Une session extraordinaire du conseil d?administration de la Société de développement du coton est convoquée pour le lundi, 20 juin 2016, à Yaoundé. «Rien n’est inscrit à l’ordre du jour. Il a même été demandé aux techniciens de l’entreprise, d’habitude invités pour apporter des clarifications lors des sessions ordinaires, de rester sur place à Garoua. Il s’agira de clarifier une situation très inquiétante», explique une source introduite à la présidence de la République.
C’est que, cette session extraordinaire survient après l’annulation par la Présidence, il y a quelques jours, de la session ordinaire du conseil d?administration initialement prévue pour le 15 juin 2016 dans la capitale camerounaise. Une décision qui avait alors plongé l’entreprise dans le brouillard et semé la panique aussi bien chez les partenaires financiers de l’entreprise cotonnière que les employés et les 350.000 cotonculteurs.
«Après l’armée, la seconde entité sur le front de la guerre contre Boko Haram est la Sodecoton. Elle est la seule entreprise à occuper des milliers de jeunes, à leur offrir une petite fenêtre d’espoir et à perdre en moyenne par an, 400 millions Fcfa du fait de l’insécurité à l’Extrême-Nord.
Elle est enrhumée, et si elle ne reçoit pas très rapidement une thérapie de choc, la région va s’en trouver affectée durablement», explique un député Rdpc de la Bénoué. En effet, malgré les difficultés structurelles qui plombent la bonne marche de l’entreprise - près de 29,5 milliards de Fcfa de pertes cumulées en deux ans pour un capital de 23 milliards de Fcfa -, peu d’observateurs pensent à une liquidation ou une privatisation de l’entreprise. Celle-ci occupe une place trop importante aujourd’hui dans la stabilité de cette partie du pays pour être confiée à des privés.
«C’est une société qui remplit des missions de développement. Est-ce qu’un privé va le faire ? Non. Geocoton, contrairement à ce que l’on peut penser, n’appartient plus à l’Etat français depuis la privatisation de Dagris. Il est contrôlé par un Franco-Libanais du nom de Zaher. Franchement, ce qui l’intéresse aujourd’hui, c’est de faire du bénéfice. Idem pour Baba Danpoulo de la Smic qui est mécontent de ne plus recevoir des dividendes. C’est d’ailleurs pourquoi les deux actionnaires privés ont uni leurs forces contre la direction actuelle. En avril 2016, en l’espace de quatre jours, les deux «complices» ont pondu un pamphlet contre le management de l’actuelle direction générale.
L’Etat ne peut pas penser que c’est en se débarrassant de ses parts et donc, en fuyant ses responsabilités, que ce moteur de développement des régions septentrionales va retrouver son bon régime», fulmine Oumarou Bouba, un retraité installé à Maroua. Que peut faire le gouvernement ? Trouver un mécanisme pour réinjecter des fonds dans l’entreprise. Combien ? «Il faut au moins 50 milliards de Fcfa pour relever l’entreprise. Elle a besoin en urgence de deux usines d’égrenage qui valent près de 14 milliards de Fcfa, d’une huilerie qu’il faut chercher aussi dans les 14 milliards de Fcfa et d’une cinquantaine de camions qui devraient aspirer 5 milliards de Fcfa environ.
A quoi il faut ajouter au moins 10 milliards de Fcfa de fonds de roulement. Ainsi dopée, l’entreprise pourrait utilement traiter la production de coton-graine, qui, pour cette campagne, est estimée à 295.000 tonnes. C’est un problème structurel. Le management actuel n’est certes pas parfait, mais personne ne pourra faire mieux si ces investissements ne sont pas réalisés», reconnaît une source introduite à la Sodecoton. Le gouvernement en a-t-il les moyens ? En a-t-il même la volonté ?
MANOEUVRES
Pour l’heure, les grandes manoeuvres se concentrent autour du top management de l’entreprise. Profitant des difficultés structurelles de la boite, plusieurs loups tournent autour de la proie pour imposer au gouvernement «l’oiseau rare». Le nom du loup le plus fort, régulièrement cité dans les coulisses du pouvoir, est celui du lamido de Rey-Bouba, Aboubakary Abdoulaye. Ex-soutien de l’actuel directeur général Abdou Namba, celui-ci, sans que l’on ne sache trop pourquoi, a retourné sa veste.
Fort de ses casquettes de premier vice-président du Sénat, de membre du bureau politique du Rdpc, de patron Rdpc de la région du Nord et davantage de ses entrées au secretariat général de la présidence de la République, le monarque pourrait tirer, à l’issue du conseil d?administration extraordinaire du 20 juin prochain, le gros lot.