C’est la grande effervescence depuis quelques jours à Elig-Effa, petite bourgade de l’arrondissement de Monatélé, dans la Lékié. Les fils et filles de la localité sont réunis dans le cadre du congrès annuel de leur association.
Il y a là une délégation de deux membres venus des Etats-Unis. L’unique fils installé en France est également là. De même que les ressortissants du village, fonctionnaires ou cadres dans des entreprises privées, en poste dans différentes villes du pays.
Les uns et les autres ont profité de la période des vacances pour tenir les assises de leur groupement. Au menu, des activités sportives et culturelles, des causeries éducatives sur les maladies infectieuses, la vaccination, l’alimentation, la secte islamiste Boko Haram… Mais aussi, et c’est l’essentiel, le bilan des activités de l’année écoulée.
Celle-ci va d’août à août pour cette association.« Je peux me permettre de dire que notre année a été bien remplie. Les membres ont été assidus aux réunions, versant leurs contributions à temps. Financièrement, tout le monde est à jour. Par ailleurs, nous avons atteint nos objectifs relativement à nos projets. Six nouvelles salles de classe modernes ont été construites au lycée. Le point d’eau potable a été aménagé.
Il reste maintenant à lancer le chantier de l’école maternelle et celui de la chapelle », annonce très fier N. Ngah Tsimi, le président de l’association. Fonctionnaire retraité, ce dernier a des raisons d’avoir le cœur en fête ce jour. L’idée de créer un comité de développement dans cette bourgade émane de lui. Contre vents et marées, il a tenu quand personne n’y croyait.
Et depuis, tout semble aller comme sur des roulettes pour la communauté. Les ressources financières et les capacités de chaque membre sont requises pour assurer le progrès. Depuis 15 ans, l’institution a engrangé la création d’une école primaire et d’un lycée sur son territoire, ainsi que le raccordement au réseau électrique.
A l’observation, les travaux de ce comité se passent sans le moindre trouble. Il n’en est pas toujours ainsi dans la plupart de ces associations. En cause, le contrôle du leadership d’abord. « Généralement, ces regroupements sont créés par les élites nanties. Et celui qui dispose du nerf de la guerre, l’argent, contrôle l’association.
Et quand plusieurs élites peuvent mettre la main à la poche, ce n’est pas facile à gérer, car l’association devient un terrain de démonstration de force. Très vite, on s’éloigne des objectifs », explique un membre d’un comité de développement
d’un village du Centre. De nombreux villageois dénoncent aussi la récupération politique dont les comités de développement sont l’objet. « Souvent, il devient difficile d’exprimer ses opinions politiques personnelles faces au groupe dont les avis ont été phagocytés par l’élite. C’est ainsi que je n’ai pas pu faire prospérer le parti d’opposition auquel j’avais adhéré en 2008, dans ma contrée. Les réunions du comité de développement étaient devenues le lieu par excellence pour les concurrents de me dénigrer », se plaint Gilles M.
Le ver ainsi installé dans le fruit, commencent alors de longues périodes d’errements conduisant direct à la mort de l’institution. « C’est nous les villageois qui perdons quand cela arrive, car de toutes les façons les élites ont leurs moyens pour vivre au-dessus de nombre de difficultés que nous connaissons ici au village. C’est la raison pour laquelle il est important de se cantonner au développement.
Les statuts de notre comité interdisent strictement de ce fait de parler politique lors de nos rencontres, car il n’y a rien qui divise autant que la politique. C’est une véritable distraction pour ceux qui veulent atteindre le développement », croit savoir N. Ngah Tsimi. Il a peut-être raison.