Le déficit en poisson au Cameroun, estimé à plus de 60,000t

Poisson Fish Des poissons

Thu, 10 Mar 2016 Source: Cameroun Tribune

C’est un truisme de dire que les Camerounais raffolent du poisson. En effet, des études montrent que dans notre pays, 80% des besoins en protéines animales sont couverts par le poisson relativement moins cher par rapport à la viande de bœuf, du porc et autres volailles. Il n'y a qu'à voir la quantité de poisson braisé sur les trottoirs des grandes métropoles (Douala et Yaoundé), pour s’en convaincre. Le maquereau chinois ou sénégalais, c'est au choix, se mange, pour ainsi dire, à toutes les sauces.

Les carpes, fruit de la capture des eaux des barrages (Mbakaou, La Mapé, Lagdo et bientôt Lom Pangar), sont réservées à une certaine classe de consommateurs. Alors que les silures, de plus en plus visibles dans l'assiette de la ménagère, témoignent d'un frémissement de l'aquaculture dans notre pays. Si les Camerounais sont de grands consommateurs de poisson, ils sont cependant peu nombreux, ceux de nos compatriotes qui s'adonnent à la pêche professionnelle. Même si la quantité de poisson capturée dans les eaux camerounaises est impressionnante au fil des ans, comme l’indiquent certaines sources, cela n'est malheureusement pas le fruit des efforts des pêcheurs camerounais. L'actualité est d'ailleurs riche, ces derniers jours, en saisie de cargaisons illicites de poisson dans les localités de Limbe ou Idenau, dans le Sud-Ouest.

Cela témoigne de toute évidence de l'importance du potentiel halieutique national. Naturellement logé dans le golfe de Guinée, le Cameroun dispose de près de 400 kilomètres de côtes dont les eaux sont propices à la pêche maritime industrielle, actuellement pratiquée, en grande partie, par des firmes étrangères. La pêche maritime industrielle représente, à elle seule, les 2/3 de la production halieutique du pays. Le reste provient de la pêche artisanale continentale qui est l'apanage du plus grand nombre de pêcheurs. Elle est exercée à l'intérieur du pays dans les lacs, étangs et nombreux cours d'eau. « Les principales unités industrielles qui exploitent les cotes camerounaises, soit directement, soit par le biais de joint-ventures avec des hommes d'affaires locaux, sont étrangères, précisément chinoises », indique l'association Cameroun Ô'bosso dans une enquête publiée en 2010.

Des statistiques révèlent également que près de 80% de la main d'œuvre artisanale dans le secteur est non-camerounaise. Elle est constituée de Nigérians, Béninois, Togolais et Ghanéens. Les Camerounais se recrutent, pour l'essentiel, dans la pêche artisanale qui utilise moins de 30% des embarcations de pêche motorisées. Et c'est cette production artisanale qui est destinée à la consommation locale. Toutes choses qui expliquent d'ailleurs le déficit en poisson, estimé à plus de 60 000 tonnes de poisson congelées par an, selon les experts. D'où le recours aux importations actuelles qui oscillent entre 135 000 et 150 000 tonnes chaque année.

Pourtant, l'on dénombre plusieurs points de débarquement dont les plus importants sont Douala, Limbe, Idenau, Kribi, Mabeta, Manoka, Cap Cameroon, Youpwé, Bonassama, Bekumu, Ekondo-Titi, pour la pêche artisanale maritime. En ce qui concerne la pêche continentale, l'on peut citer Maga, Kaikai, Lagdo, la Mapé, Mbakaou, Lom Pangar... La répartition de la production nationale de l'ordre de 200 000 tonnes est de 51,6% pour la pêche maritime artisanale et 41,5% pour la pêche continentale. La pisciculture, encore récente, est très marginale. Les entraves à l’essor de la production artisanale sont nombreuses : mauvaise régulation du secteur, non-accès aux financements, insuffisance managériale, faible organisation, bas niveau de technicité et concurrence déloyale des firmes étrangères.

Et comment relancer l’activité de pêche dans notre pays ? Que faut-il faire pour intéresser plus de jeunes à cette activité, pourvoyeuse d'emplois et gage de sécurité alimentaire ? Conscients des enjeux, les pouvoirs publics ont mis les bouchées doubles, ces dernières années, afin de rattraper le retard et d'apprendre à pêcher à un nombre de plus en plus élevé de jeunes Camerounais. L'action du gouvernement, pilotée par le ministère de l'Elevage, des Pêches et des Industries animales (MINEPIA), est déployée sur plusieurs fronts : le cadre légal et réglementaire à travers la loi n°94 du 20 janvier 1994 en est la boussole ; des programmes et projets sont élaborés, pour pallier le déficit et réduire les importations. La formation et l'encadrement font désormais partie des priorités, à travers des écoles et centres de pêche, dans le but de recruter plus de jeunes dans ce secteur. Les écoles de pêche de Bonamatoumbé dans le Littoral et de Limbe dans le Sud-Ouest (Nautical Arts and Fisheries Institute) font office de pionnières. L'on annonce la création de trois autres centres à Belabo à l'Est, Longi au Sud et Maga à l'Extrême-Nord. Alors que les institutions spécialisées d'accompagnement des acteurs telles que la Caisse de développement des pêches maritimes (CDPM) et la Mission de développement de la pêche maritime (MIDEPECAM) sont mises à contribution. Les stations aquacoles de Yaoundé, Douala et Ebolowa seront érigées, aux dires du Dr Taiga, MINEPIA, en centres d'incubation pour la formation et l'appui-accompagnement. Les partenaires au développement tels que le FIDA, à travers le Projet de promotion de l'entrepreneuriat jeunes (PEA -Jeunes), sont engagés à soutenir les efforts du Cameroun. Tous les voyants virent au vert. Aux jeunes de saisir l'opportunité.

Source: Cameroun Tribune