Le chiffre du jour : 256 femmes frappent un grand coup dans le Grand Nord

Chefferie Femme 256 femmes frappent un grand coup dans le Grand Nord

Tue, 3 Sep 2024 Source: L'Oeil du Sahel

L’Association des Femmes et Filles de l’Adamaoua (Affada) a organisé les 27 et 28 août 2024, un atelier de plaidoyer à Yaoundé. Les principaux participants étaient les chefs traditionnels et notables venus des 10 régions du pays. Il était question lors de cette rencontre de renforcer la présence et le rôle de la femme dans la gouvernance publique dès l’échelle communautaire à partir des chefferies traditionnelles pour une meilleure prise en compte du genre dans le processus de développement. «Dans la chefferie, aucun chef n’a moins de cinq femmes, il y en a une dizaine. Vous allez dire que, c’est l’esclavage alors que c’est une force pour la chefferie. Le nombre d’enfants qu’on fait à la chefferie, c’est ça qui fait sa force. Donc, il y a le nombre des femmes du chef qui sont plus de cinq. Il y a des gens qui ont quarante, cinquante… c’est ça la force de la chefferie. Ces femmes-là, ont la reine mère. C’est elle qui gouverne les autres femmes. Dans l’environnement élitiste du village, il y a des femmes qu’on a élues, celles qu’on appelle des «Mafon» et ce sont elles qui entourent le chef en matière de prise de décision au village. Cela veut dire que les femmes dans le Nord-Ouest sont très prisées contrairement à ce qu’on croit», a rassuré le colonel Godfred Weriwoh Tembeng, chef du village Ewoh dans l’arrondissement de Batibo, région du NordOuest. Le travail abattu par Affada jusqu’à ce jour dans la partie septentrionale porte déjà ses fruits. Sur les 239 chefferies établies dans la partie septentrionale, les plaidoyers menés par Affada dans cette partie du pays ont abouti à l’intronisation de 256 femmes comme notables. Ainsi, en invitant les chefs traditionnels des dix régions du Cameroun, l’association des Femmes et Filles de l’Adamaoua ambitionne désormais étendre son plaidoyer sur le plan national. Le ministre de l’Administration territoriale qui a présidé la cérémonie le 27 août dernier, a salué et encouragé cet engagement de l’Affada. «Je félicite Affada pour son engagement et sa détermination. L’introduction des femmes notables vient apporter un équilibre sur la prise en compte des genres dans les instances de prise de décision auprès des chefs traditionnels dans les cours de notabilité», témoigne Paul Atanga Nji. On a appris lors de cette rencontre que les femmes représentent 59,62% de la population de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-Nord. Un chiffre largement au-dessus de la moyenne nationale qui est 50,54%. «Le plaidoyer que nous avons fait en son temps dans les régions septentrionales qui consistait à faire accepter aux chefs traditionnels l’admission des femmes comme collaboratrices au titre de notable au même titre que les hommes notables dans les chefferies nous fait comprendre que le reste du pays a besoin de savoir ce que nous avons fait ailleurs. Il était important pour nous aujourd'hui de rassembler les chefs traditionnels des régions septentrionales et méridionales pour qu’ils croisent les regards et voient ce que les femmes peuvent faire dans les notabilités des chefferies», rassure Françoise Aïe Baba, présidente de l’Affada.

MISSION

Dans les dispositions de la charte qui lie Affada et les chefferies traditionnelles, les femmes intronisées comme notables ont pour principal rôle d’animer les aspects concernant l’éducation, la santé, la culture, les relations publiques, les conflits conjugaux. Les notables femmes doivent non seulement lutter contre les mariages précoces mais faire plus. Pour la ministre de la Promotion de la femme et de la famille (Minproff) qui a présidé la cérémonie de clôture le 28 août 2024, Affada a largement fait avancer les choses. «Mme la présidente de l’Affada a fait un travail énorme parce que le Grand-Nord était très fermé et on a déjà ouvert les portes avec l’intervention des femmes dans la notabilité, car elles ont leur mot à dire. Aujourd’hui nous avons clôturé une rencontre de deux jours à laquelle les chefs traditionnels de premier, second et troisième degré ont pris part et ont fait une déclaration. Cette déclaration soutient l’intégration des femmes notables dans cette instance. Elle va se faire progressivement en tenant compte de nos coutumes, nos traditions et c’est déjà une grande amélioration», souligne Pr Marie Thérèse Abena Ondoua. De plus, le Minprof pense qu’il est temps de modifier les textes en faveur de la femme. «Il y a aussi le volet de la modification de la loi qui ne disait rien sur l’intégration des femmes et je pense que nous sommes sur la bonne lancée. Le ministre de l’Administration est impliqué, le Minproff qui veuille sur l’intégration des femmes et la non-discrimination est là. Donc nous sommes très optimistes et nous pensons obtenir les résultats escomptés. Le travail abattu par celles qui sont déjà intégrées est très appréciable et nous souhaitons que le nombre augmente pour que dans toutes les régions, nous puissions permettre à ces femmes de pouvoir aussi participer aux affaires de la communauté», promet la Minproff Marie Thérèse Abena Ondoua. Pour l’universitaire Mbarkoutou Mahamat qui a entretenu les chefs traditionnels et notables (hommes et femmes), aucun texte n’interdit la femme. «La loi de 1977 qui porte organisation des chefferies traditionnelles au Cameroun laisse entrouverte la possibilité d’avoir des femmes et des hommes notables. Il n’y a pas une obstruction à ce que les femmes accèdent au poste de notable dans les chefferies. Sauf qu’on a quand même fait le constat que depuis que cette loi existe, il y a une perception sexo-masculine extrêmement dominante qui montre clairement que les chefs traditionnels et les notables sont en grande majorité des hommes», affirme Pr Mbarkoutou Mahamat. Aujourd’hui, il sera question pour Affada de faire avec les spécificités de chaque région. «Il ne s’agit pas de venir avec un modèle qui changerait tout mais on s’aperçoit sur la base historique que chaque communauté a toujours valorisé la femme. L’Affada devrait capitaliser ces éléments pour mettre en exergue la femme afin qu’elle accède à des positions pas seulement de représentativité mais des positions d’influence qui pourrait également aider le monarque, le chef (qu’il soit homme ou femme) à mieux agir sur la communauté, notamment sur les problématiques qui ont rapport avec les femmes. Le fait est qu’on accède à un dispositif juridique plus équitable et plus rentable pour la communauté», a fait savoir Pr Mbarkoutou Mahamat

Source: L'Oeil du Sahel