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Agriculture au Cameroun : Résilience face à la pénurie et la cherté des engrais

Des Tonnes D’engrais Des engrais toujours chers

Mer., 3 Août 2022 Source: Le Jour N° 3723 du 02-08-22

En ce début de la période de récoltes, les agriculteurs de l’Ouest tiennent encore le bon bout, malgré les difficultés d’approvisionnement en intrants. Samedi, 30 juillet 2022, marché de Mbouda. Les pluies de saison ont laissé place à un léger soleil qui rend les échanges fluides. Ça circule sans bouchon. Peu après 14h, le rayon des céréales, situé à l’une des entrées, vit comme une torpeur. Depuis le matin, seuls deux camions sont venus ramasser quelques sacs de maïs, pour compléter leur chargement avant d’aller à Douala. Les chargeurs semblent s’ennuyer. Rien à voir avec le charivari souvent observé en ces lieux, à la même période.

Dans les agences de voyage, c’est le même calme. Il n’y a point ces amoncellements de sacs de nourriture, qu’on trouve régulièrement en ces lieux, en dehors des traditionnels sacs d’avocat. La nourriture est-elle finie à Mbouda ? « Le maïs sort [arrive au marché en quantités] », nous rassure Arthur Etienne Tchinda, un négociant. Ce samedi, peu

de cultivateurs sont venus vendre leur production. « Ce n’est pas un problème de production. Le problème à l’heure actuelle, c’est que les prix sont bas », tente-t-il d’expliquer.

En effet, le filet de maïs (ancien stock) d’environ 170kg coûte 34.000F depuis une semaine, au lieu de

42.000F à la même période l’année dernière. De quoi ne pas attirer les vendeurs. Le nouveau maïs pointe déjà son nez. Minorant l’impact des intrants, les acheteurs expliquent que sa culture a connu cette année un retard, du fait des pluies, qui ne sont pas arrivées à temps.

Conséquence visible, les récoltes sont pleines de « choléra », c’est-à-dire les graines de qualité médiocre et aux bouts teintés, impropres à la consommation humaine. Ils expliquent encore que le marché de la consommation, notamment celui de Bafoussam, est actuellement envahi par le maïs venu des régions du Nord et du Centre, ce qui justifie la baisse des prix. La veille, l’ambiance était à

peu près la même au lieudit route Foumbot, dans la ville de Bafoussam, un centre d’achat

des produits des champs par les revendeurs.

Des engrais toujours chers

Pour l’instant, il y a le maïs. On appréciera les quantités plus tard. En parcourant les routes qui relient Bafoussam aux chefs-lieux des départements de l’Ouest, il est loisible d’observer que des stocks de récoltes sont déversés au bord des routes, attendant les moyens d’évacuation. Cependant on peut empiriquement voir que les épis ne sont pas assez costauds et que certains champs ne sont pas arrivés à maturité de manière uniforme.

« Nous avons fait ce que nous pouvions pour ne pas abandonner les champs. Tout est devenu cher », rappelle Ruth Menea, cultivatrice à Bagam, dans l’arrondissement de Galim. « Cette année, nous n’allons pas nous en sortir, s’inquiète Charlotte Mpeudiè, cultivatrice à Baleng, dans la périphérie de Bafoussam. J’ai bien l’impression que ma récoltene va pas couvrir les dépenses que j’ai effectuées au champ ».

Rose Tela dit avoir, sur conseil d’un vulgarisateur agricole, utilisé des engrais organique qu’elle ne maîtrise pas. En préparation du second cycle agricole annuel, les engrais hier rares, sont disponibles mais toujours hors de prix. Dans les marchés, les boutiques des produits phytosanitaires restent ouvertes, comme au bon vieux temps. Mais les affaires ne prospèrent pas. L’on se souvient qu’en l’espace de huit mois, le prix des engrais et des pesticides a été multiplié par trois voire plus, mettant les producteurs agricoles dans une situation de précarité et de découragement. Ainsi sur le marché de Bafoussam, le sac de sulfate qui coûtait 11.000F en janvier coûte désormais 30.500F. Le sac d’urée est

passé quant à lui, de 15.000F à 40.000F ! Un peu plus, au fur et à mesure qu’on s’éloigne du

chef-lieu de la région. Les opérateurs du secteur filent le mauvais coton. Au regard des charges, certains risquent de fermer boutique, si la situation ne s’inverse pas. D’au moins 20 clients autrefois par jour dans un magasin de référence, ils sont aujourd’hui 4 ou 5 à passer. Et encore, « ils ont sérieusement réduit les quantités qu’ils prennent. Celui qui achetait 10 sacs se contente maintenant de 2. Il accuse les moyens », explique Régine, préposée à la vente.

Guerre du gaz

« Cette envolée des cours s’explique par différents facteurs dont la hausse généralisée des prix du gaz naturel européen ayant pénalisé la production d’ammoniac nécessaire à la fabrication des engrais azotés et la flambée des cours du charbon en Chine qui a forcé certaines usines à réduire leur production. A ces éléments s’ajoute la hausse des coûts des matières premières comme la roche de phosphate dont la tonne a grimpé au dernier trimestre à 136,5 $, soit 52 % de plus qu’au premier trimestre », résume l’Agence Ecofin. Les évaluations subséquentes du Ministère de l’Agriculture et du

Développement rural (Minader) ont abouti à la promesse gouvernementale de subventionner le prix des intrants, à hauteur de 30% (voir encadré), sans vraiment contenter les agriculteurs.

Conséquence des courses, certaines parcelles ont été laissées de côté. Celles qui ont été cultivées n’ont pas fertilisées, en tout cas pas comme il faut. Dans de nombreux cas, la production suffit seulement pour nourrir les familles des paysans et le peu qui arrive sur le marché est vendu à prix d’or. Les

ménagères se plaignent en effet de la montée des prix sur le marché, en dehors de quelques produits de saison. A Mbouda ce week-end, le seau de pomme de terre de 15l était négocié à 3.500F, un peu moins cher qu’il y a un mois. En l’absence des statistiques sur les quantités produites, on ne peut

manquer de se poser cette question : pour combien de temps ?

Source: Le Jour N° 3723 du 02-08-22