Le ministre de l’Enseignement supérieur, grand chancelier des Ordres académiques, doit faire le choix entre désavouer le recteur en annulant sa décision portant annulation d’une thèse de doctorat à l'université de Yaoundé Il ; sinon, soutenir ce dernier et avoir dans son dos, une cascade de plaintes de 360 étudiants ayant versé chacun une somme de 4.500.000fcfa, pour un doctorat professionnel que l’université ne veut plus leur octroyer.
La crise née de la soutenance par Gilbert Ngoumou d'une thèse de doctorat professionnel qui a connu son annulation le 13/02/2018, le Pr Adolphe Minkoa She, recteur à l'université de Yaoundé Il, est loin d’avoir connu son dénouement. La situation devient au fil des jours, assez complexe. Il ne s’agit plus seulement de la soutenance de la thèse de doctorat professionnel par Gilbert Ngoumou, mais c’est le sort de 359 autres étudiants dont la crainte de ne pas soutenir, est visible. Contrairement à la lettre du recteur au doyen dans laquelle, il nie et rejette en bloc l’existence et l’inscription de Gilbert Ngoumou comme étudiant à l’université de Yaoundé II, Le Messager a retrouvé des documents qui contrarient le Pr Adolphe Minkoa She; en l’occurrence : l’admission de l’étudiant en doctorat professionnel, signé par le doyen le 29 novembre 2014 ; l’attestation d’inscription de l’étudiant, datant du 16 décembre 2014, au rang de n° 02, matricule 928344, filière commande publique et marchés publics, assortie d’une avance de paiement de la pension de la somme de 750.000fcfa.
Le nom de l’étudiant Gilbert Ngoumou, figure également dans la décision n°14/419 signée le 14 novembre 2014, par le Prof. Oumarou Bouba (alors recteur de l’université de Yaoundé II, prédécesseur du Pr Adolphe Minkoa She) ; décision indiquant la liste de 360 étudiants sélectionnés en cycle de doctorat professionnel au titre de l’année académique 2014-2015. A partir du moment où, le doyen a reçu toutes les autorisations de soutenance du rectorat, pouvait-il refuser d’y donner droit. Une soutenance de thèse de doctorat à l'université, est un grand moment dans l'institution. Elle est même la preuve d'un dynamisme probant. Une thèse n'est pas un phénomène ex nihilo. Il est impossible de programmer, d'organiser une soutenance de thèse sans l'aval du chef de céans : le Recteur.
Le Messager a reçu l'autorisation de soutenance signée par délégation des responsabilités du Prof. Ebana Mvogo, vice-recteur chargé des enseignements, de la professionnalisation et du développement des Tic, le 23/01/2018. Après l'autorisation, il y a la signature et publication par le doyen du communiqué programmant (pour le 08/02/2018), la soutenance datant du 31/01/2018. Entre le 23/01/ et le 08/02/2018, date de soutenance, Adolphe Minkoa She est resté muet. Et pourtant en tant que chef de l'institution universitaire, il avait le plein droit de rapporter la décision d'autorisation de la soutenance.
Bataille entre conservateurs et progressistes
Le recteur avait l'occasion de désactiver, d'indiquer son désaccord de désavouer le Doyen, le Pr. Magloire Ondoa qu'il a plutôt préfère d’humilier et d’accabler, le couvrant d’opprobre et d'invectives. Au-delà du désamour, des querelles et problèmes d’hommes qui existent entre deux enseignants de haute voltige en conflit aujourd'hui, il y a en filigrane, une bataille de générations. Entre l'ancien régime apprivoisé par le Recteur, le Pr Adolphe Minkoa She agrégé en 1991 et le doyen de la faculté des sciences juridiques et politique de l’université de Yaoundé II, le Pr. Magloire Ondoa agrégé en 2003, influencé par les nouvelles mutations, le charme et l'offensive des filières professionnelles. Le recteur s’appuie sur la législation et la réglementation pendant que le doyen énonce l’avenir et le bon sens du doctorat professionnel.
La grosse difficulté du doyen est que la constellation des conservateurs et radicaux, ont la loi de leur côté ; pendant que les progressistes, surfent sur une illégalité légitime et positive. Selon des sources, si tant est que c’est ce genre de marginalité qui créé le progrès et la révolution, il reste à questionner la modernisation ou non, du système de l’enseignement supérieur camerounais. La loi n°2001/005 du 16 avril 2001, portant orientation de l’enseignement supérieur dans ses articles 2, 3 et 15 consacre la professionnalisation de l’enseignement supérieur.
Doit-on penser qu’il s’agit simplement des effets d’annonce (le discours jusqu’ici théorique). Dans son adresse à la jeunesse le 10 février dernier, le président de la République, Paul Biya a davantage martelé sur la professionnalisation des filières. Il a même parlé des universités qui seront connectées au cyberespace universitaire mondial. Paul Biya soulignait aussi, l’option gouvernementale, orientée vers l’enseignement des métiers et des formations pratiques et techniques. Avec un tel arsenal de discours sur les filières professionnelles, peut-on encore spéculer quant à savoir si le Cameroun, entend résolument engager l’enseignement supérieur vers la professionnalisation ? Le principal enjeu est celui de l’acceptation ou pas, de l'avenir du doctorat professionnel à Yaoundé II. Il y va également de la crédibilité des diplômes délivrés par l’enseignement supérieur au Cameroun.
Un juridissisme aveugle
Doit-on penser qu’il y a des gens tapis dans l’ombre dont la mission est d’étrangler l'université et le défi de sa modernité? Des sources affirment que l’arrêté devant permettre de régler définitivement le problème est bloqué au niveau du secrétariat général des services du premier ministre. Des conservateurs se sont assis sur les textes qui doivent donner à ce diplôme de doctorat professionnel, son fondement juridique. Pourquoi avoir autorisé la longue marche du doctorat professionnel, cette révolution dans la professionnalisation des parcours universitaires en marche depuis 2015, et vouloir aujourd’hui remettre tout en cause au moment où, il est venu le moment d’organiser les soutenances et l’octroi des diplômes à 360 étudiants qui ont dépensé chacun 4.500.000 FCFA de pension pendant trois ans ; sans oublier les dépenses dans les recherches. Les deux enseignants en conflit aujourd'hui, y ont participé à l'élaboration. Le Pr Adolphe Minkoa She était alors vice-recteur chargé des enseignements, de la professionnalisation et du développement des Tic et Pr. Magloire Ondoa, le doyen de la faculté des sciences juridiques et politique de l’université de Yaoundé II. Sous l’arbitrage du Pr.Oumarou Bouba, recteur de l’université de Yaoundé II, les deux enseignants ont travaillé sur le dossier.
Les étudiants ont été sélectionnés ; les modalités d’obtention du diplôme définies, les paiements effectués. Devenu recteur, Pr Adolphe Minkoa She peut-il désavouer son prédécesseur ; remettre en cause un doctorat professionnel dont les travaux d’études et de recherche, sont amorcés depuis plus de trois années avant lui ? A la lecture de la décision de l'autorisation de soutenance signée par le recteur, il n'apparaît aucune lueur de désapprobation. Le travail présenté par le candidat n'est pas querellé. Ni contesté. D'où viennent les irrégularités et les couacs dont parle le recteur? En décidant de l'annulation d'une soutenance, par voie de conséquence, l'annulation d'un diplômé universitaire, compétence exclusivement dévolue au grand chancelier des Ordres académique, en l'occurrence le ministre de l'Enseignement supérieur, Adolphe Minkoa She tente-t-il de conditionner le Pr. Jacques Fame Ndongo? Pour quelles fins?
Convaincus de réunir toutes les modalités, face à la volteface de l’institution universitaire qui tente de les rouler en optant pour la nullité du doctorat professionnel, l’association des 360 étudiants a porté le problème sur la table de du ministre de l’Enseignement supérieur, grand chancelier des Ordres académiques. Ils avancent l’hypothèse de saisir la justice ; les étudiants désabusés demandent des dommages et intérêts de l’ordre de 60 milliards. Tout en appelant à une justice immanente, ils mettent le professeur Jacques Fame Ndongo dans un dilemme cornélien. Les 360 étudiants sont fondés à assiéger le ministre Jacques Fame Ndongo d’autant qu’en 2015, c’est le Minesup Jacques Fame Ndongo qui a procédé au palais des congrès de Yaoundé, au lancement solennel des doctorats professionnels. Comment expliquer que ce n'est qu'après avoir encaissé près de deux milliards de FCFA, que l'université de Yaoundé Il, constate que le doctorat professionnel n'a pas de fondements juridiques? Les nerfs de Jacques Fame Ndongo, dont l'arbitrage est attendu, sont à rude épreuve. Le sémiologue est entre deux feux nourris. Un recteur qui assure la politique générale de l'université et un doyen, patron académique d'une faculté, la plus florissante et nombreuse de toutes les universités du Cameroun. Le temps des clarifications suggère de nombreuses réponses à plusieurs interrogations. Il appartient au professeur Jacques Fame Ndongo de démêler l’écheveau.