Au lendemain de la nomination d’un nouveau Directeur Général et d’un nouveau Président du Conseil d’Administration à la tête de la Camair-Co, nous avons sollicité l’expertise de Nyounai Nyounai, un spécialiste en aéronautique pour savoir si l’arrivée d’un nouvel équipage va permettre de redorer le blason de la compagnie aérienne nationale devenue l’ombre d’elle depuis bien longtemps. Entretien:
Monsieur Nyounai Nyounai, en plus d’être un expert en aéronautique, vous connaissez la Compagnie aérienne camerounaise, comme le fond de votre poche. Quel commentaire suscitent en vous les décisions du Chef de l’État, Paul Biya, qui nomment un nouveau PCA et surtout un nouveau DG à la tête de la Camair-Co ?
Si nous pouvons saluer ces nominations enfin à la tête de la CAMAIR-CO en état de léthargie avancée depuis fort longtemps, nous regrettons quand même la non-application de l’article 21 de la loi n° 99/016 du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic qui stipule que les fonctions de PCA d’un établissement public, d’une société à capital public ou d’une société d’économie mixte, à participation publique majoritaire, sont INCOMPATIBLES avec celles de membres du gouvernement, de parlementaires, de directeur général ou directeur général adjoint des établissements publics administratifs et des entreprises du secteur public et parapublic.
Cette loi voulait éviter la mainmise des PCA fonctionnaires sur la gestion quotidienne des entreprises.
Par ailleurs le remplacement des hommes à la tête ne suffit pas à redresser une compagnie aérienne déjà morte. Il fallait que les conditions d’effacement des stigmates de cette mort auprès des clients soient remplies. L’équation posée aujourd’hui serait de savoir comment faire revenir les clients qui ont goûté le bon service chez les concurrents.
À votre avis, qu’est-ce qui peut justifier le limogeage de Nana Sandjo ?
Deux raisons essentielles:
- Monsieur NANA SANDJO n’a pas voulu dénoncer assez tôt les conditions défavorables du fonctionnement de la compagnie qu’il connaissait pourtant, pour des raisons politiciennes. Il est entré dans son propre piège.
- Monsieur NANA SANDJO ne remplissait pas les conditions nécessaires pour être un Dirigeant Responsable à la tête de la CAMAIR-CO. Il l’a dévoilé lui-même à travers son CV qu’il a présenté à l’Autorité Aéronautique. Sur ce document n’apparait la confirmation de la réception d’un diplôme reçu des établissements qu’il a fréquentés. Il ne pouvait donc pas assurer la fonction de Gestionnaire Responsable de la Camair-Co.
Nana Sandjo qui n’a passé que deux ans à la direction de Camair-co, est le sixième DG depuis la création de la Compagnie il y a seulement une décennie. On constate que des Managers sont changés comme de chemise, mais la situation de la Compagnie demeure catastrophique. Est-ce que le problème de Camair-Co ne se trouve pas ailleurs ?
NANA SANDJO est le 5e DG de CAMAIR-CO. S’il y a mis deux ans, c’est «la magie» du Cameroun, où on peut facilement trouver un maçon à la place d’un financier ou d’un ingénieur.
Comme je l’ai dit plus haut, le remplacement des hommes à la tête d’une compagnie ne change pas fondamentalement la situation de cette compagnie, mais il faut bien commencer par là car c’est avec la tête qu’on réfléchit, qu’on organise et qu’on met en place.
Le plan de redressement proposé par Boeing Consulting et la volonté affichée par les pouvoirs publics dans le sens de débloquer tous les moyens nécessaires à la réussite de cette opération de redressement peuvent-ils enfin permettre à Camair-Co de se relever ?
Un plan, issu d’un audit effectué par une partie prenante, ne peut pas être favorable au redressement d’une structure.
Un audit est un processus méthodique, documenté et surtout INDÉPENDANT pour prouver l’impartialité de l’auditeur.
Il s’agit ici de proposer le type et le nombre d’outils de production (avions) qu’il faut utiliser dans les différents réseaux d’exploitation de CAMAIR-CO. Un auditeur (Boeing) peut-il proposer les avions de son concurrent ?
Notre avis est que CAMAIR-CO va une fois de plus se rendre compte, après trois ans, que ce plan ne permet pas son redressement comme celui de Lufthansa Consulting (de triste mémoire).
À votre avis, qu’est-ce qu’il y a à faire pour que le Cameroun ait une compagnie aérienne digne de ce nom ?
Six conditions à remplir :
1- Nommer un DG, Dirigeant Responsable, compétent.
2- Exiger l’achat d’outil de production moderne (avions)
3- Nommer les 6 Responsables Désignés compétents (Directeur Technique, Directeur de l’Exploitation, Directeur Qualité, Responsable opérations Vol, Responsable Opérations Sol, Responsable Suivi des Équipages).
4- Recruter des employés par test de niveau (y compris ceux qui sont en place et compresser ceux qui échouent aux tests).
5- Mettre en place un organigramme comprenant entre autres une Direction Commerciale ou des Ventes avec des objectifs de remplissage des avions, une Direction Technique avec des objectifs de réduction des dépenses.
6- Signer un contrat ayant des objectifs à atteindre à travers des indicateurs de performance avec le propriétaire, représenté par le Conseil d’Administration qui confirme sa non-ingérence dans la gestion quotidienne et attend l’évaluation du contrat. À l’évaluation si les objectifs ne sont pas atteints le Manager démissionne.