En vigueur depuis août 2016, l'accord de partenariat économique (APE) conclu entre le gouvernement camerounais et l'Union européenne (UE) révèle une mise en œuvre "satisfaisante" en dépit d'un manque à gagner de plus de 365 millions de francs CFA pour les recettes douanières (plus de 608.000 dollars américains), affirment des sources officielles.
"Six mois environ après la mise en œuvre du démantèlement tarifaire, le premier enseignement qu'on peut en tirer c'est que l'accord se met en œuvre dans des conditions globalement satisfaisantes", souligne Norbert Belinga, chef de la cellule de la législation à la direction générale des douanes, à Yaoundé.
"Au terme de la dernière revue qui a été effectuée le 7 février 2017, on peut constater que près de 800 déclarations ont été effectuées par des opérateurs sous le couvert de l'accord de partenariat économique. Ce qui manifeste une appropriation de cet accord par les opérateurs", ajoute-t-il.
Conséquence d'une décision prise par l'UE de réserver un accès privilégié à ses partenaires des ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique) ayant accepté à leur tour de lui ouvrir leurs marchés par un démantèlement tarifaire, cet accord de libre-échange ratifié par le président Paul Biya en juillet 2014 après avoir été signé en janvier 2009 n'arrête pas de déchaîner les passions dans le pays d'Afrique centrale.
De nombreuses voix continuent en effet de s'élever pour critiquer les autorités camerounaises d'avoir engagé l'économie nationale animée par un secteur privé peu performant dans un processus asymétrique avec un bloc de vingt-huit pays industrialisés, c'est-à-dire économiquement plus puissants et plus compétitifs.
Permettre d'accroître l'essor de l'économie
Les autorités, elles, tentent de balayer ces critiques en faisant vouloir un argument prônant la volonté de permettre d'accroître l'essor de l'économie par le renforcement de son outil de production auprès du marché européen.
C'est l'explication donnée par les ministres du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, puis des Petites et moyennes entreprises, de l'Artisanat et de l'Economie sociale, Laurent Serge Etoundi Ngoa, lors d'une rencontre sur le thème "APE : quelles opportunités pour le développement économique du Cameroun ?", tenu jeudi et vendredi à Yaoundé.
Encore une fois, les discussions ont été vives lors de ce débat organisé à l'occasion du 6e Salon international de l'entreprise, de la PME et du partenariat de Yaoundé (Promote 2017), clôturé dimanche après neuf jours d'exhibitions, avec la participation de près d'un millier d'entreprises représentant 32 nationalités, selon les organisateurs.
"L'APE garantit au Cameroun le libre accès au marché européen, le plus grand du monde", a souligné pour sa part l'ambassadeur, chef de la délégation de l'Union européenne au Cameroun, Françoise Collet. C'est un accès sans droits de douane ni quotas d'exportations, privilège dû à la révision des accords de Cotonou sur la coopération entre cette organisation et les pays ACP.
En contrepartie de sa décision, l'UE a aussi exigé de ses partenaires d'abolir, en faveur de ses exportations, les barrières douanières imposées à l'entrée de leurs territoires pour leurs recettes budgétaires. Le Cameroun et une poignée d'autres pays comme la Côte d'Ivoire ou encore le Ghana ont accepté de le faire.
Selon les estimations, c'est la principale destination des exportations du membre de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC).
"C'est la destination qui recueille environ 47% de nos exportations. Nous devons continuer les efforts d'ajustement tant du côté du secteur public que du secteur privé pour tirer avantage de l'accord et augmenter nos capacités d'offre, nos capacités d'exportation", a précisé M. Belinga dans un entretien avec Xinhua.
Parmi les produits exportés figurent la banane, le cacao, le café, le bois, le caoutchouc. "Le Cameroun est aujourd'hui le premier exportateur de banane du continent africain. Il est important de tirer les enseignements de telles réussites et de construire d'autres pôles de compétitivité s'inspirant de cet exemple", préconise Mme Collet.
Dans le cadre de son premier accord de libre-échange avec un partenaire étranger, le Cameroun qui s'est engagé pour un démantèlement tarifaire prévoit pourtant sur une ouverture progressive de son marché à concurrence de 80% des importations de l'UE sur une période de 15 ans, en trois étapes correspondant à trois groupes de produits.
De l'avis du chef de la cellule de la législation de la direction générale des douanes, "depuis le 4 août 2016, la mise en œuvre actuelle concerne uniquement les produits du premier groupe, qui comprend : des produits destinés à la consommation des ménages (30% du total du groupe) qui sont des produits de première nécessité contribuant à la lutte contre la pauvreté".
Le volume des matières premières est quant à lui estimé à 19% et celui des biens d'équipement, 27%. Ces produits servent à permettre aux entreprises camerounaises d'accéder aux intrants à moindres coûts, explique le gouvernement.
Concrètement, la forte prégnance de produits relatifs aux machines, aux appareils, aux engins, etc. montre que les opérateurs économiques camerounais tirent opportunité de l'accord pour renforcer leurs stocks de capital, résume Norbert Belinga. "Cela est plutôt de bon augure pour la compétitivité de l'économie nationale".
"On constate également, indique-t-il en outre, une forte prégnance de 2.000 produits relatifs au papier, à la cellule, aux pâtes en carton. Tout cela était lié par exemple aux rentrées scolaires et cela manifeste également une appropriation progressive de l'accord".
Baisse des recettes douanières moins importante
Un manque à gagner pour les recettes douanières de l'ordre de 365.320.787 francs CFA (environ 608.867 dollars) est cependant annoncé. "La perte mensuelle est passée de 48,4 millions [plus de 80.000 dollars] en août à 73,9 millions [plus de 123.000 dollars] en janvier 2017. Au 7 février, elle se situe à 7,7 millions [plus de 12.800 dollars]", révèle le responsable administratif.
Pour l'ambassadeur, chef de la délégation de l'Union européenne, "la baisse observée des recettes douanières est moins importante que certaines études avaient prévue mais conforme à nos prévisions".
"L'abaissement progressif des droits de douanes sur plusieurs années a précisément été programmé de manière à ne pas avoir d'impact brutal sur l'économie et les finances publiques camerounaises et à permettre, dans le même temps, la mise en place des réformes fiscales appropriées", a précisé la diplomate.
"De façon générale, notre balance commerciale vis-à-vis de l'Union européenne est excédentaire. Ça veut dire que nous exportons davantage vers l'Union européenne que nous n'importons. De façon générale, notre balance commerciale vis-à-vis de l'Union européenne est excédentaire. Ça veut dire que nous exportons davantage vers l'Union européenne que nous n'importons", affirme M. Belinga, estimant la valeur de l'excédent annoncé à 150 milliards de francs CFA (environ 250 millions de dollars).
Ces explications ne permettent pas toujours d'infléchir la position des opposants à l'accord, d'autant que les autorités camerounaises ont annoncé avoir accepté de le signer dans la perspective d'un accord de libre-échange à l'échelle régionale concernant l'ensemble de la CEMAC. Or, l'UE a récemment fait part de sa décision de mettre fin aux négociations à ce sujet, après de longues années d'impasse.
Elle n'a pas voulu satisfaire les exigences de cette organisation régionale sur la prise en compte d'une dimension développement dans l'accord en discussion, avec un engagement clair pour le financement de l'impact fiscal net dû au démantèlement tarifaire.