Cette année, l’Etat a prévu de dépenser 2 059 milliards pour son fonctionnement. Le Quotidien de l’économie livre la répartition allocations des frais de bouche, de carburant, de mission, de gratifications, de cérémonie et réception.
Après une baisse en 2016, les prévisions du budget de fonctionnement de l’Etat sont reparties à la hausse cette année 2017. En 2016, l’Etat avait affecté 1 981,2 milliards pour ses dépenses courantes. Cette année, ce sont 2 059 milliards sont inscrits dans la loi de finances 2017, soit un peu plus de 47% du budget total de l’Etat. La hausse est exactement de 78,2 milliards de FCFA. L’année 2016 n’était donc qu’une anomalie statistique, car le budget de fonctionnement est en constante hausse depuis plusieurs années : 1 765 milliards en 2012, 1 965 milliards en 2013 et 2 059,4 milliards en 2014, 2 159,9 milliards en 2015.
Ce retour à la hausse des dépenses courantes est un peu en rupture avec l’esprit même de resserrement des dépenses publiques qui transparaît du discours officiel depuis le sommet de la crise économique de la CEMAC en décembre dernier à Yaoundé. Certes le président de la République a annoncé le 31 décembre 2016 dans son discours à la nation qu’il se refuse à appliquer une politique d’austérité, mais il a pris l’engagement, avec ses pairs d’Afrique centrale, de « poursuivre vigoureusement, au niveau de chaque pays, les ajustements budgétaires nécessaires à un rééquilibrage maîtrisé, judicieux et progressif de leurs finances publiques. L’Etat a procédé à un ajustement face aux contraintes conjoncturelles auxquelles son budget. » En effet, même si l’économie camerounaise est restée dans la logique de la résilience, elle subit les assauts des dépenses liées à la guerre contre le terrorisme et s’accommode chaque année des cours toujours bas du baril du pétrole.
Cette année est par ailleurs cruciale pour le pays, engagé qu’il est dans la préparation d’une coupe d’Afrique des nations de football en 2019. De nombreux projets d’infrastructures, notamment les stades de football ont été lancés, de même que la construction ou la réhabilitation des réseaux routiers et des établissements hôteliers. La sonnette d’alarme tirée par le Fonds monétaire international au sujet de l’endettement du pays pour financer ses projets conduit le gouvernement à dégager des économies dans ses propres ressources et à améliorer la qualité de sa dépense publique. On remarquera donc que les dépenses consacrées aux frais de carburant, de mission, de gratifications, aux réceptions ou encore aux frais de bouche connaissent une baisse générale, même si elle peut être considérée comme insuffisamment impactante pour être symbolique. Comment pourrait-il en être autrement ? La fonction publique, ce sont les avantages prévus par la réglementation en vigueur, qui se décline en bons de carburant, en mission, en hôtel particulier ou en véhicule administratif. L’Etat veut bien un peu de rigueur, mais pas au point de se faire hara-kiri, entend-on les fonctionnaires objecter.
Dans l’analyse qui suit, Le Quotidien de l’économie isole les diverses affectations des dépenses courantes, notamment celles qui servent à agrémenter le gâteau national. Le partage porte sur 2 059,4 milliards de FCFA.
Plus de 60 milliards de frais de bouche et de mission
La bouche qui mange ne se plaint pas, semble être la devise qui a guidé les autorités budgétaires. Le chapitre de dépenses assigné au paiement des frais de « représentation, de mission, de réception et de cérémonies », selon la terminologie budgétaire, a augmenté de 4 milliards de FCFA. Son montant était de exactement 55,9 milliards en 2016, quand il avait subi une importante baisse de près de 10 milliards par rapport à 2015.
En 2016, le gouvernement est tranquillement revenu au niveau de la barre des 60 milliards enregistrés en 2014 pour les frais de bouche, de réception et de mission. Le classement du hit-parade des administrations les mieux loties dans cette rubrique est bien disputé. Malgré tout, la présidence de la République garde le haut du pavé avec 8,1 milliards consacrés aux frais de bouche, de représentation et de mission. Ce montant est en hausse de 500 millions de FCFA par rapport à 2016. Quand on y associe les services rattachés, l’enveloppe monte à presque 9 milliards. Ainsi, quand le chef de l’Etat parle, entre autres, de « l’accroissement excessif des missions notamment à l’étranger », peut-être devrait-il déjà regarder dans son entourage immédiat.
Le ministère des Sports arrive loin derrière avec une enveloppe de près de 6 milliards. Elle est constante par rapport à 2016. Ce montant représente le tiers du budget de fonctionnement de ce ministère fixé à plus de 19,4 milliards. Ce montant se justifie généralement pour des raisons de prise en charge de la participation des équipes nationales du Cameroun aux compétitions internationales. En l’occurrence, l’actuelle CAN qui se dispute au Gabon, qui nécessite la prise en charge de la délégation camerounaise.
Il faut aussi tenir compte de la participation des équipes locales aux compétitions africaines, car elles prennent le statut de l’équipe nationale. Le ministère des Enseignements secondaires arrive en troisième place avec 2,9 milliards, en légère hausse de près de 100 millions de francs CFA. Le ministère de l’Agriculture est dépassé par le ministère délégué à la Défense. Le Mindef affiche 2,8 milliards, lui aussi en très légère augmentation. Le Minader descend à avec un montant de 2,2 milliards (contre 2,1 milliards en 2016), là où il s’en sortait avec 3,4 milliards en 2015.
35,5 milliards pour le carburant
Ça carbure malgré la rigueur budgétaire préconisée par le gouvernement. Ce sont exactement 35,5 milliards que l’Etat va consacrer aux « carburants et lubrifiants » en 2017. Ce montant est en hausse de deux milliards et demi par rapport à l’année dernière, où ce chapitre s’établissait à 33 milliards. Cette augmentation est une petite surprise car les allocations de carburant sont une rubrique de largesses budgétaires où une plus grande rigueur n’aurait pas été inutile. Ici, le ministère de la Défense remporte la palme d’or avec 9,4 milliards pour ses soutes à carburant. Ce montant reste statique par rapport à l’année dernière. Au demeurant, le Mindef doit assumer les dépenses liées à la mobilité des moyens de transport dans la lutte contre Boko Haram et pour la sécurisation de la Région de l’Est. La présidence de la République s’accroche à la deuxième place avec 3,9 milliards, en hausse de 300 millions de FCFA. Cette année, comme l’année dernière et les autres avant, l’enveloppe de la présidence est supérieure à celle de la police, qui n’affiche que 2,9 milliards, bien qu’en hausse de 500 millions. La différence est d’un milliard de FCFA. On se demande par quelle gymnastique budgétaire la présidence de la République peut disposer pour sa consommation plus de frais de carburant que la police nationale et son parc automobile associé à ses interventions. C’est un vrai mystère au regard de la taille de garage de la police et de ses missions de sécurité publique.
Dans la suite de ce top 5, on trouve le ministère de l’Agriculture, qui descend à la 4ème place avec 2,6 milliards. Contrairement à l’année dernière le budget carburant du Minader se situe après celui de la DGSN. Le ministère des Finances, avec plus de 1,5 milliard, entre dans ce cercle fermé grâce à une augmentation de 200 millions de son budget carburant. Avec 1,4 milliard de frais de carburant en 2017, le ministère de la Santé publique se rapproche du peloton de tête et se classe devant le ministère des Marchés publics et son enveloppe de 1,3 milliards de FCFA.
Plus de 42 milliards de primes et gratifications
Pour l’année 2017, l’Etat a provisionné exactement 42,1 milliards pour couvrir les dépenses de primes et gratifications, soit une importante baisse de plus de 8 milliards par rapport à 2016. Cette baisse de primes n’a pas d’explications officielles, au regard des autres allocations qui ont soit progressé soit légèrement baissé. Paul Biya aurait-il demandé un resserrement de la vis à ce niveau ? Impossible à dire, mais ses plaintes récurrentes vis-à-vis d’une fonction publique caractérisée par l’inertie sont peut-être en train de trouver un prolongement.
Dans ce chapitre, l’Assemblée nationale s’en sort avec une enveloppe de 5,9 milliards contre 9,2 milliards 2016, soit une forte baisse de 3,3 milliards. Ce chiffre malgré tout élevé s’explique par un jeu d’écriture. Les députés sont réputés ne pas percevoir de salaires, mais une rémunération classée dans le registre des indemnités hors solde. Ils perçoivent donc une indemnité mensuelle, qui s’élève à 1,3 million par député et des frais de session qui sont de 1,2 par session. Régulièrement première de cette rubrique, l’Assemblée nationale largement dominée en 2017 par le ministère des Finances, avec une enveloppe de 8,4 milliards, le même montant que l’année dernière. Le total des primes du Minfi est supérieur à l’ensemble des ressources du budget d’investissement public du Minfi qui s’élèvent à 7,1 milliards F CFA. On peut aussi simplement dire que le Minfi ne peut pas être à la cuisine et manger comme à l’orphelinat.
Le ministère des Marchés publics stagne à la troisième place avec les 4,2 milliards de francs, soit 500 millions de moins que ce qui lui étaient dévolus en 2016. Le montant des primes et gratifications laisse dubitatif au regard de la taille de ce ministère. On peut constater ces allocations sont supérieures aux salaires des personnels toutes catégories confondues du Minmap, qui s’élèvent à un peu plus de 4,1 milliards.
Le ministère de l’Administration territoriale est quatrième du classement avec une provision de deux milliards, quasi-identique à celle de l’année dernière. La présidence (et ses services rattachés) clôt cette liste avec une enveloppe de deux milliards.
25,2 milliards pour des factures d’eau et d’électricité
Comme en 2014, en 2015 et en 2016, l’Etat dépensera cette année 25,2 milliards pour payer l’eau, l’électricité, le gaz et autres sources d’énergie. La ventilation par ministère ne varie pas non plus. Le Mindef dispose de 4,1 milliards pour ce chapitre. La présidence de la République arrive en seconde position avec les mêmes 2,3 milliards que l’année dernière. On comprend pourquoi il n’y a jamais de rupture d’eau et d’électricité à Etoudi. Même si on peut estimer que, pour le seul palais de Yaoundé et les résidences présidentielles réparties à travers le pays, la facture est tout de même élevée. Le ministère de l’Administration territoriale conserve aussi ses 2,1 milliards pour son budget eau et électricité. Un montant qui permet de payer les factures dans les résidences des chefs de terre. Le ministère de la Santé publique voit son enveloppe eau et électricité stagner à 1,9 milliard en 2017. Le ministère des Finances s’est réservé une enveloppe de 1,9 milliard, en hausse de quelques dizaines de millions.
Plus de 1 000 milliards de salaires
Ce sont exactement 998,5 milliards qui sont consacrés par le budget de l’Etat au paiement de son personnel. La masse salariale publique progresse de plus de 43,3 milliards en un an. C’est 48,5% du budget total de dépenses courantes. En 2016, les dépenses de personnel de l’Etat se situaient déjà à 955,2 milliards de francs CFA. Et ce n’est pas tout : il faut y ajouter les 205 milliards dévolus au paiement des pensions et retraite. Là aussi, il y a augmentation de 11 milliards, puisque cette rubrique n’affichait « que » 194 milliards il y a un an et 183 milliards en 2015. Au total, l’Etat consacrera plus de 1 200 milliards pour les salaires et les pensions de ses agents en activité et à la retraite. C’est plus d’un quart du budget total qui s’élève à 4 373,8 milliards. La masse salariale et les pensions représentent plus de 57% du budget alloué au fonctionnement de l’Etat en 2017. En comparaison, le budget d’investissement public cette année est de 1 586 milliards de FCFA, donc de moins de 400 milliards plus élevé que la masse salariale.
Officiellement, les dépenses de personnel augmentent pour prendre en charge les nouveaux enseignants sortis des Ecoles normales supérieures, des élèves des grandes écoles et les recrutements dans les forces de défense. Cette explication générique que les autorités budgétaires reconduisent chaque année dans la loi de finances cache mal un embarras sur la maîtrise des effectifs de la fonction publique.
La tendance à la hausse des dépenses de personnel est constante. De 414,5 milliards en 2005 à 668 milliards en 2011, elles étaient juchées à 803 milliards en 2013. En 2015, la masse salariale de l’Etat était de 835 milliards. Donc, en dix ans, les dépenses de personnel ont plus que doublé, alors que le nombre d’agents de l’Etat n’a pas subi la même courbe et que les salaires ont très peu évolué. En s’établissant à plus de 6% du PIB du Cameroun, les dépenses de personnel de l’Etat franchissent la barre de 5% du PIB recommandée par les standards internationaux. En2018, cette masse salariale est prévue pour augmenter de près de 55 milliards de FCFA. Un vrai tonneau de Danaïdes.
9,4 milliards pour Elecam
L’organe national en charge de l’organisation des élections dispose d’un budget de près de 9,5 milliards, comme l’année dernière, mais en baisse de plus d’un milliard de FCFA par rapport aux 10,6 milliards de 2015. En 2014, le budget d’Elections Cameroon était de 11,1 milliards de francs. Chaque année, cet organe voit son budget rapetisser. La taille de son enveloppe peut laisser penser qu’une échéance électorale n’est pas en vue.
14,9 milliards pour le Sénat
La chambre haute du parlement camerounais dispose d’un budget de 14,9 milliards, soit le même montant que l’année dernière. 3,2 milliards iront aux dépenses d’investissement et le reste aux dépenses de fonctionnement. Il n’y a nulle part le début de commencement d’une provision budgétaire en vue de la construction d’un siège au Sénat.