La forte demande des produits alimentaires certifiés biologiques sur le marché national international a donné l’opportunité aux agriculteurs camerounais d’augmenter leurs revenus.
Pierre-Calvin Picker est un Camerounais de 31 ans. Régulièrement, il se rend à Dzeng, un village situé à environ 60 kilomètres de Douala, la capitale économique du Cameroun pour visiter ses 30 hectares de plantation. Sur les parcelles réservées à l’ananas comme sur les autres parcelles, il vérifie que les plants poussent bien, enlève quelques fleurs qui seraient de trop sur certains plants et poursuit son inspection.«On produit à peu près 50 tonnes de fruits, entre l’ananas, la papaye et les fruits de la passion», explique Pierre-Calvin Picker rencontré dans sa plantation par l’agence Anadolu.
Bien qu’âgé de 31 ans seulement, Picker a déjà 10 années d’expérience dans l’agriculture. «L’idée au départ c’était de faire une agriculture qui soit respectueuse de l’environnement, de la santé du consommateur et de celle du producteur», explique Picker pour justifier son choix de l’agriculture biologique. «Je me plais dans l’agriculture. C’est un travail qui est finalement très gratifiant. Puisqu’on peut voir le fruit de son travail. Savoir qu’on peut réaliser des choses comme ça c’est très gratifiant», ajoute-t-il.
Depuis quelques années, l’agriculture biologique connaît une forte embellie. Selon les avis des acteurs de la filière, la demande est toujours à la hausse malgré l’absence de statistiques. Les produits biologiques du Cameroun s’exportent beaucoup plus vers l’Union européenne, d’après divers témoignages des producteurs.
Depuis 2010, la FAO (Organisation des Nations Unis pour l’Alimentation et l’Agriculture) a d’ailleurs mis sur pied un programme d’appui à 5000 producteurs d’Afrique de l’Ouest pour les aider à mieux répondre à la hausse de la demande en fruits et légumes certifiés biologiques.
«Certains exportateurs d’ananas du Ghana et du Cameroun voient leurs exportations augmenter malgré la crise économique», dit à cet effet Cora Dankers, qui supervise les projets de la FAO dans ces deux pays, cité dans un récent rapport de la FAO. «A titre d’exemple, un groupe d’agriculteurs au Cameroun a non seulement trouvé un acheteur pour les ananas bio, mais grâce à l’analyse des coûts que nous avons effectuée avec eux, ils ont également été en mesure de négocier de meilleures conditions avec leurs acheteurs», ajoute le rapport de la FAO.
Rodrigue Bonsou est lui aussi un producteur de fruits certifiés biologiques. Il a été motivé par le succès de Calvin Picker pour se lancer à son tour dans l’agriculture biologique. Il produit les fruits de la passion à l’Ouest du Cameroun. «La production dépend aussi parfois des intempéries climatiques. Je peux produire en moyenne deux à quatre tonnes par saison», explique fièrement Bonsou. «Le fruit de la passion est très sollicité sur le marché local comme à l’international. Je gagne bien ma vie», ajoute-t-il.
«Grâce au programme, des groupes d’agriculteurs et des petits exportateurs ont déjà amélioré leurs compétences techniques et la qualité de leur production au Burkina Faso, au Cameroun, au Ghana, au Sénégal et en Sierra Leone, jusqu’à obtenir les certifications bio et commerce équitable», conclu le rapport FAO.
Les producteurs reconnaissent cependant que l’agriculture biologique a beaucoup de contraintes. «En agriculture conventionnelle, on achète les produits chimiques prêts à l’emploi. En agriculture biologique, on doit fabriquer ses propres produits en se rassurant qu’ils respectent certaines normes», explique Bonsou.«Moi j’utilise la fiente de poule comme engrais. Mais je dois toujours me rassurer que l’élevage d’où vient cette fiente n’utilise pas de produits chimiques. C’est un travail supplémentaire» ajoute Bonsou.
Picker lui assure qu’il n’utilise aucun produit chimique c’est-à-dire aucun produit synthétisé en laboratoire. Il dit utiliser des engrais organiques et d’autres engrais minéraux tels que les roches broyées. «On utilise aussi des techniques de lutte biologique. C’est-à-dire qu’on ne va pas planter sur une très grande superficie uniquement la même culture. On va essayer de mettre les cultures intercalaires de manière à ce qu’un équilibre se fasse entre les ravageurs des différentes cultures et leurs prédateurs», ajoute-t-il.
Au Cameroun, les marques de produit certifiés bio sont de plus en plus nombreuses sur le marché camerounais, les producteurs de la filière bio aussi. Signe que la filière remporte du succès.