Au motif d’une pénurie savamment entretenue par leurs soins, des fonctionnaires du ministère des finances commis à la mise à disposition des vignettes, alimentent une insidieuse inflation de prix autour du fameux sésame passé depuis quelques jours à 100 l’unité, au lieu de 5 F Cfa. Suffisant pour susciter la grogne chez les importateurs de cigarettes qui n’envisagent pas moins que la saisine du ministre des finances pour dénoncer cet état de fait.
Alors que les importateurs évoqués supra se sont acquittés depuis le début du mois de septembre 2015 de toutes les exigences afférentes à la mise à disposition de leurs fournisseurs respectifs des vignettes devant être estampillées sur leurs produits, ils ne parviennent toujours pas à assurer leur approvisionnement en cigarettes, du fait des retards inexplicables imputables aux agents du ministère des Finances commis à la gestion des vignettes. Or, il est de notoriété que cette opération préalable à toute importation ne durait à peine que quatre jours, à en croire l’un des plus gros importateurs locaux et par ailleurs représentant de la marque Business Club. Mais autant au ministère des finances on reconnaît la désastreuse situation, autant on n’hésite guère à rechercher des boucs émissaires en les responsables de la société De Larue, entreprise chargée de conduire l’opération de délivrance ou plus exactement de fourniture desdites vignettes. en fait, il s’agit d’un faux-fuyant à en croire une fois de plus cet importateur local qui révèle que la situation est plutôt récurrente, eu égard à l’inféodation de certains agents du ministère des Finances, littéralement à la solde de certaines multinationales et singulièrement de Bristish American Tobacco (Bat). Ce d’autant plus qu’au travers de la pénurie de fait des vignettes, cette multinationale sait réaliser au passage des gains d’opportunités au détriment de sa concurrence directe qui, en cette période de fin d’année, perdrait quelque peu au change, en termes de part de marché.
Collusions multiformes
A preuve, l’un des responsables d’une structure d’importation de cigarettes dira : «Nous sommes dans un secteur fragile, l’absence de nos produits sur le marché national pendant une certaine période peut contribuer à nous faire perdre de grosses parts de marché qui reviendraient de fait à cette multinationale qui a quitté le Cameroun il y a quelques années, pour aller s’implanter au Nigéria voisin. Cette situation n’est pas tolérable». Ce d’autant plus qu’en son temps le phénomène avait fait débat au sein de l’assemblée nationale, au plus fort du mandat du ministre Essimi Menye aux Finances. Si à l’époque ce dernier avait été nommément cité pour ses accointances avec des multinationales, le réseau semble s’être davantage étendu depuis lors, ne serait-ce qu’à en juger par son retour au-devant de la scène socioéconomique avec davantage d’acuité.
Toutes choses qui animent la détermination des opérateurs locaux de la filière dans l’optique d’une saisine des autorités compétentes pour faire prévaloir leurs prérogatives, eu égard à la persistance de la désastreuse situation. Car, en marge de la pénurie des vignettes se sont développé des maux plus insidieux tels la fraude, la contrefaçon et la contrebande, dans le secteur des cigarettes, ne serait-ce qu’à en juger par l’introduction de nouvelles marques sur le marché.
Pourtant, ce n’aura pas été faute pour les opérateurs locaux de la filière de tirer la sonnette d’alarme, au travers d’un mémorandum conséquent y afférent servi en son temps pour dénoncer les agissements répréhensibles des agents commis à la gestion de ce dossier.
Faits aggravants
Au demeurant, le peu de fiabilité attaché à l’expertise de la société De Larue en matière de confection de vignettes fiscales vient à rajouter aux incongruités inhérentes à la récurrence des pénuries observées, surtout que le marché y relatif a été passé de gré à gré alors qu’un appel d’offres aurait semblé réglementaire eu égard au montant de celui-ci évalué à plus de 9 milliards de F Cfa. Bien plus, le fait pour la même entreprise d’être basée en Angleterre au même titre que l’une des multinationales, laisse quelque peu songeur quant à une probable instrumentalisation de ladite entreprise. Mais autant on peut penser qu’il s’agisse de simples supputations, autant l’arrimage quasi-automatique de l’offensive commerciale de Bat en période de pénurie de vignettes pour nous y fonder. Plus grave est certainement la brèche ouverte à la fraude et à la contrefaçon qu’étaient pourtant sensées combattre ces vignettes, non sans qu’elles œuvrent par ailleurs à améliorer la compétitivité des entreprises locales et à assurer la santé des consommateurs, à travers la traçabilité et le contrôle d'authenticité des produits concernés.
A la réalité, il n’en est rien tant il est constant que de nombreux produits sur le marché ne répondent toujours pas aux normes prescrites et ne s’obligent conséquemment pas au contrôle préalable de l'Agence des normes et de la qualité (Anor) pour leur certification. Au total, on aura davantage privilégié la recherche effrénée de recettes fiscalo-douanières supplémentaires, même si au passage quelques fonctionnaires du ministère des Finances se les font pleines les poches.
Réseaux maffieux
Dès lors, on comprend aisément pourquoi les vignettes se font rares car, elles empruntent les circuits autres que ceux requis. Circuits savamment entretenus par des cadres du ministère des Finances qui alimentent le marché noir. Un business très florissant qui dépasse largement celui du circuit formel de l’importation des marchandises. Du coup, les pénuries décriées par les opérateurs des filières vins et spiritueux et cigarettes se justifient amplement quitte à sacrifier littéralement des milliers d’emplois et surtout à engendrer d’importants manques à gagner pour l’Etat. Mais ici les conditions d’achat sont tellement élevées que rares sont ceux qui réussissent à tirer leur épingle du jeu, sans passer par les chemins escarpés de la contrebande.
Nous nous sommes d’ailleurs procuré quelques plaquettes de vignettes pour nous rendre compte de l’effectivité des informations mises à notre disposition. Lesdites vignettes se vendent au marché noir à la somme de 100 F Cfa l’unité et ce, encore si la tête du client plaît. Soit un bénéfice net de 95 F Cfa par vignette que réalisent les agents véreux du ministère des finances. De quoi dresser les cheveux sur la tête d’un chauve.
A titre d’illustration, pour 100 000 vignettes, l’opérateur économique qui se ravitaille dans ce circuit dépense 10.000.000 F Cfa, alors qu’il ne devrait débourser que 500.000 FCFA. Voilà pourquoi, les opérateurs économiques citoyens comme ceux qui sont actuellement en difficulté à cause de cette situation courent le risque de crier encore pendant longtemps leur colère avant que l’administration ne consente à leur apporter un début de solution.