Deux annonces fortes ont particulièrement retenu l’attention de l’opinion lors du dernier discours du Chef de l’Etat à la Nation, le 31 décembre 2015. Il s’agit notamment de la baisse des prix du carburant à la pompe et de la hausse des allocations familiales. Si la baisse de 20 et 25 Francs sur le litre du carburant est saluée par certains acteurs politiques et économiques, elle pose tout de même un certain nombre de problèmes, selon le fiscaliste camerounais, le Dr Pierre Alaka Alaka.
«Le budget a été voté en recettes et en dépenses mais le 31 décembre on nous dit que le carburant va baisser sans tenir compte des prévisions budgétaires qui avaient été faites. Ça fait une recette qu’on va diminuer au niveau de l’Etat et comment va-t-on la compenser ? Voilà tout le problème. Et d’autres parts ça n’a pas obéi au parallélisme des formes. La manière avec laquelle on avait augmenté le prix du carburant, c’est de cette façon qu’on devrait le diminuer.
Il ne revenait pas au chef de l’Etat de le faire. C’est la raison pour laquelle je dis que ce n’est pas une mesure sociale. C’est plutôt une annonce politique et de ce point de vue la mesure ne m’intéresse plus parce qu’elle ne peut avoir d’impact social.» A-t-il indiqué dans un entretien accordé à Val Tonga.
De plus, l’entrée en vigueur de la mesure dès le lendemain de l’annonce n’a pas respecté les procédures en la matière. A l’en croire, le message à la Nation du Chef de l’Etat «n’appartient pas à la catégorie des actes juridiques énumérés dans la pyramide des actes». «Il faut respecter les procédures. La mesure est effective sur le terrain mais elle est illégale.
» Soutient le fiscaliste qui voulait également que la décision du Chef de l’Etat soit accompagnée des diminutions des prix du transport. «Il y avait eu des mesures d’accompagnement lorsqu’on avait augmenté les prix du carburant. Quand on baisse les prix, il doit aussi avoir des mesures d’accompagnement. Et ce n’est qu’ainsi qu’on pourra dire que la mesure va dans l’intérêt des populations. Mais ça n’a pas été le cas. On avait augmenté de 100 Fcfa et on a baissé de 20 Fcfa.
Est-ce que le prix du transport pourra changer ?» S’interroge Alaka. «On devrait, ajoute-il, rentrer à la case départ, c’est-à-dire aux prix d’avant. Et à partir de ce prix on baisse donc de 20 Francs. C’est ce qui aurait dû être fait. On a augmenté le pétrole parce que le brut avait augmenté. Maintenant que le brut a baissé, on rentre à la case départ et on baisse le carburant. C’est une mesurette comme beaucoup ont dit».
Dr Alaka Alaka s’étonne aussi des chiffres «complètement ridicules» avancés par le Chef de l’Etat sur l’emploi: 337 660 emplois créés en 2015. «Est-ce que vous croyez qu’on a créé les 337 660 emplois en 2015 ? Je ne le sens pas.
Ce sont des chiffres que chaque ministre donne pour montrer qu’il a travaillé. Et c’est le ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi qui donne ce genre de chiffre. Il ne faut pas se fier au discours présidentiel qui est la mise en forme des informations qui lui parviennent des Ministères. Ce n’est pas Paul Biya qui rédige le discours.» Conclue l’expert en fiscalité.