La nombreuse clientèle que représentent les réfugiés et autres habitants des villes centrafricaines voisines pousse les autorités locales à multiplier ou à faciliter la création d’opportunités commerciales.
Lundi 25 janvier 2016, comme presque tous les jours, Oumar Kalifa, le 2e adjoint au maire de la commune de Garoua-Boulai, évalue les travaux de construction de nouveaux blocs au marché central de la ville.
« Nous avons dû accroître notre offre immobilière au marché, car nous étions submergés par l’arrivée massive des déplacés de guerre en provenance de la République centrafricaine (Fca), donc les 400 boutiques et 300 hangars, avec 200 non couverts, de départ ne satisfaisaient plus la demande », justifie-t-il « la construction d’un centre commercial pour répondre à une demande de plus de 600 boutiques émise par les commerçants centrafricains ».
Aujourd’hui, c’est un complexe commercial de 289 boutiques, dont 250 construites par la commune et 39 par le Programme de développement rural de l’Union européenne, qui aide à résorber cette forte demande. Cette nouvelle offre infrastructurelle a entraîné l’installation de plusieurs nouveaux commerçants qui
proposent plusieurs produits. « On y trouve presque de tout », avance Mahamat Diguia, un habitué de ce marché. « Nous avons réparti le marché en secteurs, afin que le client sache exactement où il peut trouver des vivres, des vêtements, du poisson, de la viande de bœuf et des produits manufacturés », expose le 2e adjoint au maire de Garoua-Boulai.
« Avec cette diversité, la ville est la première plateforme commerciale entre le Cameroun et la RCA », constate Mohaman Lamine, un jeune commerçant camerounais. Qui affirme que, « les flux commerciaux entre nos deux pays sont plus réguliers depuis que nos homologues centrafricains savent qu’ils peuvent se ravitailler en produits divers ici ».
Comme lui, ses collègues Camerounais se satisfont de cette nouvelle tournure que prennent leurs affaires à la faveur d’une crise centrafricaine que certains pourtant appellent à la fin au plus vite. En attendant, le marché de Garoua-Boulai renforce son image de bel exemple d’intégration sous régionale. Côte-à-côte, commerçantes camerounaises et centrafricaines proposent leurs marchandises dans la bonne humeur. Pour toutes, comme pour les autorités communales, « ce marché n’aurait pas bien pu se porter si nos clients n’étaient que des Camerounais ».
Immobilier
S’il y a un secteur qui a également connu une explosion, c’est celui de l’immobilier. « Avec un afflux de plus de 40 000 étrangers, l’offre immobilière de 2013 était dépassée », reconnaît Dieudonné Garba, un habitant de Garoua-Boulai. « En attendant que le Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (Hcr) entre en jeu pour organiser leur accueil, il a fallu partager nos maisons avec les déplacés de guerre », révèle notre interlocuteur.
Du coup, les quartiers jadis clairsemés au moment de l’arrivée de cette population supplémentaire sont aujourd’hui le lieu d’implantation de maisons cossues. Les efforts dans le domaine immobilier ont également touché le secteur hôtelier.
Ici, on observe de grands investissements. Au moins cinq établissements de ce secteur sont venus s’ajouter entretemps aux quelques trois qui trônaient dans la ville en 2013. Malgré cette forte présence d’auberges et de motels, il n’est pas rare que, pour n’avoir pas réservé sa chambre à son arrivée dans la journée, un visiteur se retrouve à dormir à la belle étoile à Garoua-Boulai. Un autre indicateur du potentiel économique local est l’implantation de sociétés de transfert d’argent, chacune ayant au moins deux agences sur place.
Selon certains responsables que nous avons rencontrés, « les flux sont parfois meilleurs que dans certaines grandes villes de la région du fait que beaucoup de grands commerçants centrafricains voire camerounais passent leurs commandes par téléphone ou par internet pour qu’on les leur achemine. De même, ils utilisent nos services pour percevoir leurs recettes de vente. » Ces bases ont certainement guidé l’installation de certains établissements de microfinance suivis depuis quelques mois par une banque qui a érigé une agence à Garoua-Boulai.