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Vins et spiritueux : enquête sur les fausses vignettes

Investigations faites, certains timbres apposés sur des boissons et autres produits

Tue, 14 Feb 2023 Source: Mutations n° 5763

28 décembre 2022, un stock de boissons contrefaites est saisi par les éléments de la gendarmerie nationale à Nkometou, un village de l’arrondissement d’Obala, situé à une trentaine de kilomètres de Yaoundé. Selon la vidéo en circulation sur les réseaux sociaux, l’endroit découvert par les forces du maintien de l’ordre était « une véritable usine » de fabrication de vins et spiritueux contrefaits. Cette prise n’est pas la première du genre.

Elle rappelle, entre autres, une autre, effectuée au quartier Elig-Edzoa à Yaoundé en 2021. Pierre et Marie Curie, comme la presse a tôt fait de baptiser les responsables de ce « laboratoire » d’un autre genre, étaient spécialisés dans la fabrication des vins et champagnes contrefaits, de véritables poisons, selon des nutritionnistes et autres personnels de santé.

Dans l’un ou l’autre cas suscité, et même bien d’autres non évoqués dans le cadre de ce travail, les produits saisis [destinés à être mis sur le marché local], ont un dénominateur commun : sur leurs conditionnements sont apposés des vignettes sécurisées.

Ces dernières pourtant, selon le décret N° 2010/0483/Pm du 18 mars 2010 fixant les modalités de mise en œuvre de la vignette sur certains produits manufacturés, sont fabriquées et livrées aux entreprises locales par le prestataire sur la base des demandes fournies à l’administration fiscale conformément à la demande du fabricant, dûment déposé au ministère des Finances, deux mois à l’avance.

Les vignettes, indique ce texte, sont livrées en feuilles entières ou en rouleau. Pour des raisons de sécurisation du produit, à la fin de chaque semestre, l’administration fiscale dresse un procès-verbal des détériorations constatées en présence du représentant du fabricant ou de l’importateur. Selon la loi, les vignettes détériorées et justifiées sont détruites par l’administration fiscale.

Contrefacteurs

Le prestataire fournit les vignettes exclusivement sur ordre de l’administration. Il transmet à l’administration toute la documentation afférente aux commandes livrées directement à l’étranger, au plus tard sept jours après la livraison.

D’où s’approvisionnent donc les contrefacteurs ? Pour en savoir plus, nous nous rendons aux encablures de la sous-préfecture de Yaoundé I. Ici, nous indique-t-on, se trouvent des individus capables de produire une version contrefaite de n’importe quelle pièce administrative. Difficile d’identifier un faussaire d’un vendeur de chemises cartonnées.

Comme ces derniers, « les acteurs du marché noir » se baladent discrètement. Une source surplace indique qu’il existe des infographes capables de produire des vignettes sécurisées aux contrefacteurs. Il précise que les "laboratoires" se trouvent loin du lieu de livraison, dans de petites chambres louées pour les besoins de la cause.

La vignette sécurisée est montée, révèle notre source, par des infographes, puis le fichier numérique est remis au contrefacteur qui se charge du reste. Certains contrefacteurs, apprend-on, disposent de leurs propres imprimeries. Ils multiplient à souhait les vignettes. D’autres en revanche, sont en contact avec des imprimeurs qui effectuent généralement ce travail tard dans la nuit contre de fortes sommes d’argent.

Seul bémol, indique notre source, les vignettes sécurisées produites au quartier sont facilement identifiables par des spécialistes. Selon lui, celles-ci possèdent des codes-barres erronés ou ceux des prix différents de celui sur lesquels elles sont apposées.

La vignette contrefaite est produite sur la base des informations d’une vignette authentique. Il suffit donc de scanner le code-barres de la vignette pour découvrir le pot aux roses. En outre, la qualité du papier utilisé peut aussi être différente, indique notre informateur, sans toutefois donner plus de précision.

« Si je te donne toutes les informations, je tue notre marché », ajoute- elle, avant de prendre le large. Selon un rapport de la Chambre de commerce, d’industrie, des mines et de l’artisanat (Ccima), les activités de la contrebande, de la contrefaction et du commerce illicite ont occasionné des pertes estimées à 255 milliards FCFA. Les chiffres datent de 2014. Faute de chiffres actualisés, nous pouvons imaginer que les pertes ont aussi évolué à date.

Source: Mutations n° 5763