Criminalité : Il y a huit (08) ans, Paul Biya déclarait une guerre qu'il n'a toujours pas encore gagné

La déclaration de Paul Biya avant son départ pour la capitale américaine.

Mon, 8 Aug 2022 Source: L'essentiel N°405

En ce début du mois d'août 2014, le président de la République se rend à Washington pour le sommet États-Unis-Afrique. À l'aéroport de Yaoundé Nsimalen, il fait une déclaration aux journalistes pour condamner les attentats perpétrés quelques jours plus tôt par la secte islamiste djihadiste dans l'Extrême-Nord.

Voici la déclaration de Paul Biya avant son départ pour la capitale américaine.

« ... Il y a quelques jours, nos forces de l'ordre ont marqué des points importants contre le Boko Haram, un ennemi pervers, sans foi ni loi, qui attaque la nuit, qui égorge, et qui a évidemment fait des exactions à Kolofata et à Hilé Halifa. Alors, ce que je peux dire, c'est que les Camerounais doivent garder confiance. J'ai envoyé le chef d'état-major là-bas pour réorganiser notre dispositif, j'ai envoyé des secours ; des renforts en hommes et en matériels. Il n'est pas exclu, je ne peux en dire plus, nous avons renforcé notre potentiel et je crois que les jours à venir montreront que nos efforts pour organiser une riposte et une défense de notre territoire sont efficaces. Permettez-moi d'ailleurs de saisir cette occasion pour consoler nos frères, nos compatriotes de l'Extrême-Nord qui ont subi les sévices, les deuils; les assurer de la compassion et de la solidarité de toute la nation camerounaise. Nous ne les laisserons pas, au contraire, nous allons continuer à les protéger et à combattre cet ennemi sans relâche. Je présente mes condoléances à ceux qui ont perdu un membre de leur famille; j'ai déjà dit aux autorités administratives d'exprimer ces condoléances à tous les Camerounais. Je demande de continuer à faire confiance au gouvernement, aux forces de l'ordre. Je salue également nos soldats dont certains sont tombés, qui ont fait montre de patriotisme, de bravoure. Je les encourage à aller de l'avant. Pour tous les Camerounais, je dis ceci : dans la vie d'une nation, il y a des moments difficiles. À ces moments-là, il faut faire preuve de courage, de solidarité et de patriotisme. Pour ce cas précis, je dis que le Cameroun a eu à lutter contre ce même Nigéria pour Bakassi et avant on a éradiqué les maquis (des mouvements révolutionnaires); on est venu à bout des villes mortes. Ce n'est pas le Boko Haram qui va dépasser le Cameroun. Nous continuons le combat et nous vaincrons ».

Les exactions de Boko Haram

Boko Haram est un mouvement insurrectionnel et terroriste d'idéologie salafiste, né au Nigéria en 2009. Il a pour objectif, la création d'un califat régi par la charia. La lutte armée, la guérilla, le terrorisme, les attentats-suicides, et les massacres constituent son mode opératoire. La région de l'Extrême-Nord qui partage une longue frontière avec le Nigéria est un terreau fertile pour Boko Haram. Le mouvement djihadiste trouve sur le terrain, le grand banditisme et la criminalité dans le phénomène des coupeurs de routes.

Au moment où Paul Biya fait la déclaration de l'aéroport, les activités criminelles de la secte djihadiste nigériane ont déjà fait 1500 morts, 115 000 déplacés internes et 73 000 réfugiés. Le 27 juillet 2014, la secte islamiste nigériane frappe un grand coup à Kolofata, un arrondissement du Mayo Sava, dans la région de l'Extrême-Nord. Ses membres enlèvent l'épouse du vice-Premier ministre Amadou Ali, sa belle-sœur, le maire et le lamido de Kolofata, son épouse et dix de leurs enfants ; et plusieurs membres de la famille. Depuis 2011, les adeptes de la secte islamiste Boko Haram partis de l'État de Borno dans le Nord-Est du Nigéria, occupent le terrain tout le long de la frontière. Dès 2012, ils se livrent à des incursions criminelles dans les localités camerounaises comme Dabanga, Makari, Mora, Kousseri et Kolofata.

En 2013, leurs incursions prennent de l'ampleur. Commepour marquer les esprits sur

la scène internationale, ils s'attaquent aux étrangers résidant au Cameroun. C'est dans cette mouvance qu'ils enlèvent le couple Moulin-Fournier de nationalité française, le 18 février 2013 à Dabanga, et un religieux français, Georges Vandenbeusch, le 14 novembre 2013. Gianantonio Allepi, Giampaolo Marta, de nationalité italienne, sont capturés par Boko Haram. Dans la nuit du 16 au 17 mai 2014, alors que le président Biya se trouve à Paris dans le cadre d'un sommet contre Boko Haram, dix ressortissants chinois commis dans la construction de la route Mora-Kousseri sont enlevés à Waza. Depuis la capitale française, le chef de l'État camerounais déclare la guerre à la secte djihadiste islamiste.

« Nous sommes ici pour déclarer la guerre à Boko Haram, dira-t-il. On va le poursuivre et on vaincra cette chose terroriste, parce que les inconvénients sont nombreux. C'est un groupe qui éloigne les missionnaires, les entrepreneurs, les investisseurs ; appauvrit le pays et veut faire revenir les populations du Nigéria au Moyen-Âge. On ne peut pas accepter cela », a conclu le président camerounais.

Un rapport du Haut-Commissariat aux Réfugiés (HCR) daté de Genève, le 11 novembre 2014 annonce que des millions de personnes continuent de fuir le Nigéria au Cameroun pour échapper aux attaques commises par des insurgés islamistes de Boko Haram dans le nord-est du Nigéria.

Selon les autorités camerounaises, 13 000 réfugiés nigérians ont traversé la frontière depuis l'État de l'Adamaoua, après que les insurgés aient attaqué et pris le contrôle de la ville de Nubi au Nigéria. Les réfugiés ont fui dans les villes de Guider et Gashiga dans la région du Nord, et Bourha, Mogode et Doukoula dans la région de l'Extrême Nord. Plus de 43 000 Nigérians avaient cherché refuge au Cameroun. Près de 17 000 d'entre eux vivent au camp des réfugiés de Minawao, géré par le HCR. Cette situation à la limite chaotique, appelle du gouvernement camerounais un dispositif sécuritaire et défensif adéquat.

Réorganisation du commandement militaire

Le décret n.2014 du 14 août réorganise le commandement militaire territorial.Le territoire national est divisé en quatre Régions Militaires Interarmées (RMIA); et de quatre régions de gendarmerie. À chaque région militaire interarmées correspond une région de gendarmerie. Les ressorts territoriaux et les postes de commandement des régions interarmées sont fixés ainsi qu'il suit : Première région militaire interarmées (RMIA 1), régions du Centre, de l'Est et du Sud, poste de commandement, Yaoundé ; deuxième région militaire interarmées (RIAM2), régions du Littoral, du Sud Ouest, du Nord-Ouest et de l'Ouest ; poste de commandement Douala ; troisième région militaire interarmées (RMIA 3), régions de l'Adamaoua et du Nord, hormis le département du Mayo Louti, poste de commandement Garoua.

En ce qui concerne l'Extrême-Nord, le principal théâtre d'opérations de la secte islamiste djihadiste Boko Haram, son ressort territorial couvre les six départements de la région, mais aussi, le département du Mayo Louti dans la région du Nord, les localités de Guider et de Gashiga relevant de la compétence territoriale de cette unité administrative étant l'objet d'incursions terroristes de Boko Haram. Son poste de commandement se trouve à Maroua.

La guerre asymétrique livrée jusque-là par Boko Haram va rencontrer une riposte appropriée sur le terrain. Les forces classiques de l'armée bénéficient de l'appui des éléments du BIR, (Bataillon d' Intervention Rapide),un corps d'élite créé en 2009, et qui a fait ses preuves à Bakassi ; dans le conflit qui avait opposé le Cameroun au Nigéria. Les comités de vigilance et d'auto-défense, dont les éléments ont l'avantage de connaître le terrain, deviennent les yeux et les oreilles des forces classiques.

Reconstruction, réinsertion.

Depuis 2014, 321 000 personnes ont fui leurs communautés d'origine dans la région de l'Extrême-Nord, 40 000 habitations, 128 établissements scolaires, 30 centres de santé et 240 forages ont été détruits. L'agriculture, le transport, la pêche et l'élevage, qui employaient des centaines de milliers de personnes ont été très touchés. La fermeture de la frontière avec le Nigéria a eu un impact économique dévastateur. Le secteur du tourisme est celui qui a le plus souffert.

La lutte contre Boko Haram a baissé en intensité car les adeptes de la secte islamiste djihadiste nigériane ont replié après de lourdes et nombreuses défaites sur le terrain. Ils ont perdu entre 1500 et 2100 combattants. Dès lors, le gouvernement pense à la reconstruction de la région de l'Extrême Nord, sinistrée par les exactions de Boko Haram. Dans le cadre du « plan présidentiel de reconstruction de la région de l'Extrême-Nord », 1 810milliards FCFA sont prévus pour les besoins de la cause. Sous la supervision du Premier ministre, une commission interministérielle est chargée à cet effet de réparer les préjudices directs causés par Boko Haram et les inondations qui frappent régulièrement l'Extrême-Nord, et œuvrer à la relance économique de la région. Il s'agit de reprendre les différents chantiers abandonnés, et qui portent davantage sur la construction des voiries urbaines. Ce programme va s'appuyer sur quatre composantes dont la première concerne la réparation des dégâts directs causés par Boko Haram. La deuxième composante porte quant à elle sur la relance de l'économie et la réduction de la vulnérabilité sociale avec en projet le développement des activités socioéconomiques et la formation avec une priorité accordée aux femmes et aux jeunes. La troisième est relative à la résilience des populations, aux changements climatiques.

Il s'agit notamment de chercher à capitaliser la forte pluviométrie qui cause régulièrement des dégâts en tirant profit de cette eau. La dernière composante est en rapport avec la gouvernance. Afin de permettre une sortie honorable aux repentis de Boko Haram, et aux combattants indépendantistes du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, le chef de l'État a créé le 6 novembre 2017, le Comité national de désarmement, démobilisation et de réintégration.

Source: L'essentiel N°405
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