Modeste Mopa Fatoing, de la DGI pour le FMI : Quel héritage laisse-il après 10 ans de service ?

Le désormais ex directeur général des Impôts

Mon, 6 Feb 2023 Source: Le journal Confidentiel

C’est dans une correspondance adressée au secrétaire général des services du Premier ministre que le ministre d’Etat, secrétaire général de la présidence de la République a annoncé que le chef d’Etat a marqué son « très haut accord » pour le détachement du directeur général des Impôts, Modeste Fatoing, auprès du Fonds monétaire international pour une durée de trois ans.

Le président de la République Paul Biya n’a pas attendu que la justice rende son verdict dans l’affaire qui oppose l’administration fiscale à l’homme d’affaires Jean Pierre Amougou Belinga, qui était sommé de s’acquitter d’un redressement fiscal avant d’autoriser l’ex directeur général des Impôts à aller poursuivre sa carrière loin des bureaux feutrés de Yaoundé.

Le désormais ex directeur général des Impôts retourne dans une institution financière internationale qu’il connaît très bien pour y avoir été Conseillé en administration fiscale au Centre régional d’assistance technique pour l’Afrique de l’Ouest. Originaire de Guidiguis dans la région de l'Extrême-Nord, Modeste Mopa Fatoing a été le plus jeune directeur général des Impôts au Cameroun. Un poste qu’il a accédé à l'âge de 38 ans.

Ce qu’il faut dire c’est que Modeste Mopa Fatoing est un pur produit de l’ENA de Paris en France. C’est après l’obtention d’une licence en droit privé qu’il intègre l’École nationale d’administration et de magistrature (Enam) avant de s’envoler pour la France où il obtient un master professionnel en administration publique en 2007. Après un 1er passage au FMI à Abidjan en Côte d’ivoire, Modeste Mopa Fatoing est recruté au ministère des Finances du Cameroun où il occupe le poste de Chef de division de la législation avant d'accéder à la tête de la Direction Générale des Impôts, l’organe opérationnel dudit ministère.

Un as du fisc

Pendant les dix années que cet inspecteur principal des impôts a passées à la tête de cette administration, il a considérablement augmenté les recettes fiscales du pays. Entre 2013 et 2023, ces recettes ont crû de 127,2 % en passant de 855,7 milliards de Fcfa à 1 944,4 milliards de Fcfa, soit une hausse de 1 088,7 milliards de Fcfa en valeur absolue. Grâce aux nombreuses réformes qu’il a mises en place, notamment la digitalisation des services, qui a réduit de manière substantielle le contact entre les agents du fisc et les contribuables, il a fait progresser au fil des années les recettes fiscales. Rien que l’année dernière, l’administration fiscale camerounaise a collecté 2426,5 milliards de Fcfa entre janvier et novembre 2022. Un chiffre en hausse de 410 milliards de Fcfa en valeur absolue, et 20,3% en valeur relative par rapport à 2021.

Au-delà de l’accroissement des recettes fiscales, Modeste Mopa Fatoing s’est également illustré par la digitalisation à outrance du fisc dans le souci de la facilitation des procédures. Grâce à la télé déclaration des impôts et taxes, les contribuables se sont vus épargnés des longues procédures parfois harassantes. Bien que critiqué par les chefs d’entreprises du fait de la hausse de la pression fiscale jugée asphyxiante, ce dernier n’a pas manqué d’engager avec eux, un dialogue franc et sincère. En prélude à la préparation de la loi de Finances 2023, il a tenu à rencontrer le secteur privé à Douala pendant une semaine. L’objectif était de dissiper les malentendus entre les deux partenaires. «L’administration fiscale se considère comme l’un des premiers bénéficiaires des dividendes d’un secteur privé dynamique, fort et prospère. Certes, certaines incompréhensions ont pu apparaître au cours de ce long chemin. Pourrait-il en être autrement tant il est vrai que nos attentes peuvent parfois être contradictoires. Ces moments de désaccord ne sauraient faire long feu. Nous sommes appelés à cheminer main dans la main en vue de l’atteinte d’un objectif commun qui est de bâtir un Etat fiable et prospère », at-il indiqué au sortir de ces assises. Au terme des concertations avec les différents mouvements patronaux à Douala, le directeur général des impôts s’est imprégné des maux des entreprises relatifs à la fiscalité. Le premier a trait à la pression fiscale jugée asphyxiante. Les entreprises avouent payer l’impôt sur les sociétés qui équivalent à 40, 50 et 60% voire plus du bénéfice brut. Comme si cela ne suffisait pas, il est ressorti des échanges avec le secteur privé que « les entreprises en perte se retrouvent en train de payer l’impôt sur le bénéfice ».

D’autre part, l’obtention de l’attestation de non redevance (ANR) continue, malgré les aménagements effectués, de s’ériger en un obstacle à la poursuite des activités génératrices de revenus devant servir au paiement de l’impôt réclamé. Par conséquent, beaucoup d’entre elles se voient notifier des redressements fiscaux dépassant parfois leur chiffre d’affaires. Ce qui conduit certaines à mettre définitivement la clé sous le paillasson, avec à la clé, des sans-emplois. D’autant plus que pour beaucoup de chefs d’entreprises, « l’accès au contentieux fiscal requiert la mobilisation des fonds importants » selon le Groupement inter patronal du Cameroun (Gicam). Toute chose qui constitue un facteur de blocage pour celles notamment les PME qui n’en disposent pas.

Toujours au rang de ses réformes, il faut citer la collecte de la taxe sur la propriété foncière, le transfert de la collecte de la taxe d’aéroport aux compagnies aériennes, le couplage de la vignette automobile à l’assurance automobile, l’introduction du mobile money comme moyen de paiement de certains impôts, ou encore la digitalisation de certaines prestations. Des réformes qui ont eu le don de faciliter l’administration de l’impôt, de sécuriser les recettes, et de réduire le contact entre les agents du fisc et les contribuables, situation souvent porteuse de germes de la corruption. Ces performances, l’ancien conseiller en administration fiscale au Centre régional d’assistance technique pour l’Afrique de l’Ouest (Afritac Ouest) du FMI, d’où il est parti pour être propulsé à la tête de la DGI, les a aussi obtenues à force de témérité. Une témérité à toute épreuve affichée aussi bien devant les entreprises, parmi lesquelles les multinationales les plus puissantes du Cameroun, que sa hiérarchie, avec laquelle il a souvent été en désaccord sur certains dossiers.

Au regard donc de toutes ces prouesses, on comprend pourquoi le Fonds monétaire international (FMI) s’est de nouveau intéressé à son profil en raison de sa parfaite Maîtrise des rudiments macroéconomique et de la finance Internationale.

Source: Le journal Confidentiel