Le président de la République a procédé à une baisse voilée de salaire au profit de la Caisse nationale de prévoyance Sociale (Cnps ) et au détriment des travailleurs !!!
Au cours d’un débat radiophonique sur le plateau de la Rts à Yaoundé, un ponte du Rdpc, en l’occurrence M. Daniel Abate, a cru pouvoir me contredire lorsque sur la base d’un article que j’ai publié au lendemain du décret présidentiel n°2016/072 du 15 Février 2016 et son annexe fixant les taux de cotisations sociales et les plafonds des rémunérations applicables dans les branches des prestations familiales, d’assurance pensions de vieillesse, en combinant ses effets et ceux du décret n°2016/034 du 21 Janvier 2016 portant revalorisation du montant des allocations familiales servies aux travailleurs par la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, Cnps et le Ministère des Finances, je soutenais que le Président de la République a dupé le peuple.
Grande duperie
Compte tenu de l’exiguïté du temps de débat qui n’avait alors pas permis de clarifier suffisamment la lanterne de mes compatriotes sur cette question qui a toute son importance, je viens par cette article confirmer ce qui apparaît en définitive comme la grande duperie des travailleurs par le Président de la République et dont les pontes de son parti trouvent à camoufler pour la faire passer inaperçue. En effet dans son adresse du 31 décembre 2015 à la Nation, le Président de la République avait déclaré que «Malgré la conjoncture difficile actuelle, j’ai prescrit au Gouvernement deux mesures significatives :
Revoir à la baisse les prix du carburant à la pompe et
revoir à la hausse le montant des allocations familiales versées aux travailleurs.
Ces mesures prendront effet dès le 1er janvier 2016. »
Sans m’attarder sur la faible baisse du prix du carburant qui n’a rien de commun avec la grande chute de 50% du prix du baril du pétrole sur le marché mondial alors que l’augmentation du prix de ce produit était justifié par le surenchérissement du prix du baril à l’époque, je vais ici réitérer l’analyse factuelle que j’avais faite au lendemain du 2ème décret présidentiel sur la sécurité sociale et qui n’a politiquement pas fait du bruit comme le premier signé le 21 janvier 2016.
En effet, le décret du 21 janvier 2016, fait passer le taux des allocations familiales de 1800 Fcfa par mois et par enfant, en vigueur depuis le décret n°85-1096 du 02 Août 1985, à 2800 Fcfa par mois et par enfant ; soit une augmentation de 1000 Fcfa en faveur du travailleur quand il est parent. Cette disposition a justifié toutes les louanges possibles au Président de la République, Président national du Rdpc dont la bonté à l’égard du peuple venait encore de s’exprimer à travers cet acte.
Signalons qu’en payant 1800 fCfa par enfant et par mois, cela équivalait à une ration de 60 Fcfa par jour que l’Etat voudrait qu’un parent travailleur assure à son enfant. En le revalorisant à 2800 Fcfa, on passe de 60 Fcfa par jour à 93 Fcfa par jour pour un enfant. Allez voir ce que cela peut donner comme menu d’une telle ration comparativement au niveau général de prix sur le marché au Cameroun. Mais là n’est pas le problème.
Reprise par la même droite de ce qui est donné par la main gauche
Lorsque le décret n°2016/072 et son annexe fixant les taux de cotisations sociales et les plafonds des rémunérations applicables dans les branches des prestations familiales, d’assurance pensions de vieillesse est signé et publié le 15 Février 2016, il n’a plus bénéficié du même tapage médiatique et communicationnels publics des apparatchiks du régime politique régnant et de leurs suppôts ou excroissances qui se recrutent dans une certaine société civile devenue société servile réduite au rôle griottier d’appel à candidature. Cela n’a pas été une option anodine, car ils savent que par ce décret, le Président de la République venait de reprendre par la même droite, bien plus que ce qu’il a donné par la main gauche aux travailleurs à travers le décret du 21 Janvier 2016.
En réalité, le Président de la République a procédé à la baisse du salaire de tous les travailleurs, à la différence que cette baisse n’est pas au profit des employeurs qui paient les salaires, mais en faveur de la Cnps (Caisse nationale de prévoyance sociale) qui reçoit chaque mois, les retenues opérées à la sources sur tous les salaires cotisables au titre des prestations familiales et d’assurance pensions de vieillesse. Du fait de ces cotisations, le travailleur a droit pendant qu’il travaille, aux allocations familiales payées par trimestre pour ses enfants mineurs, aux paiement de son salaire de base pour la période de congé normal ou de congé de maternité, au remboursement des frais de consultations prénatales et d’accouchement et enfin à la pension retraite lorsqu’il est mis à la retraite. Il faut préciser ici que le droit à la pension retraite est conditionnée au paiement régulier des cotisations sociales pendant au moins 180 mois, soit quinze ans, délai que le Président de la République vient de porter à 20 ans ou 240 mois.
A défaut d’atteindre ce quota de cotisations, le travailleur n’a droit qu’à un montant unique calculé et payé par la Cnps sur la base du capital qu’il aura cumulé en termes de cotisations durant la période où il était professionnellement actif. Les Ayants droit du travailleur ont également accès à une indemnité de décès lorsque le travailleur décède avant ou après sa retraite. D’autres dispositions financières de la Cnps concernent la couverture des risques d’invalidé suite aux accidents de travail.
Mais, il faut préciser que la charge de cotisations donnant accès au payement du capital relatif aux accidents de travail est entièrement supportée par l’Employeur sur la base d’un taux de cotisation qui varie selon le secteur d’activité ou branches d’activité classés selon de le degré du risque d’accident auxquels les travailleurs sont soumis dans l’exercice du travail.
Régime discriminatoire
Le décret du 15 février 2016 s’illustre par trois faits majeurs au détriment des travailleurs Camerounais et qui annulent plus qu’entièrement, ce qui pouvait apparaître comme avantages dans le décrit du 21 janvier revalorisant les allocations familiales :
1. Le taux de cotisation au titre de Pvid est passé de 7% à 8, 4% par mois. Soit une augmentation de 1,4%. Quand il était de 7%, l’Employeur supportait 4,2% tandis que le travailleur supportait 2,8% retenus sur son salaire au profit de la Cnps. Lorsque le président l’a revalorisé à 8,4%, il a maintenu la contribution de l’Employeur à 4,2% mais a augmenté celle du travailleur de 2,8% à 4,2%.
La cotisation à la Cnps est donc finalement supportée à parts égales par l’Employeur et le Travailleur; ce qui veut dire que l’augmentation de 1,4% est entièrement faite aux dépens du travailleur. Pour un travailleur dont le salaire brut cotisable est de 100 000 Fcfa, il subira une charge additionnelle de 1400 Fcfa (100 000 x1, 4%) chaque mois, et comparativement à l’augmentation des allocations de 1000 Fcfa qu’on lui a accordée par décret du 21 Janvier 2016, sa situation nette par rapport à la Cnps se solde par une perte de 400 Fcfa au profit de la Cnps.
Cette perte va grandissante au fur et à mesure que le salaire brut cotisable est relativement important. Pour un salaire de 300 000, la charges additionnelle due à la cotisation sociale est de 1,4% x 300 000 Fcfa = 4200 Fcfa. C’est cette réalité qui a fait que chaque travailleur ait été surpris de constater sur sa paye du mois de Février 2016, que son salaire net a subi une baisse. J’avais au lendemain de la publication de ce décret, illustré l’impact de cette mesure présidentielle sur un tableau comparatif portant sur plusieurs tranches de salaires ; tableau sur lequel je n’entends pas revenir ici.
2. L’augmentation du plafond de salaire cotisable ou base cotisable est passé de 300 000 Fcfa à 750 000 Fcfa. Cette autre mesure a un impact négatif sur le salarié dans la mesure où, pour les Travailleurs dont le salaire brut cotisable était supérieur à 300 000 Fcfa A, les retenues en faveur de la Cnps et pour le calcul de l’Irpp, s’opéraient sur le plafond de 300 000 et le reste était payé au salarié sans aucune retenue. En élargissant cette base à plus du double de son précédent plafond, le Chef de l’Etat a inclus la totalité de ce montant dans la base taxable et cotisable et désormais plus rien ne sera payé au salarié sans subir de retenue. Bien vrai qu’on me rétorquera que cet élargissement devra également contribuer à élever le montant de la pension retraite mais cela reste à voir.
3. la période minimale de cotisation donnant droit à la pension retraite est passée de 15 ans à 20 ans, soit de 180 mois, à 240 mois. Cette mesure est doublement néfaste pour le travailleur dans la mesure où, d’un côté, il doit cotiser 5 ans ou 60 mois supplémentaires pour prétendre avoir droit au même montant de la pension retraite qu’il aurait dû recevoir sans ce sacrifice supplémentaire ; et de l’autre côté, plus de la moitié des travailleurs de la jeune génération, celle des années 90 à présent, pourront ainsi se trouver écartés de l’accès à la pension retraite dans la mesure où, face à la rareté de l’emploi, nos jeunes diplômés passent en moyenne 15 ans dans la recherche d’un premier emploi stable et lorsqu’ils y parviennent, la plupart se retrouvent déjà à 45 ans d’âge et par conséquent, lorsqu’ils auront 60 ans (si jamais ils ont la chance d’être dans le régime où la retraite se prend à 60 ans étant donné qu’on continue à subir au Cameroun un régime discriminatoire où les uns vont à la retraite à 50 ans, les autres à 55 ou à 60 ans), ils n’auront au meilleur des cas cotisé que pendant 15 ans et ne devront par conséquent pas avoir droit à la pension retraite.
L’analyse combinée de ces deux décrets présidentiels entrés en vigueur en début de l’année 2016 concernant la sécurité sociale et les allocations familiales, aboutit sans détour au constat d’une baisse camouflée de salaire au profit de la Cnps dont le Budget, 2016, validé par le Président de la République le 31 Décembre 2016 par décret n° 2015/623 s’équilibre en recettes et dépenses à la rondelette somme de 147 500 000 000 Fcfa (Cent quarante sept milliard cinq cent millions).
Rompre avec la politique de faux fuyant et d’appauvrissement
Ainsi, fidèle à la logique de gouvernance approximative qui caractérise son régime, le Président a annoncé une chose (l’amélioration des conditions des travailleurs par la revalorisation des allocations familiales), mais a finalement réalisé le contraire à savoir l’appauvrissement des travailleurs au profit de la Cnps.
Dans un contexte législatif où on continue à maintenir le code de travail de 1992 qui gèle les conditions des salariés et constitue la grande pesanteur sur le rêve du travail décent dont le gouvernement donne l’impression de s’en préoccuper chaque 1er mai, on vient une fois de plus de prendre des mesures qui pèsent uniquement sur ces pauvres travailleurs dont le travail, au lieu d’éloigner d’eux, «l’ennui, le vice et le besoin», leur apporte de plus en plus de stress et aggrave le vice et le besoin car combien de travailleurs parviennent à boucler un mois avec leur salaire sans avoir recours soit au découvert bancaire, soit aux avances sur salaires ou en allant tout simplement chez l’usurier ?
Il faut rompre avec la politique de faux fuyant et d’appauvrissement continu de la population qui maintient ou aggrave la précarité socio-économique et financière de cette population qu’on exploite en clientélisme électoral qui est l’une des stratégies de fraude électorale du parti au pouvoir généralement matérialisée par l’achat de conscience des électeurs à qui on achète les bulletins de vote des adversaires au mépris des dispositions claires de la loi, de la morale publique et du soit disant combat contre la corruption devenue une gangrène dans le pays.
Pour l’émergence du Cameroun, il faut une gouvernance purement citoyenne et républicaine visant à promouvoir les meilleures conditions de l’émergence de la citoyenneté responsable, éclairée, patriote, agissant en âme et conscience pour l’intérêt général de la Nation.