Elle se nourrit de l’accroissement des äux commerciaux entre le Cameroun et la République centrafricaine (Rca) à la faveur de la crise centrafricaine.
L’image est peutêtre habituelle. Elle est même devenue vulgaire. Banale. Celle d’un agent public qui perçoit de l’argent d’un chauffeur derrière un dossier et le met dans sa poche.
A Garoua-Boulaï, à la frontière entre le Cameroun et la République centrafricaine (Rca), ce manège est répété presqu’à chaque passage d’un des gros porteurs qui traversent la barrière des Douanes camerounaises à cette frontière. Certains conducteurs refusent de se soumettre à ce rançonnement.
D’autres sont plus à l’aise et ne rechignent pas à glisser un billet d’au moins 5.000 francs Cfa entre les doigts des agents qui récupèrent leurs dossiers. « Nous ne pouvons pas faire autrement. Avec ou sans dossier complet, tu vas seulement payer », souffle l’un des chauffeurs. « C’est l’un des freins à l’intégration sousrégionale voulue par les politiques.
Nous pensons également que nos dirigeants n’ont pas vraiment cette volonté qu’ils n’affirment que du bout des lèvres », soutient un membre de la délégation centrafricaine venue en octobre 2015 se pencher sur les problèmes qui minent le transport entre nos deux pays. Parmi eux, « la corruption », soutenait alors notre interlocuteur. Une réalité encore aujourd’hui.
« Dès qu’on vous voit avec un petit sac, les services camerounais à la frontière veulent en tirer le plus grand profit », avance MarieMadeleine A., que nous rencontrons à quelques encablures de la frontière entre les deux pays fin mars 2016. Elle revenait du Cameroun justement avec un colis et révélait que « j’ai dû débourser la somme de 2.000 francs Cfa tout à l’heure pour passer la frontière ». Particulièrement indexé, le poste de contrôle phytosanitaire.
« Sous le prétexte qu’ils doivent contrôler tout ce qui passe par cette frontière, les agents postés là fouillent vos sacs et concluent presque toujours à des produits incommodes à la consommation », estime un autre candidat au passage de la frontière.
« Et quand vous pensez que votre calvaire est terminée, ce sont les militaires de la petite unité militaire logée dans une cabine en bois qui vous interpellent pour les mêmes causes et les extorsions de fonds », révèle une camerounaise qui dit « être allée rendre visite à mes parents à BelokoCantonnier [village centrafricain situé de l’autre côté de la frontière, ndlr].
J’ai dû payer des amendes de 5.000 francs Cfa au total dans les deux escales pour passer avec les provisions que je leur apportais. » Egalement mis en cause, les services des Douanes, de gendarmerie, de la police et du commerce.
« Tous versent dans l’arnaque et déplument les commerçants chacun à tour de rôle, faisant ainsi du
passage à cette frontière un véritable parcours du combattant », rapporte Marthe D., une commerçante de farine de couscous entre les deux pays. Lorsqu’on tente d’approcher les agents ou services incriminés, c’est au mieux motus et bouche cousue. Au pire, des menaces.
Les plus courageux révèlent sous anonymat que « nous subissons la pression de nos chefs à qui nous devons faire des rapports financiers occultes plus connus sous le doux euphémisme de « CR (compterendu). Les quotas sont connus et vous devez tout faire pour les atteindre au risque de vous faire débarquer pour « insuffisance de résultats ». Mais on ne le dira jamais officiellement. »
Du coup, soufflent concomitamment nos sources et des observateurs locaux de ces manèges, « se faire affecter ici est l’aboutissement d’un long processus et les fonds que nous mettons en jeu ne peuvent être remboursés que par ces méthodes répréhensibles. » Difficile donc dans ce contexte de changer la donne, à la frontière entre le Cameroun et le République centrafricaine (Rca) à GarouaBoulaï.