Trafic illicite du bois: le Cameroun perd plus de 237 milliards Fcfa par an

C’est le rapport qu’a commis le Centre pour l’environnement et le développement (CED)

Fri, 5 Nov 2021 Source: L'oeil du Sahel

«Bois volé, temps souillés». C’est le rapport qu’a commis le Centre pour l’environnement et le développement (CED), pour décrier les conséquences néfastes du commerce du bois entre le Cameroun et le Vietnam sur les populations et les forêts camerounaises. Le rapport, qui est un recueil de près de 36 pages, aborde en 6 points cruciaux, les aspects du problème au Cameroun. De la relation de bois entre le Cameroun et le Vietnam aux conclusions et recommandations en passant par la destruction des forêts, la détérioration de l’économie et l’exploitation et le préjudice causé aux populations, cette enquête du CED et de l’Environnemental Investigation Agency (EIA) met à nu le fait, qu’un groupe de société vietnamienne opérant au Cameroun est au cœur de l’essor du commerce illégal du bois entre le Cameroun et le Vietnam.

Nous nous appesantirons sur l’aspect économique de ce rapport qui est crucial. Le Vietnam est devenu une destination importante pour le bois camerounais, en particulier les grumes. En 2017 et 2018, la valeur moyenne des exportations du pays était de 21 % de tout le bois exporté hors du Cameroun. La demande accrue des Vietnamiens — et celle des Chinois — pour les grumes du Cameroun, en particulier, le Tali et le Doussié, a contribué à un grand changement du profil des exportations du Cameroun. Ce changement a ramené le pays à son statut d’exportateur de matières premières d’il y a vingt ans. On dénombre 19 sociétés vietnamiennes de commerce de bois opérant actuellement au Cameroun. Ces sociétés sont les principaux opérateurs à l’origine de l’essor du commerce du bois entre le Cameroun et le Vietnam. Elles se trouvent, en majorité, aux alentours du port de Douala, pour des raisons logistiques. Une société vietnamienne typique de premier rang établie au Cameroun exporte généralement un minimum de 2 500 grumes par mois, soit un total de 30 000 à 40 000 mètres cubes de grumes commercialisées en moyenne par an.

VIOLATION DE LA LOI

Selon les estimations d’EIA, 132 000 m3 de grumes, au minimum, ont été exportés du Cameroun vers le Vietnam en violation de l’interdiction partielle d’exportation de grumes entre janvier 2016 et juillet 2020. Les chiffres donnent froid dans le dos : 84 000 m3 de Doussie pour 40,2 millions de dollars ; 16 900 m3 de Mukulungu (Autranella congolensis) d’une valeur de 5,7 millions de dollars US ; 15 000 m3 de sapelli (Entandrophragma cylindricum) d’une valeur de 6,6 millions de dollars US ; 6 000 m3 de padouk (Pterocarpus soyauxii) d’une valeur de 2,1 millions de dollars et 3 900 m3 de movingui (Distemonanthus benthamianus Baill) d’une valeur de 900 000 dollars US. Ce flux illégal représente un total de 58 millions de dollars US, soit 11 % du volume total de grumes exportées vers le Vietnam (13 % de la valeur totale). Ces volumes et valeurs de grumes non autorisées à l’exportation depuis le Cameroun ont été enregistrés par la douane vietnamienne comme des importations du Cameroun.

La tendance à l’exportation centrée sur les grumes est particulièrement manifeste au port de Kribi où des milliers de grumes sont empilés tout au long de l’année bien avant l’exportation. Entre 2015 et 2018, la valeur des importations de bois du Cameroun au Vietnam s’élevait à 82,2 % de grumes et seulement 17,7 % de produits transformés. Les registres officiels révèlent que ce commerce est massivement sous-déclaré du côté camerounais. Il existe un écart important entre la valeur des produits dérivés que le Cameroun déclare comme étant exporté vers le Vietnam, et celle que le Vietnam déclare comme étant importé du Cameroun. Cet écart est particulièrement frappant pour le commerce des grumes.

420 MILLIONS DOLLARS US

Entre janvier 2009 et décembre 2017, l’écart total s’élevait à 420 millions de dollars (soit 356 millions de dollars US pour les grumes et 63 millions de dollars US pour les produits transformés). La valeur de l’écart s’est non seulement accrue presque chaque année, mais la proportion de la valeur a aussi été faussement déclarée (de 36 % en 2009 à 54 % en 2017, avec une moyenne annuelle de 41 %). L’écart, qui s’élevait en moyenne à 90 millions de dollars US par an entre 2015 et 2017, indique une énorme perte de recettes fiscales pour le Cameroun.

Entre 2014 et 2017, les exportateurs du Cameroun ont déclaré 308 millions de dollars US de moins que les importateurs du Vietnam. Chaque semaine, un montant en argent comptant de 50 millions de francs CFA est transféré du Vietnam vers le Cameroun soit plus de 100 000 € pour acquérir du bois d’origine illégale et non durable, mais aussi pour éviter de payer les impôts. Et ceci dure depuis une décennie.

Source: L'oeil du Sahel