Abram Hanibal : Cet esclave camerounais qui devint le vice-roi du tsar de Russie

Sun, 15 Nov 2015 Source: Mouna Mboa

Combien de Camerounais ont entendu parler de cet ancêtre plus connu des Russes que de ses propres compatriotes ? Mais pour que sa mémoire soit célébrée aujoud’hui, il a fallu que l’un de ses descendants le sorte des tablettes de l’oubli.

En effet c’est Alexandre Sergueïevitch Pouchkine, poète, dramaturge, romancier et généalogiste Russe de renom qui, par devoir de mémoire, fait connaitre au monde entier, les origines africaines de son arrière-grand-père maternel.

De l’esclave, à la royauté

Mai 1781 en Russie, il est supposé être le fils du prince Brouho du Logone près du Lac Tchad. Capturé en 1703 alors qu’il n’était qu’un enfant, il aurait été vendu comme esclave à des marchands Ottomans. Selon Dieudonné Gnammankou cité par WIKIPEDIA, Hanibal proviendrait du Sultanat du Logone Birni au Cameroun, au Sud du Lac Tchad et aurait été capturé par le Sultan Abd El Kader de Baguimi puis vendu à des marchands d’esclaves.

Emmené à la cour du Sultan Mustafa II à Istanbul en Turquie, il y passera un an avant d’être clandestinement acheté par un diplomate russe pour le compte du Tsar Pierre le Grand qui désirait mener une expérience « concluante » sur les capacités intellectuelles d’un enfant noir et démontrer par la pratique que l’intelligence et les autres qualités humaines ne dépendent en aucune manière de la naissance.

C’est ainsi qu’il recevra une éducation digne des fils de tsars et le 13 Juillet 1705, à 09 ans, en l’Eglise Saint Paraskeva de Vilnius, Abraham Petrovitch Hanibal est baptisé sous le nom de Piotr Petrov Petrovitch avec pour parrain le tsar lui-même. Mais il continua à se faire appeler Abraham, nom qu’on lui avait donné auparavant et qui était proche de celui de ses origines Brouha.

De 1705 à 1717, il devient « secrétaire de nuit » du tsar, chargé de noter les pensées du prince lorsqu’il se réveillait la nuit. En 1717, il est envoyé en France où il apprend outre les arts, les sciences et la guerre ; les langues et les mathématiques et revèle de grandes dispositions pour la géométrie. En 1720, il étudie l’artillerie à l’école de la Fere et obtient le brevet d’ingénieur du roi. Il combat dans les armées de Louis XV (15) contre celles de son oncle Philippe V (5) d’Espagne et reçoit le grade de capitaine.

C’est alors qu’il adopte le surnom d’Hanibal du célèbre général Carthaginois Hannibal et se lie d’amitié avec plusieurs figures des « Lumières » dont Diderot, Montesquieu et Voltaire. Voltaire l’aurait d’ailleurs surnommé « l’étoile noire des Lumières » (Paru sur eb.remac). De retour en Russie en 1722, il devient secrétaire personnel du tsar et superviseur des chantiers de forteresses militaires.

A la mort de Pierre le Grand en 1725, il est exilé en Sibérie puis est grâcié en 1730 pour ses qualités d’ingénieur militaire et devient un éminent personnage à la cour de l’Impératrice Elisabeth 1er. Le 12 Juin 1742, il devient major général puis gouverneur de Tallin de 1742 à 1752. Anobli par Elisabeth 1er en 1742, il obtient le domaine de Mikhailovskoye dans la Province de Pskov avec des centaines de serfs. Il s’y retire en 1762 tout en continuant à diriger les travaux des ports et des fortifications. On lui attribue la construction de la ville de Saint-Pétersbourg sur instructions du tsar. En 1755, il devient « général lieutenant » et en 1759, général en chef d’armée, 3ème rang de la hiérarchie militaire civile.

Premier ambassadeur du Cameroun en Russie

De par ses origines camerounaises prouvées, Hanibal apparait ainsi comme le premier Camerounais ambassadeur dans la pays de Vladimir Poutine. Certains historiens lui attribuent une parenté éloignée avec l’actuel homme fort de Moscou. Vérité ou élucubrations ? Difficile d’y répondre. Mais ce qui est certain, c’est que, Hanibal a fortement marqué les esprits de son époque loin de sa terre natale qu’il n’avait jamais revue.

S’il fut remarqué par les brillants esprits Français de son époque dont Diderot, Voltaire ou Montesquieu…, cela prouve à suffisance qu’il était doté d’une intelligence remarquable ayant abouti à la nomination de secrétaire du Roi. Et ce n’est pas pour rien que l’impératrice Elisabeth 1er l’appelle à ses côtés. Il a su ainsi mériter tous les honneurs qui lui ont été rendus dans sa nouvelle patrie camer.be. A quand les honneurs dans son pays d’origine ? Y pense-t-on seulement ?

Quand le Ministère des Arts et de la Culture pourrat- il se saisir du dossier d’hommage à ces Camerounais qui ont défendu leur pays ou qui l’ont valablement représenté dans diverses institutions internationales ou dans différents pays avec honneur ? Ces questions méritent d’être posées car, de nos jours, le Cameroun apparait comme un pays sans héros, sans répères alors que de nombreux femmes et hommes l’ont valablement honoré.

Mais pour ce cher Hanibal, une fois de plus, l’adage selon lequel nul n’est prophète en son pays est avéré. Est-ce pour rendre la monnaie de la pièce que la Russie s’est empressée de venir au secours du Cameroun dans sa lutte contre la secte islamiste Boko Haram ? Certains Camerounais n’hésitent pas à le penser. Mais une chose est sûre, les relations entre le Cameroun et la Russie à la lecture de cette histoire de Hanibal sont séculaires et méritent d’être renforcées pour le bonheur des deux peuples.

Auteur: Mouna Mboa