L’avocate et militante des droits de l’homme Michèle Ndoki dans une tribune publiée en marge de la célébration du 1er octobre remonte aux origines de la crise anglophone. Elle déplore comment l’union entre les deux « Cameroun » a été réalisée accusant la partie francophone représentée à l’époque par le président Ahmadou Ahidjou d’avoir mis ses frères de l’Ouest devant le fait accompli.
60 ans d'une (ré)union célébrés dans la Guerre : qu'avons-nous appris ?
Enfant, j’avais une passion pour les films, grâce auxquels je pouvais parcourir le monde, vivre des aventures extraordinaires sans quitter le petit salon de mes parents. C’est grâce à l’un de ces films que j’ai découvert l’expression « Yom Kippour », que le personnage décrivait comme « le jour du Grand Pardon ».
Yom Kippour est le jour le plus saint de l'année juive et marque un temps d'expiation par le jeûne et la prière. Cette fête juive dédiée à l'expiation des péchés marque la fin des jours redoutables et est l'occasion pour les Juifs d'agir sur leur destin par la prière, le repentir et la charité.
En réalisant qu’aujourd’hui, 1er octobre 2021, marquait le soixantième anniversaire de la réunification d’une partie des « Cameroun/Cameroon » séparés en 1919, c’est cette expression qui s’est imposée à moi : Yom Kippour.
Totalement le contraire de ce qui se passe aujourd’hui, et pour moi, raison de plus pour proposer ce thème de célébration. Beaucoup le savent, peu l’admettent, et encore moins s’en excusent ou s’en repentent : le mariage célébré le 1er octobre 1961 a été précédé de fiançailles conclues à la hâte (la fameuse conférence de Foumban), au cours desquelles le fiancé, le Cameroun Oriental représenté par Ahmadou Ahidjo, semblait plus enclin à ravir (au sens de prendre, enlever de force) sa promise qu’à la séduire. C’est lui qui a fixé la dot, apportant un projet de Constitution quasiment prêt pour signature là où les leaders du Southern Cameroon s’attendaient à des travaux de rédaction communs, et ne retenant même pas tous les aménagements proposés sous la pression.
Une chose demeure, le principe du mariage était accepté, et il était certes bon que ces deux là se retrouvent, comme il est bon que des jumeaux confiés pendant quelque temps (42 ans, pour le Southern Cameroon) à deux maîtres différents se retrouvent, après la longue séparation, pour renouer les liens du sang. Une autre aussi : depuis aujourd’hui 60 ans tout juste, nous cheminons ensemble, Enfants de ma Terre, avec nos histoires, nos traumatismes, nos souffrances.
Nous ployons, comme nos parents, comme nos grands-parents, sous le poids d’un monstre aux mille visages nommé domination : hier il causait des ravages parmi nos pères réclamant l’indépendance sous la conduite de l’UPC.
Aujourd’hui se sont les enfants de la mariée soumise venue de l’autre rive du Moungo, qui connaissent les affres de la répression, de la destruction et de la violence dont la vue baisse… Il n’est pas jusqu’à ceux qui se croyaient les enfants de la favorite, qui ne crient la douleur d’être méprisés, floués, brimés dans le silence et le noir. Le pays Bamiléké, le pays Bassa, les Grassfield, Ngoketunja, Lebialem, Manyu, Bamenda, Maroua, Bengbis, Zoétélé… Qu’avons-nous appris ?
Yom Kipour : il est dit que ce jour-là, il faut s’abstenir de travailler, passer du temps dans le recueillement et la prière, de préférence dans un lieu de culte, réfléchir sur nos péchés, expier, et surtout, pardonner. Eh bien un jour, ici, chez nous, peut-être pas pour nos 60 ans mais pour un des anniversaires qui suivront, nous célébrerons tous ce jour et lui rendrons la place centrale qu’il occupe dans l’histoire de notre grande et belle Nation. Ce jour -là, nous pourrons nous enorgueillir d’avoir enfin doté notre Etat d’une équipe dirigeante qui s’attelle à la tâche de construction de notre
Chère Patrie en s’appuyant sur trois valeurs cardinales :
- La poursuite résolue de l’intérêt général,
- La recherche de l’idéal de liberté,
- La foi en l’alternance comme moteur de progrès.
Pour y arriver il reste de la route. Dieu sait si elle est encore longue. Heureusement, nos souliers sont faits de force et d’espoir. Nos souliers nous ramèneront chez nous…
Kamerun, Ekombo’a Mwaye.