La Chine finance un projet à Ngang

électrification Solaire Energie renouvelable

Wed, 8 Feb 2017 Source: journalducameroun.com

Perdue dans la forêt à plus d'une trentaine de kilomètres de Yaoundé, la commune de Ngang affiche fière allure depuis l'inauguration, le 29 novembre dernier, d'une centrale solaire construite dans le cadre d'un projet d'électrification de 166 localités camerounaises par systèmes solaires photovoltaïques, doté d'un financement chinois.

D'une capacité de 50 kilowattheures, l'ouvrage réalisé par le géant des télécommunications chinois Huawei suscite la joie de la population, qui y voit une opportunité d'accélérer la transformation socioéconomique du village en tournant le dos à l'obscurité, cause de l'exode rural des jeunes vers Mfou, la ville la plus proche.

Sur la véranda du domicile d'un membre du gouvernement, un groupe de jeunes savoure, en attendant leur extension à l'ensemble de la communauté, les premiers bénéfices de l'unité de production d'électricité, scotchés devant un film diffusé sur un téléviseur bricolé par Pascal Mvogo Beyala, un jeune de 27 ans. Pour lui, l'inauguration de la centrale apportera un changement très significatif.

"J'ai appris à réparer des téléviseurs et des postes radio. Cette centrale va me permettre de travailler sur place ici au village, au lieu d'aller m'installer en ville, où je suis obligé de louer un logement", a-t-il souligné.

A côté de son amusant prototype de téléviseur, ce jeune bricoleur a placé une fiche multiprise pour recharger les batteries de téléphones portables. "Auparavant, on était obligé d'aller en ville et passer de longues heures pour recharger nos téléphones", précise le jeune homme qui, en attendant des jours meilleurs pour son activité, se convertit de temps en temps en conducteur de mototaxi.

D'un coût de 53 milliards de francs CFA (plus de 88 millions de dollars), financé à hauteur de 85% par un prêt de la Banque d'import-export de Chine, le projet d'électrification est mené par Huawei depuis début 2016 et enregistre à ce jour un taux d'exécution d'environ 60% pour la construction des centrales, selon des sources officielles.

Ce projet, qui pourrait s'étendre à 1.000 villages non connectés au réseau électrique national exploité par Eneo, entreprise à capitaux britanniques, vise à améliorer l'accès de la population camerounaise à l'électricité, estimé pour l'heure à un taux de 48% sur l'ensemble du territoire national, par une source propre respectueuse de la préservation de l'environnement.

Une production totale de 11,2 mégawatts y est attendue pour réaliser l'objectif encore non atteint de porter la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique à 5% dès 2015 fixé par le gouvernement dans son Document de stratégie pour la croissance et l'emploi (DSCE) adopté en 2009.

Dans ce pays d'Afrique centrale, l'électricité consommée provient principalement des sources hydroélectriques, soit 4.783 gigawatt-heures des 6.523 gigawatt-heures de la production totale d'énergie électrique publique, et la part des énergies renouvelables s'établit à un niveau marginal de 64 gigawatt-heures, soit 0,98%, selon les estimations officielles.

A Ngang, les festivités organisées pour l'inauguration de la centrale solaire fin novembre avaient été marquées par la présence de quatre membres du gouvernement, dont le ministre de l'Eau et de l'Energie.

Pour François Mvogo, un retraité de l'administration territoriale âgé de 63 ans, l'événement est historique, car mis à part la route en terre qui la relie aux villes et autres villages voisins, cette localité évoluait avec le sentiment d'être coupée de la civilisation. "Cette réalisation nous permet de nourrir à notre tour des rêves de développement", s'est-il réjoui.

[i "Voyez-vous, notre sommes en pleine période de CAN [Coupe d'Afrique des nations de football, ndlr] et le Cameroun y participe et s'est qualifié pour la finale. Nous n'avons pas la possibilité de regarder les matchs à la télévision. On se contente des récepteurs radio"], a-t-il regretté.

Outre l'installation des équipements des centrales comprenant des panneaux, des onduleurs et des locaux techniques, le projet inclut également la construction de lignes de transmission et l'installation de compteurs intelligents prépayés.

Ces compteurs sont le seul dispositif qui manque encore et que les communautés de Ngang disent attendre avec impatience. La direction de Huawei Cameroun déclare en avoir livré une centaine au ministère de l'Eau et de l'Energie pour chacune des 166 localités ciblées par la première phase du projet, pour la mise en place d'un réseau public de commercialisation de l'électricité produite.

Un spécimen est visible à l'école primaire publique de ce village, choisie pour le coup d'envoi de la mise en service de la centrale et où la population locale se rend [i "pour repasser [les] vêtements et recharger [les] téléphones"], a confié Germaine Colette Menyeng, la directrice de l'école maternelle publique.

Pour beaucoup d'habitants de ce village, la lampe à pétrole reste le principal moyen d'éclairage, mais elle est responsable, selon cette institutrice de 51 ans, de problèmes de vue. "Vous constatez que je porte des lunettes, c'est parce que j'ai utilisé la lampe-tempête pendant des années", indique-t-elle.

"Nous révisons péniblement nos cours, mes camarades et moi. Quand le pétrole finit dans nos lampes, on est dans le noir et on ne peut pas étudier", renchérit Madeleine Nsizoa Yene, élève en classe de troisième année de comptabilité au Collège d'enseignement technique industriel et commercial (CETIC), qui se réjouit de la mise en service de la centrale.

Faute d'électricité, l'informatique, pourtant au programme officiel scolaire, n'est enseignée dans aucun de ces établissements.

Le cas du CETIC est plus préoccupant, dans la mesure où les élèves sont privés de cours pratiques, un handicap dont souffrent un nombre important de jeunes Camerounais formés aux métiers techniques et qui entrave leur insertion professionnelle, d'où le taux élevé de 75% de sous-emploi des jeunes dans le pays.

"Nous les femmes, on prépare les bâtons de manioc. C'est pénible, parce qu'on pile. On est obligé de payer une main-d'œuvre pour venir nous aider à faire ce travail. Mais une fois qu'on aura le courant, on va acheter des machines à écraser. Ça va nous faciliter la vie", indique de son côté Séraphine, l'épouse de François Mvogo.

"Ça va aussi nous permettre de vivre un peu comme en ville. Ça permet de faire en un temps réduit la cuisine, alors que quand on cuisine au feu de bois ou au réchaud à pétrole, c'est lent et fatigant", abonde Germaine Colette Menyeng. Jeune enseignante de 23 ans d'histoire-géographie au CETIC, Chanceline Djukui évoque quant à elle une amélioration attendue des taux de réussite des élèves.

Source: journalducameroun.com