Ekitagroup indique ne pas être en mesure, sans ressources financières, d'entretenir son immeuble, ce qui installe la banque dans une situation à risque, pour ses près de 400 employés et les 5 000 personnes qui fréquentent la banque chaque jour.
Car le siège de la CBC reste sous la menace d'un effondrement. A la vérité, c'est l'embarras du choix qu'on a pour décompter les errements managériaux et les indélicatesses financières de celui qui a été pendant plus de six ans le patron de la CBC.
Quelques pépites se trouvent dans la lecture du plan de restructuration de la banque proposé en mai 2012 aux autorités monétaires camerounaises. Le ministre des Finances, Alamine Ousmane Mey a préféré ne jamais donner suite aux prescriptions de ce plan de restructuration, dont certaines lui semblaient incongrues.
Par exemple, la proposition de création d'une société de recouvrement des créances privée adossée sur la CBC pour gérer les débiteurs de la banque. Une société de recouvrement privée pour une banque désormais contrôlée à 98% par l'Etat n'est pas un éclair de génie, sauf si l'auteur nourrit d'autres intentions.
En effet, à travers la SRC (Société de recouvrement des créances), l'Etat dispose lui - même d'une société de recouvrement qui lui permet de recouvrer toutes les créances oisives ou compromises. Cette SRC a déjà été mise à l'épreuve pour connaître des créances des banques autrefois contrôlées par l'Etat et restructurées, privatisées ou liquidées.
Ainsi de des défuntes banque camerounaise de développement (BCD), Crédit agricole du Cameroun (CAC), BIAO Méridien, Société camerounaise des banques (SCB), Paribas ou plus récemment Amity bank.
HONORAIRES
Le recouvrement est un domaine à gros enjeux financiers, notamment à de gros honoraires pour les avocats. La CBC a été rappelé à l'ordre par la Cobac pour des émoluments payés au cabinet Ntamack et Owono, jugés excessifs par le gendarme des banques.
Martin Luther Njanga Njoh avait dû apporter des explications sur des honoraires évalués à plus de 500 millions de Fcfa. On a pu constater dans le dossier des créances de Célestin Tawamba et de Hazim Chehade Hazim que le recouvrement peut être à géométrie variable selon que le débiteur négocie bien ou mal.
Dans ces deux derniers cas, des accords ont été trouvés pour un apurement des créances de la banque, mais selon une politique de deux poids deux mesures.