La paralysie des régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest a occasionné des pertes qui se chiffrent à plusieurs milliards de FCFA, selon les premières estimations.
La crise consécutive aux revendications dites « anglophones » a affecté négativement l?économie camerounaise. La paralysie de ces deux régions frontalières avec le Nigeria a considérablement ralenti l’activité économique, notamment les échanges commerciaux, aussi bien à l’intérieur du pays qu’entre le Cameroun et ce pays voisin qui demeure un partenaire de poids. Une étude récente a montré que 1 511 entreprises ont été créées dans ces deux régions depuis 2011.
Lorsqu’on y ajoute les autres structures basées dans ces zones, dont la Cameroon developpement corporation (CDC), deuxième employeur après l’Etat, l’on comprend que ces deux régions constituent un vivier d’emplois dont la suspension peut s’avérer préjudiciable au tissu économique. Selon l’économiste Dieudonné Essomba, les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest jouent un rôle stratégique dans l?économie camerounaise de par leur apport en devises.
Par conséquent, toute perturbation d’activité ne peut que conduire à des pertes de devises pour le Cameroun. « Le Sud-ouest est incontestablement la région la plus importante par sa production du pétrole et ses exploitations agroindustrielles telles que la CDC, Pamol, etc. Cette région représente à elle seule pratiquement 45% des recettes en devises », explique Dieudonné Essomba. De manière globale, des opérateurs économiques indiquent qu’un ralentissement des activités est observé à Douala depuis que cette crise a éclaté.
« Les activités à Douala n’ont de sens que parce qu’il y a ces devises. Si vous supprimez les devises, vous supprimez par la même occasion Douala », confirme un économiste. Ainsi, pour le seul marché de Mboppi, l’un des plus grands de la sous-région, situé dans la ville de Douala, les commerçants estiment à 40% la baisse de leur chiffre d’affaires imputable aux événements qui ont conduit à un gel des activités dans ces deux régions. Sans être exhaustif, le premier bilan de la crise anglophone esquissé par quelques acteurs montre que tous les secteurs d’activités ont été atteints. Les start-ups installées dans la « Silicon mountain » à Limbe, autant que les fournisseurs des services à valeur ajoutée, ont enregistré des pertes estimées par l’association Internet sans frontières à 440 millions en deux semaines. « Nous somme en cessation d’activité. Ce sont les commerçants qui sont nos clients, s’ils ne peuvent pas acheter, nous allons transporter quoi ? », s’inquiétait un transporteur.
La suspension de la fourniture de l’internet a par exemple entraîné de graves perturbations dans des secteurs tels que les banques, le transfert de fonds et les TIC, qui sont essentiellement dépendant de l’internet pour leurs différentes transactions. « La plus grande difficulté pour les banques, c’est de travailler sans connexion. Or nous avons 30% de nos agences dans cette partie du pays, ce qui correspond à un gros manque à gagner », confie un banquier.
Bien qu’il soit encore difficile de chiffrer exactement les pertes, les estimations de certains acteurs permettent néanmoins de se rendre compte de l’ampleur du désastre. « Lorsque l’activité ne tourne pas, il y a plus de retrait d’argent, mais on continue de payer les charges fixes, sans faire de recettes. Lorsque nous travaillons par exemple 3 jours par semaine, nous perdons environ 60% de nos recettes », explique un banquier. Même les caisses de l’Etat n’ont pas été épargnées. « Les pertes de recettes douanières et fiscales ne sont pas encore évaluées, mais il est évident que la contribution de ces régions a connu une baisse drastique depuis que la crise a éclaté », confie un responsable de l’administration.
Mais Dieudonné Essomba, estime qu’il n’est pas facile de cerner de façon exacte les pertes fiscales qui peuvent êtres directes, indirectes ou induites. « Lorsque les multinationales installées dans la zone anglophone paient les impôts à Yaoundé ou à Douala, il y a un risque d’attribuer abusivement ces recettes-là au Centre ou au Littoral et à minorer l’apport de ces régions », explique l’économiste.