Ce 13 juillet 2016 marque le 61ème anniversaire de l’interdiction de l’Upc par un décret du gouvernement français. Malgré les divisions, l’âme immortelle du peuple camerounais a survécu au colonialisme et au néocolonialisme.
A la suite de la répression brutale et sanglante des événements de mai 1955 sous les ordres du Haut-Commissaire de la République française au Cameroun Roland Pré, un décret du gouvernement français du 13 juillet 1955 avait interdit l’Union des populations (Upc). Le siège de l’Upc à Douala fut incendié. Les leaders du parti nationaliste – qui réclamait l’indépendance, la réunification et la levée de la tutelle au Cameroun – étaient contraints à l’exil et à la clandestinité. Le secrétaire général de l’Upc Ruben Um Nyobé prend les chemins du maquis. Il avait déjà échappé à plusieurs tentatives d’assassinats ou d’arrestations visant à le jeter en prison pour l’empêcher de continuer à réclamer la réunification et l’indépendance du Cameroun à travers le monde et notamment à l’Onu.
Roland Pré, casseur de mouvements nationalistes
Alors qu’il revenait de l’Onu le 15 mars 1955, Ruben Um Nyobè avait déjà échappé de justesse, à l’aéroport de Douala, à une arrestation. Un mandat à comparaître au tribunal l’attendait à sa descente d’avion. Il faut rappeler que Ruben Um Nyobé s’était auparavant rendu à l’Onu en 1952, 1953 et en 1954 dans le cadre des sessions de la Quatrième Commision dédiées aux questions de Tutelle.
Pourchassées et traqués également après les événements de mai 1955, le président national de l’Upc Félix Roland Moumié, le Vice-président national de l’Upc Ernest Ouandié et le second Vice-président national de l’Upc Abel Kingue avaient pris la direction de Kumba, dans le Cameroun britannique avant d’être déporté à Khartoum, au Soudan, puis exilés au Caire, en Egypte, à Conakry, en Guinée, à Accra, au Ghana et même à Pékin, en Chine.
Les organisations annexes de l’Upc qu’étaient la Jeunesse démocratique du Cameroun (Jdc) et l’Union démocratique des femmes camerounaises (Udefec) avaient subi le même sort que le mouvement national camerounais. C’est ainsi que survient l’arrêté n°4809 du 15 juillet 1955 : « L’Union des populations du Cameroun, Upc, ainsi que toutes organisations ou associations qui en émanent ou s’y rattachent directement et notamment la Jeunesse démocratique camerounaise, Jdc, et l’Union démocratique des femmes camerounaises, Udefec, sont et demeurent dissoutes sur l’ensemble du territoire du ministère de a France d’Outre-mer ». Le 2 décembre 1954, Roland Pré avait remplacé André Soucadaux qui était au Cameroun depuis le 10 janvier 1950. La réputation de casseur de mouvements nationalistes (au Gabon et en Guinée) de Roland Pré l’avait précédé.
Remise à jour des solidarités transversales
Face à l’incapacité d’André Soucadaux de faire cesser la revendication de la réunification et de l’indépendance de l’Upc et de ses organisations annexes, Roland Pré venait effectuer une mission punitive. Dès son arrivée, Roland Pré avait renforcé la répression de l’Upc en multipliant les rafles, les interdictions de manifestations et les perquisitions.
61 ans après la situation n’a pas évolué. Les partis d’opposition ne peuvent pas jouir de liberté de réunion et de la liberté de manifestation. L’historien Achille Mbembe aborde dans ses analyses la question du potentiel insurrectionnel : «Dans les conditions actuelles, c’est ce potentiel insurrectionnel qu’il faut réveiller et réactiver si l’on veut ouvrir des horizons nouveaux pour ce pays bloqué depuis des décennies», souligne-t-il.
Selon Achille Mbembe :
« Réveiller ce potentiel insurrectionnel suppose (…) un énorme travail dont le but serait la construction culturelle d’un imaginaire alternatif de la vie, du pouvoir et de la cité. L’invention d’un imaginaire alternatif de la vie, du pouvoir et de la cité exige la remise à jour des solidarités transversales, celles qui dépassent les affiliations claniques et ethniques; la mobilisation de ces gisements religieux que sont les spiritualités de la délivrance; la consolidation et la transnationalisation des institutions de la société civile; un renouveau du militantisme juridique qui avait caractérisé le début des années quatre-vingt-dix; le développement d’une capacité d’essaimage notamment en direction de la diaspora et l’adoption d’une plate-forme consensuelle concernant les réformes radicales et essentielles en vue de la refondation du pays une fois que le régime actuel aura été déchu », a-t-il conclu.