Les opérateurs économiques tchadiens qui débarquent et embarquent l'essentiel de leurs marchandises au port de Douala se disent étouffés par l'arnaque et les tracasseries multiformes. Et veulent se tourner vers l'Afrique de l'Ouest.
Une mission de N'Djamena vient de séjourner au Cameroun, en vue de rencontrer le nouveau directeur des douanes, indique une source introduite. Au centre des préoccupations, rechercher avec les autorités douanières du Cameroun des solutions aux misères que leurs transitaires rencontrent dans les opérations de dédouanement de leurs marchandises au port de Douala.
Et surtout aux interminables tracasseries policières et autres que les camions vivent sur le corridor Douala-Ndjamena. Les syndicats des transitaires du Cameroun, ulcérés par des pratiques peu orthodoxes dans toute la chaines de dédouanement et de transports des marchandises, avaient d'ailleurs saisi officiellement le directeur des douanes, depuis plusieurs mois :
«Nous sommes contraints de payer de lourdes amendes ou pénalités douanières lors du passage de nos véhicules transportant des marchandises, en transit pour la Cemac, au point de contrôle de Yassa, à la sortie de la ville de Douala. Ces amendes dont les montants respectifs sont de 100 000 Fcfa pour le passage hors délai et 500 000 Fcfa pour stationnement interdit, sont souvent combinées et il en résulte sans exagération un paiement global de 700 000 Fcfa par camion au passage si l'on ajoute 100 000 Fcfa d'amende payée aux contremaitres du Pad».
La même note précise que «le passage hors délai est systématiquement relevé par le service des douanes et une amende de 100 000 Fcfa est à payer chaque fois que le camion excède la période de 24 h qui court entre la fin des formalités de sortie du port de Douala et le passage au point de contrôle de Yassa (à la sortie Est de la capitale économique, ndlr). Or, il est connu de tous que ce court délai est difficile à tenir, et qu'il est même rare d'échapper à cette infraction, en raison de l'encombrement du port de Douala depuis quelques mois, du mauvais état des routes, des travaux de construction en cours et de gros embouteillages qui en résultent.».
Les transitaires tournent alors dans un cercle vicieux. Parce que ce sont les services des douanes qui créent les dysfonctionnements à l'origine des retards des camions du port. C'est encore les mêmes services qui exigent les pénalités. «Parce qu'ils ont intérêt à créer des dysfonctionnements pour imposer des pénalités, un véritable réseau d'arnaque organisée», remarque un transitaire, outré.
L'autre casse-tête des transitaires internationaux est la main levée de caution bancaire. Leurs syndicats estiment à plusieurs milliards Fcfa les montants coincés qu'ils ne peuvent récupérer, justement du fait de ces tracasseries minutieusement mises en place. Et nombreux sont ceux qui, asphyxiés, sont ruinés et ferment carrément boutique. Les transitaires qui font du transport en zone Cémac sont fatigués de demander qu'une enquête sérieuse soit menée sur ces différents trafics.
Mais manifestement, les enjeux financiers sont énormes. Et rien ne semblent bouger, au détriment des opérateurs économiques de ce secteur important de l'économie de la sous région. Et tous pointent du doigt le bureau n°3 du secteur l des douanes. Ici, personne ne veut aborder cette question avec un journaliste. L'autre chemin de croix, ce sont les points de contrôles, postes de péage systématique qui ne disent pas leur nom, qui parsèment ce corridor Douala-Ndjamena.
«N'eut été le phénomène de Boko Haram, dans le grand nord du Cameroun, l'option de retirer nos marchandises à partir du port de Cotonou au Benin, serait déjà mise en route», regrette un tchadien. Si le pays d'Idriss Deby Itno mettait à exécution cette menace, ses opérateurs économiques paieraient bien plus cher pour leurs marchandises à l'importation. Mais les entreprises camerounaises, elles, perdraient là un énorme marché des centaines de milliards. Avec des milliers d'emplois dans le vent.