Des compagnies minières de seconde main exploitent le sous-sol camerounais de manière scandaleuse: des concessions sont accordées sans véritable enquête, pas de capacités d’investissements propres, leurs succursales camerounaises ne font jamais de bénéfices, mais les sociétés mères immatriculées dans les paradis fiscaux en font.
Ce qui crée une perte énorme pour le fisc camerounais. C’est ce qui ressort d’une enquête menée par David Beylard sur cinq minières au Cameroun. Un dossier paru dans le magazine Les Afriques. Incompétence ou Complicité des autorités ?
Il aura fallu quasiment une année pour que le gouvernement camerounais, par le biais de M. Badel Ndanga Ndinga, ministre des mines, de l’industrie et du développement technologique en 2010 , daigne reconnaitre et confirmer une information publiée dès le 11 mai 2008 par l’agence Cyrcom News selon laquelle le Cameroun disposait d’une réserve en diamants, cinq fois équivalente à la production mondiale ; mais surtout qu’une compagnie coréenne, la C&K Mining était détentrice depuis 2007 du permis d’exploitation de ces réserves localisées à Mobilong et Limokoali, deux localités du département de la Boumba et Ngoko dans la région de l’Est du Cameroun.
Une confirmation venue, du bout des lèvres, par le ministre lors de l’ouverture mercredi 27 mai 2009 à Yaoundé du premier forum minier du Cameroun et au cours duquel Badel Ndanga Ndinga a « botté en touche » les allégations du patron du consortium coréen qui affirmait que le Cameroun et la Corée ne se répartiraient que 20% des revenus.
Pour l’ancien ministre des Mines: « la société C&K Mining est bénéficiaire d’un permis d’exploration dans cette zone. De l’annonce qui a été faite à la réalité, il y’a encore un long chemin à parcourir. Dans cette information qui a été relayée et que j’ai lue, il y’a aussi un peu d’intoxication, parce qu’on a parlé de la répartition de 20%.
Ce qui est complètement faux. La société C&K Mining n’est qu’à la phase de recherche, de prospection » et d’ajouter que le chef de l’Etat n’a pas encore signé le décret autorisant formellement l’exploitation. Cette apparente désinvolture et ce flou dans le propos ministériel ne sont que le reflet de la gestion par les autorités camerounaises des richesses minières dont regorge le Cameroun.
Et l’illustration a été faite par l’excellent travail minutieux et exceptionnel d’enquête et de recherche effectué pour le journal Les Afriques, par David Beylard, un expert du secteur minier africain, et qui, détails et preuves à l’appui, démontre que l’exploitation minière au Cameroun, son terrain d’expérimentation et d’étude est une nébuleuse indescriptible.
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Et pourtant dit-il, avec son sous-sol qui aurait une valeur financière de 46 200 Mds de dollars, soit 13 fois le revenu annuel de la Chine, l’Afrique pourrait être une des premières puissances mondiales.
Inoni, Marafa, Abah Abah, Oyono étaient les négociateurs de ces marchés
Il apparaît ainsi que le Cameroun s’est seulement doté le 25 janvier 2008 d’un cadre organisationnel pour faire émerger une stratégie en matière de gestion des ressources naturelles, alors qu’il accordait déjà dès 2007, des permis de prospection, d’exploration et d’exploitation de gisements miniers – et non pas des moindres- à cinq (5) compagnies minières, baptisées dans le milieu de « juniors » parce que inconnues et ignorées de marchés financiers internationaux et des analystes.
Ces compagnies « juniors » sont la Geovic Mining Corporation (américano-canadienne), African Aura Resources Limited (britannique), Hydromine Inc (américaine !?), Sundance Resources Ltd (australienne) et Mega Uranium Limited (canadienne). Ce qui intrigue le monde financier et des mines est de savoir comment et pourquoi de si petites compagnies et pour la plupart inconnues dans le secteur minier ont pu « s’emparer » ainsi de quasiment 90% du sous-sol minier du Cameroun ?
La réponse, selon l’auteur de l’enquête, David Beylard, est à chercher auprès d’Ephraïm Inoni (Premier ministre), Marafa Hamidou Yaya (Minatd), Polycarpe Abah Abah (ex. Minefi) et Dieudonné Oyono (alors en charge du programme national de gouvernance du Cameroun, PNGC). Ce sont ces personnalités qui furent habilités à discuter et négocier avec des exploitants miniers aux Etats-Unis en 2007. Un autre personnage est dans le décor ; il s’agit de l’ex-ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, Niels Marquardt.
C’est lui qui engagea dès 2005 de nombreuses discussions avec le président Paul Biya en vue de l’exploitation des gisements de matières premières et de pétrole du Cameroun par des opérateurs américains.
C’est ainsi que durant l’été 2007, le Premier ministre Inoni Ephraïm effectua un voyage aux Etats-Unis en compagnie de Marafa Hamidou Yaya, Polycarpe Abah Abah, Dieudonné Oyono et deux autres personnes pour engager des négociations avec des opérateurs. À la grande surprise de bien de monde, l’ambassadeur américain leur présenta plutôt des « petits joueurs » du secteur. Et la question demeure : pourquoi ceux-là ?
Les omissions de l’ex-ministre Ndanga Ndinga
Toute personne sérieuse vous dira que cela sent l’arnaque à plein nez et c’est aussi la conclusion de l’expert David Beylard. Les cinq compagnies sont toutes immatriculées dans des paradis fiscaux : Geovic et Hydomine Inc dans le Delaware aux Etats-Unis ; African Aura Resources Lmited dans les ïles vierges britanniques (elle est celle qui a la structure la plus complexe, nous y reviendrons plus loin) ; ainsi que la Mega Unranium Limited (du moins une de ses sociétés-écrans). Seule la Sundance Resources Ltd est la plus « claire ».
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Immatriculée à Perth en Australie, elle a pignon sur rue. Si le mot « arnaque »est utilisé chaque fois que l’on parle d’exploitation minière au Cameroun, c’est essentiellement parce que le Cameroun n’en tire pas les bénéfices qu’il pourrait et devrait. Et pour s’en convaincre, il suffit de d’examiner les résultats auxquels est parvenu David Beylard.
Le cas de la Geovic Mining Corporation. Cette société qui détient 60% de Geovic Cameroun PLC via une société écran immatriculée aux îles Caïman gère les droits exclusifs d’une concession qui lui a été attribuée et qui s’étend à plus de 1250 kilomètre carré, couvrant l’ensemble de la région de Nkamouna, très riche en gisements de nickel-cobalt et de nickel-manganèse, recensée aujourd’hui comme les plus importants gisements mondiaux de cobalt primaire non exploité.
Ces minerais servent surtout pour les batteries destinées à la fabrication des véhicules électriques hybrides. En mai 2007, GeoCam a reçu de la part des autorités camerounaises un certificat de conformité pour l’évaluation d’une étude d’impact environnementale et sociale et un permis d’exploitation des gisements d’eau a aussi été délivré à Géovic en janvier 2008. Il semble que le gouvernement camerounais considère le projet de GeoCam comme une entreprise stratégique ; c’est pourquoi il lui a été offert plus de 50% de réduction de taxes d’exploitation et diverses incitations.
Dès réception d’un bail foncier que requiert le gouvernement pour les terres perturbées, GeoCam aura toutes les autorisations nécessaires pour construire et exploiter le projet des gisements de Nkamouna. Alors que Geovic Cameroun représente 80% des actifs financiers patrimoniaux des valeurs de Geovic Mining Corporation, il est désolant de voir que la maison-mère, Geovic Mining Corporation, occupe une position dominante de donneur d’ordre au sein de sa filiale Geovic Cameroun, et confine celle-ci dans un rôle de supplétif et de receveur d’ordre.
Et ainsi par ce montage complexe, l’Etat camerounais est exclu du (vrai) conseil d’administration de l’entreprise. Il n’a aucun droit de regard, ni sur la stratégie de l’entreprise, ni sur l’identité de ses propriétaires ou de ses alliés, ni sur ses moyens, ni sur ses objectifs. Et pourtant, Geovic Cameroun PLC compte tout de même des camerounais dans son team managérial : Ambroise Ondoa Onana, Pierre-Marie Noah ou encore Anita Efoua Mbozo’o.
La compagnie African Aura Resources Limited est la plus complexe de toutes. Elle a créé au Cameroun, en 2006, quatre SARL qu’elle contrôle à 100% à partir de Londres, des îles Vierges britannique et de la Bourse de Toronto. Il s’agit de la Cameroon SARL, créée le 22 mai 2006, de Caminex SARL, créée le 16 mai 2006 (cette société gère le permis d’exploration de fer de Djoum et les gisements de Nkout), de la Caminur, créée le 18 mai 2006, à ce jour, inactive, et enfin de Ridgeway Energy Cameroun SARL, créée le 14 mai 2006, qu’elle contrôle à 70%.
Aucun Camerounais n’est présent dans la gouvernance de cette société mais elle a néanmoins obtenu globalement, un portefeuille de concessions minières qui totalise une superficie de plus de 7450 km2 : entre autres un gisement d’or qui s’étend sur plus de 1995 km2 du côté de Djoum, le diamant exploité depuis 2006 à Kambele, le fer à Nkout, l’uranium à Tcholliré. La part camerounaise d’African Aura Resources Limited représente l’essentiel des actifs financiers patrimoniaux de cette société qui ne compte aucun Camerounais parmi ses décideurs.
Tout comme avec Géovic, dans la stratégie d’African Aura Resources Limited, le Cameroun n’a aucun droit de regard, ni sur la stratégie de l’entreprise, ni sur l’identité de ses propriétaires ou de ses alliés, ni sur leurs moyens, intentions et objectifs. Et tout ce désordre se poursuit jusqu’alors dans les mines camerounaises avec l’actuel ministre Ernest Gbwaboubou surtout avec la société CEO. Prochainement, le grand déballage sur cette gestion scabreuse des ressources naturelles camerounais.
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