En attendant de s’assurer que sa responsabilité de Secrétaire permanant du Conseil de sécurité nationale – une instance présidée par le Président de la république et composée d’une dizaine de membres dont le Premier ministre, le SGPR, le ministre en charge de la défense, le ministre en charge de l’administration territoriale, le délégué générale à la sécurité nationale, le Secrétaire d’Etat à la défense chargé de la gendarmerie, etc. - lui donne compétence légale et réglementaire pour prendre des mesures à caractère national relevant de l’administration étatique en charge des renseignements généraux ( Sureté nationale), Paul Atanga Nji, le nouveau ministre de l’administration territoriale a décidé la semaine dernière de demander aux gouverneurs des régions de lui fournir deux fois par jour le point sur la situation sécuritaire nationale. Cela pendant 6 mois renouvelables.
Alors même que l’on s’interrogeait encore sur cette entreprise, celui qui est toujours le président d’une section locale du parti au pouvoir dans le département de la Mezam, dont le chef-lieu Bamenda, est l’un des épicentres de la crise sociopolitique qui parcourt violemment les zones anglophones du Cameroun, a aussi décidé d’interdire la circulation des motos taxis dans une demie douzaine de localités des dites régions (voir compte rendu y consacré dans ces colonnes)!
Initiative radicale s’il en est, notamment dans son présupposé visant l’éradication de la menace irrédentiste violente dans les dites régions, on observera avec beaucoup d’attention la mise en œuvre et surtout ses effets dans un pays où le taux de sous-emplois voire de chômage ne cesse de croître, laissant de pans entiers de la jeunesse être tentés par les sirènes de toutes sortes d’aventures politico-institutionnelles. Même au plus fort de la crise sécuritaire dans la région de l’Extrême Nord marquée par les attaques de la nébuleuse Boko Haram, ce n’est pas son prédécesseur à la fonction Réné Emmanuel Sadi qui prenait les mesures similaires dans les localités de cette région mais bel et bien le gouverneur de céans.
C’est dire que la centralisation de la gestion de la sécurité nationale autour du ministre en charge des territoires et des élections n’est pas une vue de l’esprit. Mais que diable, le président de la république qui a fait le choix de la modification de la structure du gouvernement et des compétences des deux ministères issus de l’ancien Ministère de l’administration territoriale et de la décentralisation n’a-t-il pas explicitement confié la gestion de la sûreté nationale et de la sécurité intérieure au tout nouveau ministère de l’AT, pour en faire une sorte de grand ministère de l’intérieur comme on le voit en France, et aux Etats- Unis, bref dans les grandes démocraties dans l’optique d’une plus grande coordination de ces questions sensibles qui sont au cœur de la paix et des libertés civiles et politiques dans toute démocratie véritable ?
Avec les initiatives du tout nouveau ministre de l’administration territoriale, dont l’énergie – certains disent « zèle » - semble débordante, il y a un risque de confusion et de chevauchement dont les objectifs, sans doute louables, risquent en sortir fragilisés. En tout cas, il faut souhaiter que ces initiatives ne viennent radicaliser davantage une population qui jusque-là s’est laissé convaincre de ce que des forces « étrangères » ne leur voulaient pas de bien. Le fait que M. Atanga Nji soit originaire de cette ère linguistique est sans doute un atout.
Mais agir de la sorte en matière de sécurité nationale sans que nulle part il n’y ait de trace d’un conclave de l’instance, qui sous la responsabilité du président de la république, est en charge de la coordination des informations relatives à la sécurité nationale, peut à la longue s’avérer bien hasardeux.
D’autant que selon des informations du Messager, quelques instances des Nations Unies en charge de la protection des droits humains commencent à s’agacer du refus de l’Etat du Cameroun de répondre favorablement à leur demande d’accéder au territoire camerounais pour vérifier toute la flopées d’informations graves leur parvenant et faisant état de graves abus en matière des droits humains.
Le haut-commissariat des Nations Unies en charge de ces questions a d’ailleurs appelé très récemment les autorités camerounaises à une «désescalade » du conflit dans les régions anglophones. Si jusqu’à ce jour il apparaît que ces dernières ne contredisent pas ouvertement les options du gouvernement, le choix d’agir à partir du centre du pouvoir à Yaoundé, notamment pour la prise des mesures de restrictions des libertés, peut à la longue apparaître comme une stratégie planifiée.
Et ce n’est jamais bon que les partenaires bilatéraux et multilatéraux utilisent le terme « conflit » pour désigner une situation que l’Etat partie a jusque-là considéré comme une affaire essentielle interne de maintien de l’ordre et de la sécurité des biens et des personnes. Ce qui contrastait d’ailleurs avec l’envoi en première ligne gouvernementale du ministre en charge de la défense.