Le reclassement de la forêt d´Ebo suscite des inquiétudes

Les organisations de la Société Civile camerounaise (OSC), ont pris connaissance avec regret le décret N°2023/01630/PM du 27 avril 2023, du Premier Ministre Joseph Dion Ngute portant classement au domaine privé de l’Etat. Une portion de forêt de 68 385 hectares est constituée en Unité Forestière d’Aménagement dénommée UFA 07006, située dans les Départements du Nkam et de la Sanaga Maritime, Région du Littoral. Celles-ci expriment leurs inquiétudes sur les conséquences qu’entrainera ce décret du PM sur la biodiversité, le changement climatique et la résilience des communautés.

Au regard des conséquences néfastes du classement de ladite forêt au profit de l’exploitation, elles recommandent entre autres : le retrait du décret de classement N°2023/01630/PM ; la création des APAC, forêts communautaires ou d’une aire protégée cogérée par l’Etat et les communautés locales ; la mise sur pied des initiatives de valorisation des services éco systémiques. La parcelle de forêt classée à nouveau par le décret N°2023/01630/PM du 27 avril 2023, est la même qui fut classé par décret N°2020/3216 du 14 juillet 2020 du premier Ministre et qui par la suite avait fait l’objet d’un retrait par le décret N°2020/3900/PM du 06 août 2020 du Premier Ministre.

Rétropédalage

Comment comprendre ce rétropédalage du Premier Ministre en particulier et de la vision globale du gouvernement camerounais en matière de gestion des ressources forestières ? Pourtant les facteurs ayant conduit en 2020 au retrait du classement de cette parcelle de la forêt en UFA restent toujours d’actualité. Il s’agit de la biodiversité exceptionnelle, la forêt classée en UFA abrite une biodiversité unique entre autres : La plus importante population de chimpanzés du Nigéria-Cameroun. La seule population de chimpanzés dans le monde ayant à la fois l’aptitude de casser les noix et d’extraire les termites.

La plus importante population restante de Drills (Mandrillus leucophaeus) dans le monde. Les éléphants de forêt, l'une des deux populations restantes de Colobe Bai de Preuss (Piliocolobus preussi). Au moins 12 nouvelles espèces végétales pour la science, découvertes et publiées, toutes sont des espèces menacées de disparition dans le monde et la plupart sont endémiques notamment Talbotiella ebo, Ardisia ebo, Crateranthus cameroonensis, Palisota ebo, Gilbertiodendron ebo, Inversodicraea ebo, Kupeantha ebo). Une communauté d'oiseaux diversifiée dont certaines espèces sont importantes et attirent la curiosité des ornithologues notamment le Perroquet gris.

Stock de carbone important, des estimations récentes montrent que la forêt classée en UFA stocke environ 35 millions de tonnes de carbone, ce qui constitue un réservoir de carbone à proposer éventuellement sur le marché international. Assurer une meilleure protection de la forêt classée en UFA, permettra à l’Etat de respecter ses engagements internationaux en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de protection de la biodiversité et d’amélioration des conditions de vie des communautés riveraines.

Espace vital des communautés riveraines, avant l'indépendance du Cameroun en 1960, la forêt classée était habitée. Elle est considérée comme une terre coutumière par plus de 40 communautés riveraines car de nombreux ancêtres y sont enterrés. Cette forêt abrite une importance culturelle avec des sites et territoires ancestraux et sacrés, coutumière et économique considérable. Les populations riveraines puisent en effet des ressources pour leur subsistance à l’instar des produits forestiers non ligneux pour l’alimentation et pour la pharmacopée ainsi que pour l’artisanat.