Plus de 8 ans déjà qu’il attend le dénouement de son procès pour détournement de deniers publics à la commune de Yokadouma, sans aucune certitude sur l’ouverture de son dossier devant la Cour suprême, saisie depuis près de 5 ans.
Sa vie se conjugue désormais avec la prison de production de Bertoua où il est incarcéré depuis 2011, après un séjour de 3 ans à la prison de Yokadouma ville où il a été le premier citoyen de 2002 à 2007. C’est en mars 2008 que Paulin Abono Mouampamb est interpellé, puis écroué à la prison de production de Yokadouma, pour cause de détournement présumé de fonds à la commune des céans. Après plus de 2 ans d’information judiciaire, il avait été condamné en instance à 30 ans de prison ferme, peine ramenée à 12 ans par la Cour d’appel de l’Est.
Depuis 2011, son pourvoi en cassation introduit auprès de la haute juridiction n’a manifestement pas été examiné, son affaire n’ayant jamais été appelée en audience. « Pourtant, tous les rapports et pièces exigés par la haute juridiction ont été produits, comme l’exigeait la Cour », confie sa défense. Certaines sources, proches du dossier, avaient laissé croire que l’affaire était programmée pour le mois de février 2016. Il n’en a rien été, et quelques explications non officielles glanées dans les coulisses de la Cour suprême voudraient justifier cet attentisme par la rentrée solennelle tardive de l’instance faîtière.
Qu’importe, Paulin Abono Mouampamb qui est toujours derrière les barreaux, nourrit des appréhensions sur son devenir judiciaire plein d’incertitudes. « Je risque de finir mes 12 ans de détention sans que mon affaire ne soit jugée par la Cour suprême », se plaignait-il auprès des proches l’année dernière. « Je ne demande qu’à être jugé et surtout que seul de droit soit dit », ajoutaitil.
Partie civile
Aujourd’hui, le prévenu et sa défense commencent à déchanter dans cette cause où ils espéraient voir la haute juridiction corriger la décision des juges d’instance et d’appel. A moins de 3 ans de la fin de sa peine, aucun indicateur ne filtre sur la suite de l’affaire Abono devant la Cour suprême.
D’aucuns laissent entendre que le procès n’intéresserait plus personne depuis que la commune de Yokadouma avait refusé de témoigner à charge comme partie civile rôle que le Minatd le Ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation ne veut pas aussi endosser, ne se reconnaissant pas dans la procédure.
A se demander si l’ancien maire de Yokadouma et ancien secrétaire d’Etat aux Travaux publics n’a pas été sacrifié à l’autel de quelques intérêts pernicieux. Affaire classée sans suite au mépris de la saisine de la haute juridiction ? Dans l’entourage du prisonnier, on déplore cette « inertie judiciaire » qui a empêché au prévenu de bénéficier des mesures présidentielles du 18 février 2014 portant commutation et remises de peines,
l’affaire étant toujours pendante devant la justice.
Toutefois, pour les puristes du droit, on redoute surtout une hypothétique décision de la Cour qui pourrait décider d’un éventuel non-lieu au profit du prévenu. Qui paierait alors la note pour ses 9 années d’incarcération gratuite dans un pays où le dédommagement judiciaire des citoyens par l’Etat n’est pas la chose la mieux partagée ? Une incongruité qui viendrait s’ajouter à bien d’autres qui ont charrié le cours de l’Affaire Paulin Abono depuis son déclenchement, au moment où la haute juridiction place l’année 2016 sous le signe de la conjuration des erreurs judiciaires.
Il n’est pas innocent de mentionner qu’en plus du désistement de la commune de Yokadouma comme partie civile au procès, le dossier avait déjà provoqué le remplacement des juges du parquet et du tribunal chargés de l’affaire auprès du tribunal de grande instance de Yokadouma, la mort accidentelle très suspecte de Me David Dipépé l’avocat de Paulin Abono de retour d’une audience à Yokadouma en 2012, et même la promotion de Sylvestre Essama ancien préfet de la Bouba et Ngoko à l’époque des faits, comme inspecteur au Minatd, alors qu’il était inculpé, en tant que complice de l’ancien maire dans la cause.
Au point de donner crédit à ceux qui pensent que l’enjeu réel de ce procès était masqué, et visait simplement à écarter l’ancien ministre de la vie publique, au moment où sa cote d’amour auprès des populations prenait de l’ampleur. Sinon, comment comprendre le maintien de Paulin Abono en prison sans aucune perspective sur le dénouement de son procès ?
Question de conscience qui interpelle les juges de la haute juridiction, saisie du dossier, au moment où le débat sur les motivations politiciennes ou non de l’opération Epervier ressurgit au sein du sérail.