Le ministre de la Communication, Issa Tchiroma Bakary indiquait dans une interview publiée dans les colonnes de Cameroon tribune le 13 février dernier, que le sous-préfet de Batibo enlevé le 11 février «avait été alerté par les populations qui signalaient une urgence, il s’est rendu sur les lieux. Il s’agissait d’un guet-apens tendu par ses assaillants». Le porte-parole du gouvernement précisait en outre que «l’ensemble des forces de défense et de sécurité est mobilisé (…) pour retrouver» Marcel Namata Diteng.
Alors que l’on est toujours sans nouvelles du représentant du chef de l’Etat dans cette circonscription territoriale, la non descente du Minatd, Réné Emmanuel Sadi, sur le terrain suscite une vive polémique. La «réunion de crise» tenue le 27 février par le préfet de la Momo dans la salle de conférence de la mairie de Batibo, n’a pas suffi à éteindre le feu des critiques allumé par la posture du patron du Minatd.
Pour le sociopolitiste Claude Abe, «cette situation traduit bien le fait que le régime fonctionne suivant une logique du temps présidentiel et du temps politique gouvernemental très éloigné des aspirations, ou de ce que pense le peuple. La gestion du dossier de l’enlèvement du sous-préfet de Batibo, témoigne bien de cette manière de fonctionner».
L’universitaire ajoute que «le gouvernement à travers le Minatd, peut arguer qu’il s’agit d’une situation qui interpelle davantage l’armée. Mais il ne faut pas oublier la symbolique forte qu’il y a dans cette affaire où c’est un symbole de l’Etat qui a été enlevé. Un sous-préfet d’expression anglophone et qui représente le chef de l’Etat. C’est pourquoi, il est important d’articuler les actions des forces de défense et de sécurité autour de la symbolique de l’Etat à travers une descente par exemple du Minatd sur le terrain», explique Claude Abe.
Le politologue Mathias Eric Owona Nguini soutient quant à lui que «les autorités centrales camerounaises se reposent souvent sur leurs représentants territoriaux en pareilles circonstances. Ce sont ces représentants qui remontent les informations et ces autorités centrales se déterminent en fonction de ces informations. L’on peut observer que le pouvoir se refuse d’apparaitre comme subissant la pression du terrain en s’y déportant chaque fois qu’il se produit une crise», conclut-il.
Dans un registre quasi similaire, l’on peut observer que depuis qu’il a déclaré le 17 mai 2014, la guerre à la secte terroriste Boko Haram, le président de la République, Paul Biya ne s’est jamais rendu (personnellement) à l’Extrême-Nord. Certes, le chef de l’Etat y a souvent envoyé son «réconfort matériel et moral» au travers notamment du gouverneur de l’Extrême-Nord, Midiyawa Bakari. Mais ces attentions présidentielles peuvent-elles remplacer une présence physique dont la chaleur est réputée porteuse de plus de vertu, y compris sur un plan politique ?
D’autant que le bilan humain des exactions de cette organisation criminelle affiche plus de 2000 morts.