Sylvain Souop analyse le rapport 'Doing business'

Doing Business 2015 Photo d'archive utilisée juste à titre d`illustration

Tue, 3 Nov 2015 Source: camer.be

Le dernier classement du « doing business » consacre une régression de 4 places du Cameroun. Sur un plan général qu’est-ce qui selon vous explique ce nouveau recul ?

En réalité, cette reculade traduit simplement soit le peu de cas ou l'indifférence dont font montrent nos gouvernants à l'égard de ce classement, ce qui voudrait dire que les mesures prises jusqu'ici pour améliorer le classement du Cameroun ne sont que des produits cosmétiques pour faire bonne figure, soit l'incomplétude et l'inconsistance d'une politique qui requiert un supplément de dynamisme et d'audace pour desserrer les noeuds qui étranglent le climat des affaires chez nous. Pour ne citer qu'un exemple, nombre de solutions proposées au cours des nombreuses rencontres du Cameroun Business Forum et autres comités de compétitivité ne sont pas traduites en actions concrètes.

On croyait pourtant le Cameroun engagé dans une série de réformes visant à améliorer le climat des affaires mais les résultats se font attendre ? L'attente risque d'être encore bien longue dès lors que la réactivité des pouvoirs publics est comme dirait quelqu'un noyée dans une inertie qui confine au sabotage.

C'est à se demander si ceux qui ont en charge notre destin national prennent la réelle mesure de la situation. Il est pour le moins étonnant qu'un pays comme le Cameroun qui détient plus de la moitié du PIB de la CEMAC et qui est supposé être le leader de la sous région en soit encore à prendre des mesures qui existent depuis longtemps sous d'autres cieux pour par exemple raccourcir les délais de délivrance du registre du commerce ou du titre foncier.

On pourrait encore citer les reformes qu'on aurait dû voir l'Etat prendre à la suite de la révision du droit OHADA des sociétés commerciales. A cet égard, on se serait attendu que comme au Bénin ou au Sénégal, que le Cameroun prenne un texte pour réduire le capital social minimum des SARL ou permettre que la constitution des sociétés commerciales puisse se faire par actes sous seing privés au lieu de l'enfermer dans le carcan de l'acte notarié qui n'apporte aucune valeur ajoutée à la validité des statuts d’une société commerciale. Par ailleurs, l'exemple du Gabon nous parle.

Dans ce pays, au delà de ce qu'on pourrait trouver à redire sur la légitimité de son Président, il n'en demeure pas moins que le dynamisme de sa politique réformatrice a permis de créer en peu temps des pôles économiques qui n'existaient pas avant. Que dire de la Côte d'Ivoire où le succès des reformes force l'admiration.

Sur le plan de l’exécution des contrats ce classement établi qu’il faut encore en moyenne 800 jours pour régler un litige commercial ça reste un délai assez long ?

Cette moyenne n'est pas loin de la réalité. Nous sommes dans un pays où le secteur privé fait tous les jours ses preuves dans la création de la richesse nationale. Paradoxalement, certaines administrations continuent de considérer ce secteur privé avec mépris voire comme un adversaire contre qui toutes les barrières doivent être érigées pour l'empêcher de se développer. L'actuel Ministre des Finances fait preuve de volonté et pragmatisme dans le traitement des difficultés rencontrées par les hommes d'affaires qui sont en prise avec ses services fiscaux ou douaniers. Seulement, sa seule volonté ne saurait suffire face à une administration vindicative dont les acteurs ont du mal à se remettre en cause et à s'arrimer aux réalités du monde des affaires.

S'agissant du secteur de la justice, le mal semble plus profond encore. En principe, il appartient au juge de dire le droit en cas de litige contractuel opposant des partenaires d'affaires. Cependant, la justice économique n'est pas réellement en oeuvre au Cameroun où on a vu l'Etat refuser la création des chambres consulaires tenues par les hommes d'affaires. Par ailleurs, les lenteurs dans la solution des litiges contractuels ou commerciaux procèdent non seulement du déficit de connaissances des hommes de droit (juges, avocats, notaires) en matière contractuelle, de droit des affaires ou des procédures simplifiées de recouvrement, mais aussi de la corruption rampante qui innerve le monde judiciaire.

Quelles mesures doivent être prises selon vous pour améliorer la gestion des litiges commerciaux au Cameroun ?

Depuis de nombreuses années, les solutions sont connues. Elles ont été proposées mais c'est leur mise en oeuvre qui traîne. Au rang de ces mesures, on pourrait citer la réduction de l'ignorance des professionnels du droit par la spécialisation des magistrats en matière financière, économique et contractuel (justice commerciale, parquet et juges d'instruction financiers), ce qui implique la refonte du programme de formation tant à l'université qu'à l'ENAM et dans les conférences de stage des avocats, la formation continue des magistrats et des fonctionnaires de la chaîne de justice économique, la confrontation des expériences...

On devrait pouvoir également envisager la réorganisation et le rééquipement du greffe en charge du RCCM (Registre de Commerce et du Crédit Mobilier). Bien entendu, on ne saurait terminer sans parler de la lutte acharnée contre la corruption en milieu judiciaire qui est devenue une véritable pandémie contagieuse que d'aucuns (magistrats et avocats) ont érigé en mode de vie.

Source: camer.be