Malgré un contexte national difficile, le ministère des Finances veut rendre effectif le projet de marquage fiscal des produits brassicoles, ce qui provoquera une augmentation du coût de la bière. Un choix risqué qui suscite des interrogations et nourrit les fantasmes sur d’éventuelles motivations cachées.
Yaoundé, 19 septembre 2011. Dans une circulaire, le ministère de Finances (Minfi) précise les modalités de mise en œuvre de la vignette sur certains produits manufacturés ou importés.
Les objectifs visés par cette mesure portent entre autres sur la lutte contre la fraude, la contrebande et la contrefaçon ; le renforcement l’équité fiscale ; l’amélioration de la compétitivité des entreprises locales ; la protection de la santé des consommateurs, à travers la traçabilité et le contrôle de l’authenticité des produits concernés ; et enfin la sécurisation des recettes fiscales et douanières.
En dépit des contraintes fiscales assez drastiques, la mesure gouvernementale fut favorablement acceptée par la filière brassicole composée de la Société des brasseries du Cameroun (Sabc – groupe Castel), de Guinness Cameroon (groupe Diageo) et de l’Union camerounaise des brasseries (Ucb – groupe Kadji).
Ces entreprises regroupées au sein du Capa (Cameroon alcohol producer association), soulignent par ailleurs que ce type de loi vise à réglementer la fraude et la contrefaçon des produits a très forte valeur ajoutée (produits de luxe, alcool fort, cigarette…) et où la contrefaçon peut poser un problème de santé publique (médicaments et cigarettes).
« Nous rappelons que nos produits sont considérés comme des produits de consommation courante à faible valeur ajoutée dont par exemple le prix unitaire n’excède pas la valeur de six baguettes de pain et démarre à l’équivalent de trois baguettes de pain », précise une source au sein de l’industrie brassicole.
Par conséquent, poursuit notre source, « appliquer cette mesure à la bière fabriquée localement entraînerait donc des résultats contraires aux objectifs de la loi ».
Fraude, contrebande et la contrefaçon
Les raisons évoquées par les entreprises brassicoles, notamment en ce qui concerne la lutte contre la fraude, la contrebande et la contrefaçon, est qu’au niveau de chacune de leurs unités de production existent des dispositifs de contrôle et de comptage fiables qui indiquent en temps réel les quantités soutirés ainsi que le nombre de bouteilles entrées en magasin.
Ces équipements, apprend-on, sont accessibles à l’administration fiscale qui, depuis la Loi de Finances 2016, dispose du droit de contrôle des stocks tant des matières premières que des produits finis. Par ailleurs, la loi donne aussi la possibilité à l’administration fiscale d’avoir accès aux différents logiciels utilisés par ces entreprises brassicoles pour la gestion des stocks. Une meure qui s’ajoute aux directives de l’Anor, agence sous tutelle du ministère des Mines.
En outre, renseignent les sources du Messager, l’administration fiscale a régulièrement procédé à la vérification générale de la comptabilité des entreprises brassicoles.
A l’issue de ces vérifications, ajoutent nos sources, « aucun élément de fraude pouvant justifier de la mise en oeuvre de mesures de contrôle additionnelles n’a été décidé, ainsi que t’a souligné Monsieur le ministre des Finances lors de notre dernier rencontre le mardi, 18 juillet 2017 ».
S’agissant de la contrefaçon et de la contrebande, expliquent les spécialistes, seule l’accessibilité aux produits de la Capa en termes de prix est le principal rempart pour empêcher cette même fraude et contrefaçon.
En effet, soutiennent-ils, augmenter le prix de vente des produits de la Capa va encourager la consommation d’alcool frelaté et non fiscalisé comme l’importation frauduleuse des produits.
« Nous sommes les premiers intéressés par la lutte contre la contrefaçon et la contrebande de produits de bières, mais en aucun cas en augmentant le prix de nos produits », assure un responsable de la Capa.
Équité fiscale
En ce qui concerne le renforcement de l’équité fiscale, nos informations révèlent que l’industrie brassicole, de par sa situation et l’étendue de ses activités, est un contribuable parfaitement identifié. Ce qui entraîne forcement des relations suivies avec l’administration fiscale.
« L’industrie brassicole exerce en toute transparence et les flux tant de production que financiers sont traçables », indiquent nos sources. Le résultat étant que ces entreprises ne peuvent pas échapper au paiement des différents impôts et taxes, même si parfois, elles estiment non seulement être surtaxées, mais subir une forte pression de la part de l’administration fiscale.
« Nous avons sur tes trois dernières années subit un doublement de taxe sur la bière, qui nous le rappelons est un produit de consommation courante et il ne peut se passer une année sans que nous ayons fait l’objet de contrôle fiscal », affirme notre source au sein de la Capa.
S’agissant de l’amélioration de la compétitivité des entreprises locales, il se révèle que la mise en place du marquage fiscal va entraîner des coûts supplémentaires pour ces entreprises et contribuera plutôt à la diminution de leur compétitivité par rapport aux produits de même nature importés.
Quant à la question liée à la santé des consommateurs, des experts en la matière soutiennent que les entreprises brassicoles remplissent les conditions de traçabilité des produits par codes-barres imposées par l’Agence de normalisation (Anor). Cette traçabilité, assure-t-on, est de nature à sécuriser les consommateurs sur la qualité des produits de la Capa, par rapport aux produits de contrebande ou ceux fabriqués et conditionnés localement sans aucun contrôle.
Les mêmes spécialistes soulignent que en outre que tous les éléments et autres intrants entrant dans la composition des produits de la Capa, sont déjà clairement indiqués sur les emballages. Donc, conclut une source, « la mise en place du marquage fiscal n’apportera aucune valeur ajoutée à cette situation ».