Amadou Ali: L’homme de tous les maux ?

Mon, 4 Apr 2016 Source: O. A

Opération Epervier, Wikileaks, Boko Haram, listing des faux comptes bancaires, révélations de l’Anif, la liste des griefs contre le natif de Kolofata est longue. Son entourage le qualifie d’intègre, de discret. Beaucoup, de cynique et Olanguena Awono, de bavard, d’inculte.

L’ex Minsanté qui vient de commettre un livre aux Editions du Schabel est sentencieux. «L’on découvre, à la lecture de ses confidences ( celles d’Amadou Ali : Ndlr), les talents d’affabulateur et de calomnieur invétéré de ce haut responsable à l’égard de ses concitoyens auprès d’une puissance étrangère, sans la moindre retenue qu’aurait dû lui imposer la conscience du devoir de réserve, la présomption d’innocence de ses cibles, et la sagesse même découlant de son âge et de sa longue durée aux affaires malgré une formation sommaire de base pauvre en outils d’analyse et de crédit intellectuel» le peint­il au vitriol.

Une réputation que l’actuel vice Premier­ministre chargé des Relations avec les Assemblées traîne désormais comme un boulet. Le landernau politique du Cameroun n’a pas oublié les révélations faite par ce fils de Kolofata dans l’Extrême­Nord, à une puissance étrangère en 2007 et dévoilées au grand jour en 2011. Des «propos diffusant une haine ethnique», soutient Urbain Olanguena Awono.

Le temps a passé, mais les faits sont restés gravés dans la mémoire collective ? le coup a porté, les déclarations sont une tache indélébile. «Ali affirme que les trois régions du Nord, qui sont ethniquement et culturellement différentes du reste du Cameroun, apporteront leur soutien à Biya aussi longtemps qu’il souhaitera demeurer à son poste, mais que le prochain président ne sera pas [comme Biya] un Beti­Bulu.

À la question de savoir ce que le Septentrion ferait si Biya nommait un Beti­Bulu pour lui succéder, Ali répond que le chef de l’État ne prendrait jamais une telle décision», avait écrit Janet Garvey, ambassadrice des États­Unis au Cameroun, entre 2007 et 2010 (Wikileaks). Des déclarations qui ont valu à Amadou Ali des inimitiés parmi les proches de Biya. Et ce n’est pas l’affaire du listing des faux comptes bancaires sur les membres du gouvernement et autres personnalités qui va arranger les choses. Il lui est de fait reproché d’avoir fourni de fausses informations dans des fiches répertoriant les comptes bancaires à l’étranger de

certaines personnalités, poursuivies pour détournement de fonds dans le cadre de l’opération Épervier. Fort de ceci, le Vice­Premier ministre avait confié à Francis Dooh Collins, chargé de cette enquête, près de 800 millions de Fcfa de fonds publics pour financer ses investigations.

RÉVÉLATIONS DE L’ANIF

Suffisant donc pour faire augmenter le quota des griefs auprès de ses ennemis, car monsieur Ali a été le maître d’oeuvre de cette opération Epervier et c’est lui qui tenait l’épée de Damoclès au­dessus de la tête de ses collègues du gouvernement. Lui qui, pendant des années, a fait perdre le sommeil à l’élite politicoadministrative du pays.

Même à ses frères de la partie septentrionale, comme le rappelle Olanguena Awono. «La conflictualité politique locale a aussi amené à trouver des adversaires à éliminer dans la même sphère ethnico régionale», écrit­il. Il cite alors Haman Adama, Marafa Hamidou Yaya et Iya Mohammed, tous originaires du Grand­Nord comme Amadou Ali, mais qu’il n’a pas hésité à mettre sous les verrous.

Tout comme Me Lydienne Eyoum qui l’a accusé de séquestration en août 2011, et soutient que sa «détention est le fait de magistrats manipulés par le ministre de la Justice Amadou Ali pour justifier la détention des membres du gouvernement ». Jean Marie Atangana Mebara n’est pas en reste. «Comment voulez­vous alors ne pas être accusé d’avoir monté toute cette opération dite «Epervier», dans le seul but d’en finir avec ceux des cadres d’un de ces groupes disqualifiés en les accusant de tous les maux.

Vous avez astucieusement utilisé le très léger ambassadeur des Etats­Unis d’Amérique d’alors, un certain Niels Marquardt, pour transmettre au chef de l’Etat vos rumeurs et états d’âme, en faisant croire aux services américains», lui a­t­ il alors demandé, dans un extrait de «Lettres d’ailleurs. Dévoilements préliminaires d’une prise de l’«Epervier» du Cameroun», son livre publié aux éditions L’Harmattan.

Dans cet ouvrage, l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, en détention à la prison centrale de Kondengui, écrit des lettres à différents individus, d’horizons divers parmi lesquelles Amadou Ali, ancien garde des Sceaux, désormais vice­Pm, ministre délégué à la Présidence chargé des Relations avec les Assemblées.

WIKILEAKS

Un câble WikiLeaks, rédigé le 7 février 2008 par l'ambassade des Etats­Unis au Cameroun, révèle des échanges entre un responsable des services de renseignements américains surnommé «Poloff» et le Directeur général de l'Anif, Hubert Nde Sambone, s'agissant la lutte contre les détournements de deniers publics au Cameroun.

L'ex-ministre de la Justice se retrouve au coeur des révélations d'obstructions diverses à la manifestation de la vérité, lui qui a reçu plus de 60 dossiers de poursuites judiciaires, et qui a dressé «sa» propre liste d'«Eperviables».

«Le plus troublant, pour notre propre coordination avec le gouvernement du Cameroun, est la révélation selon laquelle, la liste des individus épinglés par le ministre de la Justice, Amadou Ali, diffère de celle de l'Anif [Agence nationale d'investigations] et qu'Ali lui­même n'est pas dans la bonne liste de [l'Anif].

Ceci prête le flanc à la possibilité que les efforts d'Ali sont guidés par la politique, et non par un désir véritable de justice (un autre argument qui nourrit cette dernière hypothèse est le fait que la nouvelle cellule anti­blanchiment d'Ali est restée muette aux sollicitations répétées de l'ambassade [des Etats­Unis] au cours du mois passé)», révèle câble.

Auteur: O. A