Depuis la renationalisation complète de la Société d'énergie et d'eau du Gabon (Seeg) en février 2018, la situation de l'entreprise publique semble loin de s'améliorer. Alors que l'État gabonais justifiait cette reprise par la dégradation des services rendus aux usagers sous la gestion du groupe français Veolia, six ans plus tard, la Seeg fait face à des défis structurels majeurs et à des scandales récurrents qui la plongent dans une crise profonde.
Récemment, la Seeg s’est retrouvée au cœur de l’actualité, non seulement pour les délestages fréquents qui paralysent les activités commerciales et sanitaires du pays, mais aussi pour des accusations de détournements de fonds et de fraudes. L’un des derniers épisodes marquants concerne la société britannique Aggreko, gestionnaire de la centrale électrique d’Owendo, qui produit 30 % de l'électricité distribuée par la Seeg dans le Grand Libreville. Aggreko a menacé d’interrompre ses services en raison d’impayés s’élevant à près de 15 milliards de FCFA. Bien que le Premier ministre de la Transition, Raymond Ndong Sima, ait rassuré que cette dette serait réglée « dans les prochains mois », l’entreprise britannique a procédé à une réduction de la capacité de la centrale de 25 MW. Après plusieurs relances sans succès, la Seeg a finalement versé la moitié de la somme due le 22 août dernier, permettant à Aggreko de suspendre sa menace.
Les coupures d’électricité, qui affectent gravement le quotidien des Gabonais, s'expliquent également par des problèmes techniques. Selon la Seeg, l’indisponibilité de deux turbines à la centrale hydroélectrique de Tchimbélé, ainsi que la baisse du niveau d’eau des barrages de Kinguélé-Tchimbélé en période de saison sèche, limitent la production électrique. Ces défis viennent s’ajouter à ceux rencontrés dans l’approvisionnement en carburant des centrales thermiques, causant des interruptions régulières dans plusieurs régions du pays.
Outre ces difficultés opérationnelles, la Seeg fait face à un autre scandale majeur : un piratage de grande ampleur aurait révélé un détournement de fonds via des tickets Edan, des tickets prépayés d’électricité. Un réseau parallèle, impliquant des agents du service informatique de la Seeg, aurait exploité les failles de l'infrastructure pour détourner plusieurs milliards de FCFA. Sept personnes ont été placées en garde à vue à la suite de cette découverte. Face à cette situation, le Président de la Transition, Brice Oligui Nguema, a ordonné un audit exhaustif de l’entreprise pour identifier les responsables et les traduire en justice. Il a également mandaté une Taskforce pour enquêter sur les dysfonctionnements, les fraudes présumées et les décisions controversées prises par la direction actuelle, dirigée par Joël Lehmann Sandoungout depuis septembre 2023.
Ces scandales financiers et les investissements insuffisants ont lourdement impacté la situation économique de la Seeg. Au cours des deux dernières années, l’activité de production et de distribution d’électricité a diminué de 2,2 %, avec un chiffre d’affaires passant de 239,6 milliards de FCFA en 2022 à 234,9 milliards en 2023. Pendant ce temps, les investissements ont bondi de 23 à 41 milliards de FCFA, sans pour autant résoudre les problèmes d’approvisionnement en matériels de branchement et de modernisation des infrastructures.
Dans ses perspectives 2024-2025, le gabon prévoit de consolider le réseau de distribution d’eau et d’électricité, et d'augmenter la production d’électricité de 22 %, atteignant ainsi 2 924 GWh. Cette ambition repose sur plusieurs projets phares du Plan national de développement pour la transition (PNDT), notamment la construction d’une ligne électrique de 90 kV entre Fougamou et Mouila, ainsi que la réhabilitation de la ligne électrique Oyem-Mitzic.