La plénière d’adoption du budget 2018 de l’Etat du Cameroun, tenue à l’Assemblée Nationale dans la nuit du vendredi 08 décembre dernier, défraie la chronique et fait l’objet des débats dans les chaumières jusqu’ici non pas par la pertinence de ses travaux, mais par le nombre des faits préoccupants qui l’ont émaillée et illustrent à suffisance, le caractère hypertendu de l’atmosphère sociopolitique du pays en ce moment.
Il y a d’abord la durée exceptionnelle de présentation du rapport de la Commission des Finances dont la lecture a commencé à 16h30 pour finir autour de 20h30, soit près de 4 heures de temps. Il y a ensuite l’attitude de tous les Députés RDPC dont aucun n’a demandé la parole pour la phase des discussions et débats avant l’adoption de la Loi des Finances. Etait-ce une consigne de leur parti politique ou l’indicateur du caractère limpide du texte de budget qui ferait que ni sur la forme, ni sur le fonds, ces députés du parti au pouvoir n’aient trouvé rien à questionner ?
Chacun peut faire son opinion mais la constance est qu’une solidarité ou un pacte incestueux serait noué entre le Gouvernement et les Députés du parti au pouvoir de sorte que tout ce que le Gouvernement demande à l’Assemblée lui soit servi sur un plateau d’or en temps voulu et de la manière voulue par ce Gouvernement. Tant pis pour le peuple.
Il y a enfin les actes posés par les Députés du SDF d’abord et de l’UDC ensuite en réactions à des abus dont ils sont victimes au détriment de la nation toute entière. Demandant la parole en vain avec insistance en soulevant comme il est de coutume leurs chevaliers ou porte-noms, seul un Député SDF a eu la parole et a relevé la violation des procédures d’adoption de la loi des Finances et a enregistré une réponse arrogante de la part du Président de l’Assemblée Nationale qui dit simplement que «si le SDF ne veut pas voter le budget, qu’il laisse et les autres vont le voter…».
Les Députés SDF entonnent alors la chanson et sifflets au niveau du pupitre pendant que trois des quatre députés UDC, l’honorable Lipot de l’UPC et le Député du MDR maintenaient leurs porte-noms levés en guise de demande de parole. Le PAN ne leur donne pas parole, et apparemment sur instructions du Ministre Grégoire Owona, en sa qualité de l’intérimaire du Ministre Chargé des Relations avec les Assemblées, va déclarer qu’il n’y a plus de débat et dit que le budget est adopté.
C’est alors que la Députée Porte parole des députés UDC lance devant, les trois chevaliers porte-noms en guise de protestation au refus méprisant de lui donner la parole. Le troisième porte-nom lancé va malheureusement heurter la tête d’un Député RDPC , l’honorable WALLANG Richard faisant couler du sang. Si cet acte est regrettable et même regretté d’ailleurs puisque la Députée Tomaïno Ndam Njoya a toute suite présenté ses excuses à son collègue qu’elle n’a nullement visé et avec qui elle n’a aucun problème antérieurement à cet acte.
Il faut comprendre qu’en dehors des discussions en séance plénière d’adoption, l’UDC n’a aucune autre possibilité d’intervenir dans le processus d’adoption du Budget étant donné que depuis son entrée à l’Hémicycle en 1997 et nonobstant sa présence à chaque législature jusqu’ici, le Parti que dirige le Dr Adamou Ndam Njoya n’a jamais de représentant à la commission des finances.
Alors pourquoi lui refuser la parole en séance plénière ? Pour qu’elle raison pertinente doit on refuser la parole aux députés de surcroit à une plénière d’adoption du Budget de l’Etat qui est l’instance la plus appropriée pour exercer le contrôle à priori ou préventif de l’action gouvernementale ?
Ce contrôle de l’action du gouvernement n’est–il pas une des deux attributions principales reconnues au parlement par la Constitution ? Pour qu’elle raison les Députés du RDPC se comportent-ils de manière à faire de l’Assemblée Nationale une simple caisse de résonnance ou chambre d’enregistrement des décisions du Gouvernement ?
On peut beau regretter l’acte de la Députée UDC qui, voulant agir pour attirer fortement l’attention sur les abus multiples et préjudiciables pour l’intérêt de la population camerounaise, a inconsciemment occasionné la blessure d’un de ses collègues, ou l’attitude des députés du SDF de perturber le cours des travaux par des chants et danses autour du pupitre, mais tout ceci est le reflet de la mal gouvernance qui gangrène notre pays au niveau de toutes ses institutions.
Il est temps que le pouvoir en place prenne conscience de la gravité de l’atmosphère politique du pays qui est en état de pourrissement avancé au risque de voir le pays basculer dans un conflit fratricide.