Le discours du chef de l’Etat à la jeunesse le 10 février était un long poème flatteur et une ode au patriotisme. Presque rien sur le plan spécial jeunes et peu d’annonces concrètes.
Beaucoup d’espoirs avant, peu d’espérances après. Les jeunes sont restés sur leur faim après l’adresse présidentielle du 10 février 2017. Paul Biya avait une occasion de prolonger l’euphorie suscitée par le succès des Lions indomptables à la CAN gabonaise et que la nation venait de célébrer en grande pompe. En vingt minutes d’un discours pourtant attendu, Paul Biya a fait du Paul Biya. Beaucoup de mots, des circonlocutions, mais peu d’annonces concrètes, celles que des millions de jeunes au chômage ou en sous-emploi attendent impatiemment depuis plusieurs années.
Le président de la République n’a par exemple pas pu présenter un bilan de la mise en œuvre du « plan triennal d’urgence spécial jeunes », qui avait été annoncé un an plus tôt en pareille occasion. « Je me félicite à cet égard de l’entrée en application du Plan triennal « Spécial jeunes », doté de 102 milliards de Francs CFA. Il appuiera un million et demi de jeunes âgés de 15 à 35 ans, au rythme de cinq cent mille par an, dans divers domaines d’intérêt tels que l’agriculture et l’économie numérique », a sobrement déclaré Paul Biya.
Des internautes se sont amusés à calculer la part qui sera réservée à chacun des 1,5 million de jeunes sur les 102 milliards promis et la division donne la somme de 68 000 FCFA. Les porteurs de projet ne sont même pas près de voir ces 68 000 FCFA chacun, car le financement de ce plan triennal est un labyrinthe budgétaire. Il était envisagé qu’il soit financé en trois ans, à hauteur de 35 milliards de FCFA mis à la disposition du ministère de la Jeunesse les deux premières années, puis 32 milliards à la dernière année.
Pourtant, cette année 2016, seulement 25 milliards ont été inscrits dans le budget de l’Etat. Ces fonds n’ont pas été inscrits dans l’enveloppe budgétaire du Minjeun, qui est accusé d’avoir centralisé dans ses services l’ensemble des dépenses, tout en ayant décentralisé les missions. C’est donc un Paul Biya extrêmement optimiste qui envisage l’impact de ce plan sur 1,5 million de jeunes. On avait déjà entendu le gouvernement annoncé un don d’ordinateurs aux 500 000 étudiants de l’année académique 2016/2017. Ils attendent toujours.
Un angélisme délibéré puisque le chef de l’Etat s’est transformé en poète : « Chacun d'entre vous est une étoile dans notre ciel. C'est vous qui illuminez le Cameroun. Vous êtes les valeurs positives d'un Cameroun rayonnant et conquérant », s’est laissé aller Paul Biya, dans une opération séduction. Intervenant après la brillante victoire des Lions indomptables à la CAN gabonaise, il n’a pas pu se retenir de les citer en exemple.
Constamment adjuvant présidentiel, les joueurs de l’équipe nationale de football n’ont pas éclipsé les soldats au front de la guerre contre Boko Haram, cités eux aussi en exemple par le chef de l’Etat : « Cette détermination à servir la République, nous la célébrons également tous les jours, chez nos forces de défense et de sécurité, comme chez les comités de vigilance, qui se battent ensemble, pour protéger notre pays contre la secte terroriste Boko Haram. »
Paul Biya n’a pas pu élaborer autour de sa nouvelle trouvaille, l’économie numérique. A peine s’est-il avancé à annoncer que « l'Observatoire National de la Jeunesse sera bientôt doté d'une plate-forme de rencontre et d'échanges. Pour aider et accompagner les jeunes en quête de formation entrepreneuriale, de qualification professionnelle, d'emploi, ou d'auto-emploi, des guides seront mis à contribution. »
Peut-être n’a-t-il pas voulu remuer le couteau dans la plaie de la suspension de l’internet dans les Régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest qui pénalise, entre autres, la Sillicon Mountain, une enclave numérique développé à Buea.