Au Tribunal criminel spécial (TCS), les éléments de preuves contre l’ex-directeur général fondent comme beurre au soleil. En même temps, l’accusation peine à convaincre.
C’est une affaire démarrée tambour battant et qui, au fil des mois, semble prendre de l’eau de partout. Accusé de malversations en coaction de l’ordre de 11 milliards de francs, l’ex-directeur général de la Société de développement du coton (SODECOTON), Iya Mohammed, avait rendez-vous à deux reprises la semaine dernière avec les juges du TCS. L’homme, avec un calme olympien, mardi et mercredi dernier, a entrepris, point par point, de démonter les éléments de l’accusation.
Sa démonstration ne semble pas avoir laissé indifférent le président de la Cour, Yap Abdou, qui a salué la «disponibilité et la méticulosité avec laquelle [il a] préparé [sa] défense»
En attendant la prochaine audience le 5 mai, le non moins ancien président de la Fédération camerounaise de football (Fecafoot) a d’abord justifié l’augmentation jugée «abusive» de son salaire à la tête de la Sodecoton : «Mon directeur adjoint gagnait un salaire de 8 millions de francs et ma secrétaire, expatriée elle aussi, plus de 3 millions de francs, tandis que moi j’avais 1,7 million de francs. Le conseil d’administration a procédé, en avril 2002, soit après près de 20 ans de service à la Sodecoton, à une revalorisation de celui-ci dans une logique d’équilibre.»
Il a été tout aussi clair au sujet du remboursement des frais médicaux, de la polémique autour de la direction des huileries, de la vente des tourtereaux ou encore du recours à une expertise externe.
Visiblement serein, Iya Mohammed s’est exprimé avec le même calme lorsqu’il s’est agi d’expliquer le lien juridique entre Coton sport de Garoua, l’un des fleurons du football camerounais et la Sodecoton. Dans l’un et l’autre cas, l’homme a indiqué avoir agi pour l’intérêt de l’entreprise dont il avait la charge. Et, surtout, il apparaît clairement que ses initiatives, ainsi que lui en faisait l’obligation le manuel de procédures de la société, recevaient préalablement l’aval du conseil d’administration qui, faut-il le rappeler, ne lui a jamais mégoté son quitus de bonne gestion.
À vau-l’eau. Voici donc une affaire réputée «grave» par les contempteurs de l’intéressé, qui avaient tôt fait de le traiter comme un fieffé coupable, et qui est en train de se déliter au fil des audiences. Dans le même environnement, il est loisible aujourd’hui de constater que l’accusation peine à étayer ses éléments de preuves. Toute chose qui conforte les observateurs dans la conviction qu’Iya Mohammed, victime de règlements de comptes, pourrait rapidement recouvrer la liberté.
Ce nouveau développement, constate-t-on, intervient au moment où la SODECOTON, qu’on disait mal gérée sous lui, est en passe de baisser le rideau. En effet, lorsque Iya Mohammed est limogé, le 25 mai 2013, l’entreprise affiche un résultat bénéficiaire de l’ordre de 3,5 milliards Fcfa. Sous Abdou Namba, son successeur depuis août 2013, elle avait déjà enregistré une perte sèche de 4,5 milliards Fcfa au 15 décembre 2014. Et ce ne semble pas terminé, puisque le déficit pourrait atteindre 8 milliards Fcfa en fin 2015, d’après les prévisions des administrateurs.
C’est dans cette ambiance mortifère que, le Français Henri Clavier, directeur général adjoint, a précipitamment quitté le navire voici quelques mois et alors que son contrat de travail, renouvelable tous les deux ans, s’achevait en novembre de l’année en cours.
Et même, au sein du Rassemblement démocratiquement du peuple camerounais (RDPC), le flambeau du parti de Paul Biya brille de moins en moins sur les berges de la Benoué.
La formation politique ne fait plus foule. Après l’incarcération de Marafa Hamidou Yaya et de Haman Adama, la mise aux arrêts de l’ancien président de la Fecafoot est venue porter le coup fatal qui a achevé le Rdpc à Garoua. Comme s’il s’agissait d’un complot contre Paul Biya et le parti au pouvoir.