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Mésintelligence: l’ADG de Sitrafer accuse le DG de Camrail de faux et usage de faux

Les adversaires se rendent désormais coup pour coup

Mer., 29 Sept. 2021 Source: Kalara

Un conflit d’affaires né d’une mésentente autour d’un marché public dérive vers une action pénale. Au cœur du nouveau front de bataille entre les associés d’hier, l’usage de plusieurs documents suspectés de faux dans la bataille initiale afin de bloquer le procès. Les adversaires se rendent désormais coup pour coup.

M Jacques Bimaï, l’administrateur directeur général (ADG) de la Société internationale des Travaux ferroviaires (Sitrafer)-est très remonté contre M. Pascal Miny, le directeur général (DG) de la société Camrail SA, concessionnaire du transport ferroviaire au Cameroun. L’homme d’affaires camerounais l’a fait savoir le 21 septembre dernier au cours d’un point de presse donné à Douala.

En fait, M. Bimaï a dénoncé publiquement des crocs-en-jambe dont il se dit victime de la part du dirigeant de l’entreprise nationale de transport ferroviaire. En conflit ouvert avec Camrail depuis quelques années, Sitrafer avait porté leur différend devant la justice en 2020. M. Bimaï accuse le DG de Camrail d’avoir organisé des démarches «dilatoires» sur la base de faux actes et de mensonges, afin de bloquer le procès.

C’est ce qui semble pousser l’ADG de Sitrafer à s’en prendre désormais ouvertement au DG de Camrail et à certains de ses complices supposés, qu’il traîne aussi en justice. Le faux, aujourd’hui reproché à M. Pascal Miny et à ses complices supposés, viserait à empêcher à” M. Bimaï d’ester en justice contre Camrail. C’est ce que soutient fermement le dénonciateur.

Sitrafer et son promoteur avaient en effet obtenu, en janvier 2020, à la veille de la saisine de la justice contre Camrail SA, une assistance judiciaire les exemptant de payer des frais judiciaires importants, compte-tenu de l’ampleur financière des dommages que M. Bimaï et son entreprise disent avoir subis de la part de leur adversaire et pour lesquels ils sollicitent réparation.

Les dommages allégués sont estimés à 20 milliards de francs. Or, M. Bimaï et Sitrafer estiment avoir été plongés par Camrail SA dans une relative impécuniosité, qui les a obligés à solliciter l’assistance judiciaire.

Dans une plainte déposée le 4 juin 2021 à la division régionale de la Police judiciaire (DRPJ) du Littoral, M. Bimaï écrit que dans le but «de faire annuler cette assistance judiciaire, M. Miny Pascal, ses conseils et autres acolytes ont ourdi un complot machiavélique […] mettant à contribution tout un réseau de faux titres fonciers au niveau des conservateurs fonciers de Yabassi et de Kribi, d’une part, et on fait des déclaration mensongères pour tromper l’a vigilance du tribunal, d’autre part.

Les mis en cause sont allés plus loin en attribuant faussement des actions à [M.] Jacques Bimaï dans une société nationale tunisienne (Sotrafer), entreprise pourtant en relation commerciale avec Camrail». C’est la raison de son courroux. Courroux qui le pousse à tout étaler désormais sur la place publique.

Faux titres fonciers

Le dossier remis aux journalistes à l’occasion du point de presse a déjà évoqué, outre la plainte déposée à la DROJ du Littoral, des copies de deux titres fonciers établis dans les conservations foncières de Yabassi (N°732/NK au lieu-dit Nkolmbong) et de Kribi (N°0074/0 au lieu-dit Talla), qui laissent croire, dans chaque cas, que M. Bimaï en serait au moins l’un des propriétaires.

Sauf que, sur la base d’une vérification initiée par le promoteur de Sitrafer, le conservateur foncier de l’Océan, M. Christian Emmanuel Nna Aleme, est formel sur le fait que «le titre foncier N° 0074/0céan n’existe pas».

Par contre, précise-t-il dans une correspondance datée du 11 juin 2021, «l’immeuble urbain immatriculé sous le N°74 au volume 01, folio 74, situé à Kribi, quartier Ngoyé, d’une contenance superficielle de 2.245 m2 […], appartient en toute propriété au nommé Ebongue Henri, fonctionnaire des douanes».

La situation est quasi identique du côté de Yabassi, où il apparaît que le titre foncier N° 732 d’un terrain vaste de plus de 10 hectares, est la propriété de «la famille Matoum représentée par Manimben Samuel Rochelos et consorts».

Et le bordereau analytique document qui retrace l’existence de ce titre foncier donne plus de détails sur les propriétaires, les nommés Manimben Samuel Rochelos, Iloga Charles Noël et Bimaï Jacques Samuel, y étant cités.

Mais ce dernier, Bimaï Jacques Samuel, n’est que l’homonyme imparfait du patron de Sitrafer (qui ne se prénomme pas Samuel), du reste sans aucun lien de parenté entre les deux personnes, au regard des éléments de filiation qui apparaissent sur les copies de leurs pièces d’identité, mises à la disposition des journalistes.

A Yabassi, d’ailleurs, le tribunal s’y était rendu pour effectuer lui-même ce constat déroutant. Et le conservateur foncier, pour des raisons qu’on ignore, a longtemps fait mystère de la filiation du prénommé Jacques Samuel, entretenant ainsi le doute.

Selon des sources dignes de foi, la plainte déposée par M. Bimaï à la police judiciaire a fait du chemin, mettant à nu l’implication présumée du DG de Camrail SA et des personnes agissant en sa faveur dans la collecte, voire la fabrication de tous les documents qui sont aujourd’hui publiquement argués de faux.

Hormis le DG de Camrail, la plainte de l’ADG de Sitrafer vise nommément les deux avocats du transporteur ferroviaire, Me Benoîte Carine Atangana et Me Zangue Serges, mais aussi un certain Ngenkam Wansi, présenté comme détective privé, qui est suspecté d’avoir fabriqué les faux documents au centre de l’enquête.

Les avocats, pour leur part, sont concernés par la plainte parce qu’ils auraient, dans leurs diverses plaidoiries, fait usage des documents suspectés de faux tout en attribuant à M. Jacques Bimaï des biens que ce dernier ne reconnaît pas. Toutes ces personnes sont suspectées de «faux et usage de faux en écritures publiques» et de «déclarations mensongères».

Les conflits judiciaires entre Sitrafer et Camrail SA ont démarré par une assignation introduite par M. Jacques Bimaï, le 7 février 2020, devant la chambre civile du Tribunal de grande instance (TGI) du Wouri. Mais, parallèlement, une autre bataille naîtra entre les deux parties devant la Commission d’assistance judiciaire.

En fait, au regard des sommes importantes à mobiliser pour se faire rendre justice, Sitrafer avait sollicité et obtenu une assistance judiciaire. C’est une facilité à laquelle Camrail SA s’était opposée, arguant que ses adversaires avaient les moyens de supporter le coût des procédures judiciaires qui les oppose. Une opposition au cours de laquelle les documents argués de faux ont fait leur apparition…

Zone de turbulence…

Pour bien comprendre ce conflit qui dégénère en de nombreuses procédures judiciaires, il faut remonter la relation d’affaires qui lie les deux entreprises depuis bientôt 20 ans. Concessionnaire de l’activité ferroviaire au Cameroun depuis avril 1999, Camrail avait décidé en fin 2001 de faire de Sitrafer son unique partenaire dans la maintenance du réseau ferroviaire national.

Née des cendres d’un groupement d’intérêt économique dénommé «Nouvelle dynamique ferroviaire» dont les prestations donnaient pleine satisfaction aux dirigeants de Camrail de cette époque, Sitrafer signait avec Camrail SA un premier contrat de gré à gré le 20 décembre 2001, qui fut reconduit plusieurs fois jusqu’en décembre 2011, traduisant la qualité de la relation entre les deux entreprises.

La situation de monopole de Sitrafer dans l’entretien du réseau ferroviaire va connaître un terme en 2011. La nouvelle équipe dirigeante de Camrail SA, arrivée aux commandes de l’entreprise deux ans plus tôt, décide en fait d’ouvrir le marché de l’entretien des voies ferrées à. d’autres entreprises.

Avec les 400 employés qui émargeaient au moment des faits au sein de Sitrafer, l’entreprise va connaître une énorme secousse du fait du rétrécissement de son champ d’activités qui induit une baisse drastique de son chiffre d’affaires : de 2 milliards de francs au moment du pic de ses activités, l’entreprise se retrouve avec moins de 300 millions de francs encaissés à l’année. Sitrafer entre ainsi en zone de turbulence…

Deux ans avant le terme du monopole dont Sitrafer jouissait auprès de Camrail, soit en octobre 2009, la société dirigée par M. Jacques Bimaï a signé un important marché avec son partenaire pour des travaux de consolidation d’urgence de la voie ferrée entre Bonaberi, près de Douala, et Souza, dans le Moungo. La prestation est estimée à quelque 300 millions de francs. Mais ces travaux ne seront pas exécutés. Pour Sitrafer, la faute incombe, à Camrail SA, qui n’a jamais délivré «l’ordre de service pour le démarrage des travaux».

En plus, les dirigeants de Camrail sont accusés d’avoir profité de leur position d’acteur dominant du secteur du transport ferroviaire au Cameroun pour organiser la faillite de Sitrafer en compromettant son développement. C’est le cœur du procès civil qui oppose les parties, et qui revient le 8 novembre prochain.

En face, Camrail explique par la voix de son avocat, Maître Serges Martin Zangue, que «l’exécution de ce marché était subordonnée au déguerpissement” préalable par l’Etat des riverains qui occupent jusqu’à présent ce tronçon de la voie ferrée. Sitrafer a elle-même tenté d’obtenir ce déguerpissement par -diverses démarches auprès de qui de droit, sans succès».

En 2017, soit 8 ans après la passation du marché, Camrail a décidé de récupérer l’avance de démarrage d’un peu plus de 50 millions de francs octroyé au prestataire. Ce sera fait en 2018, ce qui est synonyme d’annulation du marché, en dépit des protestations de Sitrafer qui se plaint d’une multitude de préjudices subis de ce fait, dont il évalue l’impact négatif à 20 milliards de francs. Probablement la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ce feuilleton judiciaire, , en tout cas, est loin d’avoir livré tous ses secrets.

Source: Kalara